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Rue 89 | Le nouvel Observateur Le grand entretien. 17/11/2013 Jean Paul Delevoye : « Il faut passer à une société de partage » Extraits de l’extrait : → Ces dernières années, avec la fin des idéologies et les défaillances du libéralisme, les politiques obsédés par le pouvoir ont préféré gagner des électeurs même s’ils perdaient des citoyens. → On veut tout, tout de suite. Le politique est dans la posture, dans la gestion de l’émotion et nous sommes dans des démocraties d’émotion. → Les gens ne croient plus du tout au respect de la loi. Ils ne croient plus à la force du droit, ils revendiquent le droit à la force. Le faible a l’impression d’être écarté du système et la révolte du faible est une révolte violente. → Dans le paysage politique aujourd’hui, l’offre la plus cohérente est celle du Front national. Il y a un leader, un parti, une organisation. Au Front de Gauche, il pourrait y avoir une cohérence mais elle est compliquée par la diversité des leaders. Il pourrait aussi y avoir une cohérence sur le centre entre Bayrou et Borloo autour de l’Europe. Mais c’est clair que les deux partis politiques les plus malades aujourd’hui par cette absence de cohérence, de leaders, de projets et par les conflits de personnes, c’est le Parti socialiste et l’UMP. Si ça se poursuit, on ne peut que prévoir l’éclatement du PS et de l’UMP, et une recomposition de l’offre politique basée autour de projets. La vraie frontière n’est plus entre la droite et la gauche mais entre ceux qui croient à l’Europe et ceux qui n’y croient pas… → Marine Le Pen est le thermomètre qui donne la température de l’insuffisance de l’offre politique républicaine. Le vote FN n’est pas l’adhésion à un choix de société, on voit bien dans ses discours que ce n’est pas cohérent, mais c’est un outil intéressant pour dire « merde » à la classe politique traditionnelle… → Depuis des années, il y a un décrochage entre la performance économique et la performance sociale : au cœur de toutes les espérances politiques, il y avait la perspective de croissance. Notre société défile sous le thème de l’égalité tout en mettant systématiquement des mécaniques d’exclusion. L’école est une machine à exclure ceux qui ne réussissent pas, l’économie est une machine à exclure ceux qui ne sont pas productifs. De plus en plus de nos concitoyens sont en situation de survie. → Toutes les forces qui sont en train d’émerger ces derniers temps sont en effet spontanées et en dehors des systèmes organisés. Les Pigeons en dehors du Medef, les Bonnets rouges en dehors des organisations politiques et syndicales, les mouvements de contestation des fermetures d’usines se font souvent en échappant aux syndicats... Notre système économique est en train d’humilier les gens : quand vous êtes à bac +7 et que vous touchez le smic, vous n’êtes pas malheureux, vous êtes humiliés. Quand on vous vire à 45 ans sans alternative, c’est pareil… → L’aspect pyramidal de la société se transforme en sablier : l’élite a le monde pour horizon, la classe moyenne est de plus en plus fragilisée et les gens sans espérances sont de plus en plus nombreux. Quand vous êtes dans cette situation de désespérance et que c’est le système qui vous y met, vous n’avez que deux solutions : vous détruire ou détruire le système. Vous diagnostiquez une crise absolument terrible.... → Nous ne sommes pas en crise, nous sommes en métamorphose. Et comme toujours, dans ces cas-là, la destruction précède la construction et la douleur précède l’espérance… Nous vivons un moment politiquement très dangereux et d’autant plus dangereux s’il y a une cécité politique. → La société de demain n’aura plus rien à voir avec celle d’aujourd’hui. On va rentrer dans une phase de croissance faible et il y a toute une série de choses qu’il va falloir revisiter. On ne pourra pas sur le travail financer la retraite et la santé… → On demande à l’avenir de s’adapter à notre système alors que c’est au système de s’adapter à l’avenir. Dans quel autre domaine est-ce flagrant ? → L’éducation par exemple. On a des échecs éducatifs mais personne n’imagine que l’arrivée d’Internet doit complètement bouleverser la relation du prof à l’élève. On ne peut plus forcer à apprendre, il faut aimer apprendre et aujourd’hui, ce n’est plus l’accumulation des connaissances – on les a sur les ordinateurs – qui compte mais la formation du sens critique… « On va passer d’une société de la performance à la société de l’épanouissement » → Le rapport humain n’est pas que lié sur l’argent mais aussi sur l’empathie et le partage. Ma conviction, c’est qu’on va passer d’une société de la performance à la société de l’épanouissement... → On a vu des salariés se mettre en SCOP et sauver des entreprises qui avaient été mises en dépôt de bilan par des fonds de pension qui ne cherchaient que la rentabilité maximale. On a le même hiatus avec la classe politique. Les citoyens ne sont pas contre la politique, il n’y a jamais eu autant d’attente politique. On ne souffre pas d’un excès de politique mais d’un excès de politiciens. Il faut aussi arrêter de considérer les syndicats comme des empêcheurs de tourner en rond mais comme des acteurs du changement. Le patronat n’est pas systématiquement assoiffé de fric. On a campé un décor qui fait plaisir à celui qui l’a campé mais qui n’est pas le reflet de la réalité. Je n’ai jamais vu autant de salariés et de patrons défiler ensemble pour sauver leur boîte. Pour vous, la solution passe par le local. → Il faut libérer les forces du territoire. On a des optimismes locaux mais un pessimisme national... → Peut-être faudrait-il mettre en place huit ou neuf régions métropolitaines autour de Lille, Marseille, Bordeaux et pas ce mille-feuilles entre les départements, les régions, les interco’ [intercommunalités, ndlr], les mairies... Les gens voient l’addition des impôts et pas la capacité de pouvoir peser sur les décisions. Il faut qu’on offre aux gens des espaces de rencontre autour de la culture, du sport, voire de la spiritualité. Les gens sont en quête d’espérances alternatives. Les peuples ont besoin de croire en quelque chose. Et c’est sur le territoire des mairies et des communautés de communes que l’on peut retrouver la vitalité sociale. Très concrètement, comment changer les choses ? On a besoin d’un choc culturel. Mon rêve serait que l’on crée des chantiers républicains qui permettent d’avancer en dehors des conquêtes de pouvoir. « Droite, gauche, patrons, salariés : quelle est la fiscalité de demain ? » Pareil pour la santé, pour le chômage. En se posant de vraies questions : est-on persuadé que 100% des gens peuvent avoir du boulot ? On a le droit de penser que non et de mettre en place des allocations pour que des gens travaillent au service de la collectivité.
Posted on: Sun, 17 Nov 2013 23:56:28 +0000

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