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bu.edu/wcp/Papers/Mode/ModeNasc.htm Modern Philosophy Lumières et Histoire: Voltaire et la Théologie Chrétienne de Lhistoire Maria das Graças S. Nascimento Universidade de São Paulo, Brazil [email protected] bluered.gif (1041 bytes) RÉSUMÉ: Chez Rousseau, la fonction du législateur qui crée les états se ressemble, parfois, á celle de lécrivain politique. Les deux tâches se développent, toutefois, dans des niveaux différents. Le premier fonde les états particuliers, tandis que le deuxième élabore les principes du droit politique, condition de possibilité de la légitimité de tous les états empiriquement donnés. Ainsi, la tâche de lérivain politique nous indique, chez Rousseau, la place destinée à la philosophie politique, qui ne peut être confondue avec un programme concret daction, mais comme un code de principes auxquels les hommes daction devront se tourner, afin de bien conduire les affaires de létat. Outre cela, il faut penser aussi au precepteur qui, quand il sagit de léducation publique, aura un rôle bien défini pour promouvoir une transformation radicale de lhomme, dun tout parfait, indépendant, dans létat de nature, en une partie du corps colectif, pour faire de lhomme un citoyen. Ce que Rousseau nous montre cest que le législateur, aussi bien que lécrivain politique, devront agir sur lopinion publique, voir, sur les moeurs, sans violence, car lart dagir sur lopinion publique ne tient point à la violence. bluered.gif (1041 bytes) Selon la conception kantienne des Lumières comme sortie de lhomme de la condition de minorité, nous pourrions affirmer que pour Kant le sens de lhistoire serait celui qui conduit lhomme vers la majorité de lesprit. Telle conception présente deux aspects importants: dabord, son caractère intellectualiste, dans la mesure où cette majorité est entendue comme autonomie de lentendement. Atteindre la majorité cest oser savoir, penser par soi-même, en refusant des guides ou des tuteurs. (1) Le second aspect concerne lidée de progrès: le passage de la passivité au libre usage de la raison se fait lentement, moyennant des acquisitions successives. En somme, la philosophie de lhistoire présente dans le concept des Lumières conçoit lhistoire des hommes comme un perfectionnement, et même si le progrès nest pas toujours continu et linéaire, ce que lon peut espérer au préalable cest que, à la fin du processus, il en résulte un recul de lignorance et de la servitude, de même quun avancement de la connaissance et de la liberté. LEncyclopédie définit le progrès comme le mouvement en avant. Lidée est lune des plus familières au siècle et lun de ses éléments constitutifs est la certitude quil existe une loi, selon laquelle lhumanité passe par divers stages de développement, marqués dune certaine régularité qui se manifeste au passé et est aussi bien applicable au futur. La continuité de lhistoire est fondée sur cette nécessité et définit le sens de lhistoire comme laffirmation de la raison humaine et de ses réalisations. Ainsi, cest laccumulation des connaissances qui décide le mouvement de lhistoire. Un autre élément constitutif de lidée de progrès au XVIIIe siècle est la valorisation de lépoque elle-même, au détriment des époques du passé. Enfin, lidée de progrès enferme également la croyance selon laquelle le monde naturel et le domaine du social peuvent être objet dune action rationnelle qui vise à leur transformation. Le progrès équivaut ainsi à la réalisation didéaux moraux et sociaux. Il est établi, de cette sorte, le lien unissant le développement de la raison, le perfectionnement des hommes et la construction dune société plus heureuse. LEncyclopédie, entreprise typique, selon Diderot, dun siècle philosophique, en réunissant dans un vaste tableau la connaissance que les hommes ont accumulé pendant des siècles, manifeste une telle vision de lhistoire. En effet, écrit Diderot, le but dune encyclopédie est rassembler les connaissances éparses sur la surface de la terre; den exposer le système général aux hommes avec qui nous vivons, et de le transmettre aux hommes qui viendront après nous; afin que les travaux des siècles passés naient pas été des travaux inutiles pour les siècles qui succéderont; que nos neveux, devenant plus instruits, deviennent en même temps, plus vertueux et plus heureux, et que nous ne mourions pas sans avoir bien mérité du genre humain. (2) La réflexion sur lhistoire chez Voltaire, même si elle sinscrit dans cette perspective