Huit millions d’hommes frappent, au seuil de nos sociétés - TopicsExpress



          

Huit millions d’hommes frappent, au seuil de nos sociétés occidentales. Que veulent-ils ? Ils demandent qu’on les aide à renaître ; ils revendiquent notre alliance. À peu près inconnus, égarés au bout de l’Europe, ils racontent que de longs siècles de servitude, d’oubli, de déprédations, et tout ce que des hommes sont capables de souffrir, les ont tenus ensevelis, séquestrés du reste de l’espèce humaine. Ils ont vécu, disent-ils, dans un désert, mais dans un désert où ils n’ont échappé à aucune des misères que traînent après elles l’extrême barbarie et l’extrême civilisation. Après cela, ce qu’ils craignent le plus, c’est qu’une adversité si longue, si persévérante, les ait défigurés au point que les sociétés et les peuples auxquels ils s’adressent ne les reconnaissent plus. Chose nouvelle en effet dans notre monde moderne, ils ne réclament pas notre assistance, comme cela s’est vu toujours, au nom seul de la justice, de l’intérêt de tous, de l’humanité blessée et violée. Non ; la nouveauté et la grandeur de leur cause, c’est qu’ils se présentent comme des frères oubliés. Avec un accent qui rappelle certains grands procès plaidés par des nations entières dans Thucydide et dans Tacite, lorsque la parenté du sang était encore sacrée, ce qu’ils invoquent surtout, c’est la communauté d’origine ; c’est un lien de famille entre leur race et la nôtre ; c’est une même descendance, un même berceau, la même langue, les mêmes aïeux. La foi peut-être naïve qu’ils montrent dans la religion des souvenirs communs, la persuasion où ils sont que cette religion ne peut être invoquée sans fruit, que les hommes de l’Occident y sont demeurés aussi fidèles qu’ils le sont eux-mêmes, tous ces traits semblent un dernier reste, de l’antiquité dont ils se couvrent pour y chercher leurs titres confondus avec les nôtres. Les Roumains disent à l’Occident : « Rendez-nous notre droit de cité dans la famille des peuples latins. Nous sommes des vôtres, quoique enveloppés de Barbares. Arrachez-nous à cette captivité. Que l’éloignement ne vous trompe pas sur ce qui nous touche. Des siècles néfastes nous ont tenus séparés de la mère-patrie, de cette Rome d’où nous descendons tous ; mais, quoique chargés de chaînes étrangères, relégués aux confins de l’Europe, nous sommes des frères pour la France, pour l’Italie, l’Espagne, le Portugal. C’est avec vous que nous voulons former une alliance éternelle, non avec les Barbares qui nous entourent. Vous nous avez oubliés, ayant perdu jusqu’à notre nom, car vous nous appelez Valaques, nous qui nous appelons Roumains. Dans notre profonde misère, s’est-il trouvé une seule époque où nous ayons perdu le souvenir de notre ancienne parenté ? Feuilletez notre histoire....... Extrait de: Les Roumains Edgar Quinet Revue des Deux Mondes T. 1 Janvier & Mars 1856....! Déjà ! Photos © Dominique Lissillour Aout 2013
Posted on: Tue, 03 Dec 2013 20:43:04 +0000

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