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TOUBA : un cimetière pas comme les autres D’une superficie de 11 hectares, le cimetière de Touba est situé à l’Est de la grande mosquée. Ouvert de 6 heures à 19 heures, il abrite les ultimes demeures d’illustres anonymes et de célébrités qui ont marqué l’histoire de notre pays. Chaque famille des descendants de Khadim Rassoul dispose d’un espace dénommé « Keur gou mack » où la grande concession, réservé aux disciples. Il y a aussi l’autre espace désigné par le vocable « wanag-wi » ou le vestibule aménagé à l’intention des mourides communs dont on ignore le guide spirituel. TOUBA : un cimetière pas comme les autres « Les cimetières sont les vestiaires de la résurrection ». Cette réflexion d’André Frossard recoupe le vœu secret de tous les mourides pour qui le cimetière de Touba est l’antichambre du paradis, le lieu où ils aspirent tous se reposer en toute quiétude, après une vie bien remplie. Si, en surface, domine l’acte spirituel qui consiste au bain purificateur et toutes les recommandations pour un enterrement conforme aux prescriptions de la religion musulmane, c’est une véritable activité lucrative qui se déroule autour et à l’intérieur du cimetière. Des tombes, rien que des tombes à perte de vue. Certaines sont marquées par de simples pierres tombales, d’autres des tableaux. Ces tombes ne se distinguent que par les soins mis à les maintenir propres et à les embellir. TOUBA : un cimetière pas comme les autres La grande notoriété et le charisme légendaire de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur du mouridisme, se sont déteints sur tout ce qui, de près ou de loin, est lié à Touba. Le berceau du mouridisme abrite ce célèbre et très prisé cimetière où il ne se passe pas un jour sans qu’il ne reçoive de nouveaux corps venus de partout. Cette célébrité a comme corollaire la naissance d’activités multiples autour du cimetière. Elles constituent des sources de revenus pour plusieurs personnes. D’une superficie de 11 hectares, le cimetière est situé à l’Est de la grande mosquée. Ouvert de 6 heures à 19 heures, il abrite les ultimes demeures d’illustres anonymes et de célébrités qui ont marqué l’histoire de notre pays. Chaque famille des descendants de Khadim Rassoul dispose d’un espace dénommé « Keur gou mack » où la grande concession, réservé aux disciples. Il y a aussi l’autre espace désigné par le vocable « wanag-wi » ou le vestibule aménagé à l’intention des mourides communs dont on ignore le guide spirituel. Cette organisation interne permet à Ousmane Thioub, le principal coordonnateur des activités funéraires du cimetière, de très vite situer l’endroit à préparer pour la dernière demeure de tout corps qui débarque. COMMUNICATION SILENCIEUSE Il y a comme une communication silencieuse entre mort et vivant dans ce cimetière. Ceux qui y travaillent adoptent des comportements et communiquent entre eux par la gestuelle : une attitude constante tout au long de la journée. Si ce ne sont pas des louanges qui accompagnent un défunt à sa dernière demeure, c’est une séance de prière sur un défunt à qui l’on vient de faire la toilette mortuaire. L’habitude est une seconde nature, la phobie qu’inspire la mort ou le corps d’un défunt dont on s’empresse de se débarrasser, n’existe pas dans ce milieu. M Thiam, un des assistants de M. Thioub, informe qu’il faut bien que quelqu’un fasse ce travail : « C’est une recommandation de la religion et nous sommes dans un cimetière musulman, nous sommes des talibés au service d’autres talibés et dans la quête de l’agrément de Serigne Touba », renseigne-t-il. « Il est vrai, qu’on nous dédommage après services rendus, mais c’est le matériel que les parents du défunt achètent souvent sur place, pour la toilette mortuaire, qui fait croire que nous avons beaucoup d’argent », explique-t-on. Cette version est identique à celle recueillie auprès de Sokhna Nianga, qui dirige les femmes qui travaillent dans la partie réservée aux femmes. « Nous exerçons un service public, nous y gagnons de quoi faire vivre nos familles et régler certains petits problèmes. C’est un travail noble et nous ne sommes pas là à nous réjouir du nombre de disparus. C’est la volonté divine, on aurait pu être à la place de ces personnes, ou ailleurs, exerçant un autre métier, il ne faut pas pleurnicher sur sa destinée », lance-t-elle, philosophe. Une de ses collègues de s’inviter dans la discussion par cette réflexion : « Nous sommes des êtres humains pleins d’émotion. C’est la baraka de Serigne Touba qui a fait la célébrité de ce cimetière, d’autres personnes font ailleurs ce que nous faisons ici, mais elles sont anonymes ». PAS DE PERMIS Pour Ousmane Thioub, il y a des préjugés qui entachent leur travail. « S’il