encyclopédiste, assume, toutefois, certaines caractéristiques spéciales. Le texte Philosophie de lhistoire se réfère à la figure de l historien philosophe qui écrit lhistoire pour un lecteur lui aussi philosophe. (3) Ce lecteur cherche dans lhistoire des vérités utiles, et jusquà présent na trouvé, dans celles quil a lues, que d erreurs inutiles. Cette opposition entre vérités utiles et erreurs inutiles distingue l histoire philosophique de l histoire fabuleuse. Dans un autre texte de la même époque, paru sous le titre Observations sur lhistoire, (4) Voltaire considère étonnant le fait que, dans ce siècle qui semble si éclairé, les historiens se contentent toujours de raconter des fables à la manière dHérodote, et même des fables quHérodote lui-même naurait pas le courage de raconter aux grecs. Les exemples choisis dans le texte ne sont pas gratuits. Ces historiens disent que Menés était le petit-fils de Noé. Or, cest lhistorien Rollin contemporain de Voltaire qui, dans loeuvre Histoire Ancienne, avait fait de Menés, roi dEgypte, lun des descendants de Noé. Dans ce cas, lorsque Voltaire dit que ni même Hérodote dirait des choses de cette nature, il met en question deux aspects de loeuvre de Rollin qui, semble-t-il, étaient reproduits dans les oeuvres des autres historiens orthodoxes: dabord, le fait de considérer le récit biblique comme étant authentiquement historique; ensuite, leffort, dailleurs absolument inutile, de remettre toute lhistoire universelle à lhistoire du peuple hébreu. Contrairement à ces deux tendances, lhistorien philosophe devra soccuper de choses vraies, en refusant la fable, et donner à lhistoire du peuple hébreu sa dimension réelle, celle dun peuple parmi bien dautres. Invraisemblable, improbable, absurde: ces catégories sappliquent à lhistoire dHérodote, à la compilation de Rollin, tout aussi bien quau récit biblique. Comme le montre René Pomeau, (5) depuis les années 1739, à la période de Cirey, Voltaire était un lecteur assidu du Commentaire biblique de Dom Calmet. (6) Avec ces lectures, il prépare sa propre critique biblique qui, à partir des années soixante apparaîtra en plusieurs oeuvres, parmi lesquelles nous pourrions citer le Sermon des cinquante, lExamen important, La Bible enfin expliquée. Prenons quelques aspects de cette critique. Premièrement, la question de lhistoricité de Moïse, déjà contestée par dautres et qui pose à son tour la question de lauthenticité du Pentateuque. Dans le Dictionnaire Philosophique, Voltaire affirme que si ce personnage avait vraiment existé, un homme en mesure de maîtriser la nature, les égyptiens en auraient parlé, et ses prodiges nous auraient été transmis comme faisant partie de leur histoire. Les historiens anciens auraient eu affaire à ses exploits, ce qui nest pas le cas. Un peuple barbare, dit Voltaire, aurait passé à travers les eaux suspendues à droite et à gauche, et ny aurait-il que ces barbares eux-mêmes pour nous le raconter plus tard? Il y avait un grand nombre de siècles que les fables orientales attribuaient à Bacchus tout ce que les juifs ont dit de Moïse. Bacchus avait passé la mer Rouge à pied sec, Bacchus avait changé les eaux en sang, Bacchus avait journellement opéré des miracles avec sa verge: tous ces faits étaient chantés dans les orgies de Bacchus avant quon eût le moindre commerce avec les juifs, avant quon sût seulement si ce pauvre peuple avait des livres... Un peuple si pauvre, si ignorant, si étranger dans tous les arts, pouvait-il faire autre chose que copier ses voisins? (7) Ainsi, le récit biblique perd toute sacralité et il est réduit à la même nature des récits mythologiques des autres peuples de lantiquité. Abram, par exemple: outre le fait que son histoire personnelle est clairement invraisemblable, des contradictions dans létablissement de la chronologie des faits quil a vécus, de sa conduite peu édifiante, il est certain, écrit Voltaire, que ce nom Bram, Abraham, était fameux dans lInde et dans la Perse: plusieurs doctes prétendent même que cétait le même législateur que les grecs appelèrent Zoroastre. Dautres disent que cétait le Brama des indiens [...]. (8) A propos du serpent de la Genèse, dit Voltaire quil était regardé non seulement comme le plus rusé des animaux par toutes les nations orientales, mais encore comme immortel. Les chaldéens avaient une fable dune querelle entre Dieu et le serpent [...]. (9) A propos des prophètes, nous lisons que prophète, nabi, roeb, parlant, voyant, devin, cest la même chose. Tous les anciens auteurs conviennent que les égyptiens, les chaldéens, toutes les nations asiatiques avaient leurs prophètes, leurs devins [...] Quelquun a dit que le premier devin, le premier prophète fut le fripon qui rencontra un imbécile; ainsi la prophétie est de lantiquité la plus haute. (10) Il faut dire, par ailleurs, que la critique de Voltaire à la dite histoire fabuleuse, celle qui sétend, comme nous lavons vu, aussi bien aux textes païens quaux textes bibliques, ne se réduit pas à une considération relative seulement à lhistoriographie, mais elle sapplique également aux temps anciens eux-mêmes. Du point de vue de lutilité pour le présent, la connaissance de ces époques lointaines a peu à nous apprendre. Cest pour cela que, sil avait à conseiller un jeune sur lépoque la plus intéressante pour létude, ou encore par où devrait-il commencer ses études dhistoire, Voltaire affirme quil recommanderait seulement une légère teinture de ces temps reculés, et quil commence une étude sérieuse de lhistoire par le moment où elle devient vraiment intéressante pour nous: cen est, semble-t-il, vers la fin du XVème siècle. (11) Quant à connaître les temps anciens, soit les exploits dAlexandre, soit les douze travaux dHercule, son utilité relève dune autre nature, de la même façon que la connaissance des fables est utile. Ses événements fabuleux seront toujours lobjet de peinture, de poésie, et de nos entretiens de salon. En outre, nous pouvons dégager de ces récits quelques leçons de moral. Cependant, une histoire philosophique, utile et vraie, ne peut être constituée quà partir de la Renaissance. En voici, comme nous le disions au début, lune des conséquences de lidée de progrès: une valorisation de sa propre époque au détriment des époques passées. Cela se manifeste clairement dans la doctrine du grand siècle, tel comme il se présente dans le premier chapitre de son ouvrage Le siècle de Louis XIV. Le dernier des grands siècles, celui de Louis XIV, sa gloire étant due aux éléments de même nature que les trois autres siècles, est toutefois situé au-dessus deux par plusieurs raisons: premièrement, parce quil sest enrichi de tout ce qui la précédé; ensuite, ce nest quau XVIIème siècle que sest vraiment donnée la renaissance en philosophie et en science expérimentale; enfin, cest dans ce grand siècle quil sest produit ce que Voltaire nomme la révolution générale dans les arts, les esprits, les moeurs, le gouvernement. En vérité, dans lidée de cette révolution générale sont compris les éléments de ce que nous nommons civilisation, et qui vont depuis la construction de routes et hôpitaux, le développement de manufacture de tissus, verres, tapis, dentelle, construction de bâtiments, jusquau cortège qui suit naturellement les époques illustrées: les arts, la jouissance, le plaisir, le raffinement, la consommation de biens de confort. Déjà en 1736, peu après larrivée de son exil en Angleterre, dans les vers du poème Le mondain, Voltaire manifestait cette valorisation de lépoque présente qui marquera plus tard sa réflexion sur lhistoire: Regrettera qui veut le bon vieux temps, et lâge dor et le règne dAstrée Et les beaux jours de Saturne et de Rhée, et le jardin de nos premiers parents; Moi, je rends grâce à la Nature sage, qui, pour mon bien, ma fait naître en cet âge, tant décrié par nos pauvres docteurs: Ce temps profane est tout fait pour mes moeurs. (12) Nous disions que la philosophie de lhistoire de Voltaire, même si elle est solidaire de la vision encyclopédiste, présente toutefois quelques aspects spécifiques. Le premier aspect que nous devons souligner est la perspective antichrétienne de la pensée voltairienne, ce qui est moins explicite dans lEncyclopédie et qui se rend bien, chez Voltaire, lun des traits fondamentaux de sa réflexion. Il refuse, premièrement, le caractère providentialiste de la théologie chrétienne de lhistoire, telle que celle-ci apparaît chez Bossuet. On pourrait même dire que lEssai sur les moeurs, dans son plan général, a été écrit contre le Discours sur lhistoire universel qui Bossuet avait fait paraître la première fois en 1681. Le providentialisme de Bossuet la mené à léquivoque de considérer le récit biblique comme étant vraiment historique. Si, dans le Dictionnaire philosophique, Voltaire se sert surtout des textes bibliques eux-mêmes, pour montrer limpossibilité de les considérer comme des vérités historiques, la démarche prise dans lintroduction à lEssai sur les moeurs est dune autre nature. Quelle est la raison, par exemple, de commencer le texte par les transformations