y a un défilé incessant de cortèges funéraires et d’enterrement, cela traduit la volonté du Tout-Puissant, je peux jurer qu’aucun être humain ne peut rester insensible, si dur soit-il, devant ce spectacle qui ne reflète que l’omnipotence du Seigneur », estime M. Thioub. Ces hommes et ces femmes s’entourent de toutes les précautions dans leur travail, avec des gants et autres accessoires, surtout pour les corps suspects de choléra et autres maladies contagieuses. Contrairement à certaines localités ou il faut exhiber un permis d’inhumer avant de pouvoir enterrer un défunt, au cimetière de Touba, il suffit d’être musulman et ou mouride pour y bénéficier d’une tombe. Cette formalité n’est d’ailleurs pas connue de l’équipe des pompes funèbres que dirige M. Thioub. Le corps qui arrive avant la fermeture est acheminé au mausolée de Cheikh Issa Diène, un des illustres disciples de Khadimou Rassoul ayant eu son agrément et atteint le grade de « Cheikh ». C’est là-bas ou sont localisés les services de l’équipe que dirige Serigne Ousmane Thioub qui capitalise sans en avoir l’air quarante ans de service dans ce cimetière. C’est une équipe de fossoyeurs, de maçons, de baigneurs (hommes et femmes) qui sont dans une entente cordiale, une dévotion et un cérémonial empreints de sérénité et de miséricorde. En un temps record, avec le minimum d’échange verbal, ils remettent le ou les corps à leur ayant droit pour procéder à l’acte ultime avant l’enterrement : la prière que ces hommes dirigent en l’absence d’un guide religieux commis pour la circonstance. Devant tant de dextérité et de sérénité, on finit par admirer ces hommes et femmes qui, à force de côtoyer la mort, sont impassibles et se meuvent sans souci parmi ces corps sans vie. S. Mbaye, un maçon fossoyeur de 55 ans, effeuillant paisiblement à l’ombre d’un mausolée un livret de panégyriques, les outils de travail à portée de main, nous révèle que « ce n’est pas parce qu’il ne partage pas les peines et la douleur des familles, mais l’expérience aidant, pour exercer ce travail conformément au rituel et recommandations, certaines considérations ne font que le perturber, alors qu’il faut se concentrer sur un travail important ». BONNES RECETTES Les vendeurs des accessoires qui accompagnent la toilette mortuaire que sont le linceul, les savons, les lames à raser et autres produits à la devanture du mausolée font de bonnes recettes. Serigne Mor Thior déclare qu’il ne se plaint pas et que son commerce est lucratif. Même déclaration chez plusieurs vendeurs. Le mètre de linceul est cédé à 600 Cfa. « Et il nous arrive de vendre certain jour la moitié du lot qui fait 60 yards. Il y a aussi le parfum estimé entre 300 et 600 F ; de bonnes recettes en perspective », déclare Serigne Mor Thior. A côté d’eux, il y a les sacs de ciment et des carreaux cassés, pour embellir la tombe, sans compter les pierres tombales pour graver le nom du disparu. Il faut au minimum disposer d’une somme de dix mille francs Cfa et au maximum le double pour couvrir la totalité des dépenses afin de bénéficier de tous les accessoires en plus des services rendus par les prestataires des pompes funèbres. Les veilleurs de mausolées font une activité lucrative. « Nous sommes là depuis près de 10 ans. Les jours de Magal et autres grands évènements, quand les tombeaux sont visités par les parents, il y a des retombées financières et cela nous permet en plus de l’agrément des marabouts, de traverser certaines difficultés financières », explique l’un d’eux. « Moi, c’est l’amour que j’ai envers mon marabout qui m’aide à ne pas voir le temps passer ; je lis le coran et les panégyriques du cheikh à longueur de journée ; j’en profite pour veiller sur les tapis persan et autres moquettes, car les voleurs ne manquent pas. Parfois, des disciples du marabout venus en ziarra nous donnent des sommes substantielles, mais c’est de notre propre gré que nous avons opté d’être là », renchérit un autre. Serigne Mbengue, qui est sur place depuis 7 ans, estime que « pour nous qui veillons à la propreté et à la bonne tenue de ces mausolées, la période faste est celle des ziarras et magals de Touba ; et nous pouvons amasser jusqu’à 50.000 Cfa par personne. Les mausolées les plus visités sont situés autour de la mosquée et de la bibliothèque, je ne peux avancer de chiffres, mais c’est confirmé par tout le monde », explique Serigne Mbengue. Il n’y a pas de sot métier. Le labeur est la philosophie du mouride. Il n’y a pas de travail humiliant ou dégradant. Cela se vérifie chez la communauté mouride où, consciemment ou inconsciemment, la philosophie du travail va de pair avec la foi en Khadim Rassoul.
Posted on: Sat, 14 Sep 2013 15:54:30 +0000

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