survenues au globe terrestre? Or, les preuves de ces transformations sont des indices de ce que le monde na pas toujours été tel quil est aujourdhui; donc, il est au moins compliqué de soutenir le récit de la création livré par la Genèse. Ensuite, lintroduction discute le problème de la diversité des races humaines. En fait, lintérêt du chapitre est de montrer que la diversité des races indique que les hommes ne peuvent pas tous provenir dun seul homme. Si Adam nest même pas nommé, il est certain que cest de lui quil sagit. Cest dailleurs la même conclusion qui apparaît habilement suggéré au lecteur du Traité de Métaphysique: Il me semble alors que je suis assez bien fondé à croire quil en est des hommes comme des arbres; que les poiriers, les sapins, les chênes et les abricotiers ne viennent point dun même arbre, et que les blancs et les barbus, les nègres portant laine, les jaunes portant crins et les hommes sans barbe ne viennent point dun même homme. (13) Un autre élément important de la philosophie de lhistoire de Bossuet est atteint par lintroduction de lEssai. Voltaire refuse, comme lon pourrait sy attendre, le privilège accordé aux juifs dêtre les détenteurs de lénigme de lhistoire. Nous parlerons des juifs, écrit Voltaire dans lEssai, comme si nous parlions de scythes et des grecs, en pesant les probabilités et en discutant les faits. Puisque personne, sauf eux-mêmes, na écrit leur histoire avant que les romains ne détruisent leur petit état, il faut consulter leur annales. (14) En le faisant, cest-à-dire, en pesant les probabilités, ce qui signifie vérifier la vraisemblance des faits, en consultant ses annales, cest-à-dire, la Bible, les résultats sont exactement ceux que veut établir Voltaire. En vérité, presque tout est invraisemblable dans lhistoire de ce peuple, ce qui nest pas étonnant, puisque dautres peuples anciens racontent également leurs origines à laide de contes merveilleux. Le Philosophie de lhistoire ne parvient pas à parler de létablissement du christianisme. Mais le chapitre VIII de lEssai, qui analyse les premiers temps du christianisme, procède dune manière semblable: Voltaire y analyse ce quil nomme la fable du pouvoir papal, les fausses légendes des premiers temps, les fraudes pieuses qui malheureusement les premiers chrétiens de toutes les sectes emploient pour soutenir notre sainte religion, le problème des évangiles apocryphes, le nombre prodigieux et incroyable de martyres. (15) Bref, si lintérêt de Voltaire, lorsquil compose lEssai, était lié à son projet décrire lhistoire de lesprit des nations, comme dit le titre, lorsquil compose un tableau de lesprit du peuple juif et cherche dans ses moeurs et croyances lexplication de son histoire, il aboutit à la conclusion quil faut situer ce peuple dans la place prise par lui dans lhistoire universelle, parmi dautres peuples de lorient, et quil faut considérer sa religion comme étant de la même nature que celle des autres anciennes religions orientales. La vraie méthode pour connaître lesprit de ce peuple est la méthode de la religion comparée. Il faut souligner également un autre résultat de lexamen de Voltaire de lAncien Testament: du point de vue moderne où il est situé, le vieux testament effectue une rupture inacceptable entre le sacré et le moral. Il ne peut faire autrement sinon souligner que limage de Dieu dans la Bible, selon laquelle les hommes peuvent être violents, sanguinaires et cruels pour autant quils ladorent. Autrement dit: le récit biblique nest en rien édifiant. Cette critique est dailleurs reprise en ce qui concerne les chrétiens, ceux qui font des rituels sacrés comme leucharistie et sortent ensuite égorger leurs frères, comme dans la nuit de Saint Barthélemy. En somme, le récit biblique, invraisemblable, fabuleux, peu édifiant, ne peut être le centre à partir duquel on interprète lhistoire des hommes. Le caractère antichrétien de la philosophie de lhistoire de Voltaire ne se borne cependant pas à une critique de la doctrine de Bossuet. Il est sans doute que les éléments fondamentaux de la théologie chrétienne de lhistoire y sont absents. Il ny a pas une doctrine de la chute (ni une version sécularisée, comme lon pourrait dire présente chez Rousseau). Selon Voltaire, la lecture de la Genèse elle-même ne justifie pas cette doctrine. Il est certain que Dieu aurait dit à Adam quil mourait, sil mangeait du fruit. Mais cela ne veut rien dire; les animaux, qui ne lont pas fait, sont morts eux aussi. Lhomme, comme tous les être vivants, meurt. Aussi, selon Voltaire, ce sont les théologiens qui trouvent tout ce quils veulent dans la Bible. En dernier, ajoute Voltaire: Avouons que Saint Augustin accrédita le premier cette étrange idée, digne de la tête chaude e romanesque dun africain débauché et répentant, manichéen et chrétien, indulgent et persecuteur, qui passa sa vie à se contredire lui-même. (16) Sil ny a pas de chute, le temps ne peut être pensé comme temps de la régénération. Il ny a pas de prophétie, dans le sens religieux. Selon Voltaire, le discours prophétique est résultat dune exaltation de lesprit semblable à la folie, et qui fait croire que lon voit des événements futurs. (17) Mais il ny a pas non plus de prévision du futur dans un sens profane. Cest que le progrès nest pas inexorable, nest pas loi nécessaire de lhistoire, mais une valeur que la raison établit pour être conquise, de sorte quil ne dépendra que de laction des hommes bâtir un monde meilleur. Dans ce sens, il est également absent de la pensée de Voltaire le thème de la fin des temps et de lapocalypse. En somme, pour la philosophie de lhistoire de Voltaire, il ny a pas dévénement fondamental, ni originaire, ni final. Dici quelques siècles, les hommes pourront aussi bien avoir atteint une condition supérieure de bien être et bonheur que de savoir laissé retomber dans la barbarie. Le futur demeure contingent, il ny a aucune causalité suprahistorique. Le Dieu voltairien nest pas un dieu personnel, ni providentiel. Cest limperturbable architecte du monde, qui contemple son oeuvre sans y intervenir. Dailleurs, Voltaire lavait déjà comparé au pilote dun navire, qui ne porte pas intérêt à savoir ce que font les rats à la cale de lembarcation. Les rats sont les hommes livrés à eux-mêmes afin de construire, bien ou mal, leur histoire. Il est sûr que, dans la perspective chrétienne, lon ne saurait parler proprement de lhistoire comme construction humaine. Les événements humains finissent, soit malgré laction humaine, soit encore contre celle-ci, par laccomplissement du dessein divin. Le temps aboutit nécessairement dans léternité. Pour Voltaire, le temps est la durée ouverte aux hommes pour quils bâtissent son histoire et organisent les sociétés selon les valeurs universelles établies par la raison. Lobtention progressive de ce but nest nullement assurée au préalable. Nimporte quoi peut faire que les hommes plongent dans la barbarie: une catastrophe naturelle, des pouvoirs autoritaires, manque de liberté de pensée, rassemblées aux sottises propres des hommes qui se laissent toujours tromper. Je crois, finalement, que lon peut affirmer que la philosophie de lhistoire de Voltaire a en fait rompu avec le paradigme chrétien. Sa réflexion se fait à la lumière de principes différents de ceux de la matrice modèle théologique. Cette rupture avec les modèles chrétiens est plus quune simple sécularisation. Lhistoire des hommes est profane. Dans ce parcours, Voltaire envisage le siècle où il vit comme une époque supérieure par rapport à quelques autres époques du passé: lon ne verse plus de sang à cause de la grâce versatile, comme lon en versait autrefois à cause des indulgences plénières, celles qui étaient vendues au marché. Cependant, on voit sans cesse renaître de têtes de hydre du fanatisme. Lhomme ne peut rester oisif dans les ténèbres [...] la vérité ne doit pas se cacher devant ces monstres. (18) bluered.gif (1041 bytes) Notes (1) Kant, I., Respuesta a pregunta: Qué es Ilustración?, in Raabe, P., et Schmidt-Biggemann, Organisateurs, La ilustración en Alemania, Bonn, Hohwacth-Verlag, 1979, p. 9. (2) Encyclopédie, éd. fac-similée Pergamon Press, verbet Encyclopédie, auteur Diderot. (3) Voltaire, Essai sur les moeurs, Paris, Classiques Garnier, 1990, tome I, p. 3. (4) Voltaire, Oeuvres historiques, Bibliothèque de la Pléiade, p. 41. (5) Pomeau, R. La religion de Voltaire, Paris, Nizet, 1974, p. 163 et suivantes. (6) Calmet, Don Augustin, Commentaire littéral sur tous les livres de lAncien Testament e du Nouveau Testament, Paris, Emery, 1707-1716. (7) Voltaire, Dictionnaire Philosophique, Paris, Garnier, 1967, verbet Moíse, pp. 320-324. (8) Idem, verbet Abraham, pp. 2-5. (9) Idem, verbet Genèse, p. 219. (10) Voltaire, Examen important de Milord Bolinbroke, ou le tombeau du fanatisme, Mélanges, Pléiade, p. 1038. (11) Voltaire, Oeuvres historiques, op. cit., p. 44. (12) Voltaire, Le mondain, Mélanges, Pléiade, p. 202. (13) Voltaire, Traité de Métaphysique, Mélanges, Pléiade, pp. 160-161. (14) Voltaire, Essai sur les moeurs, op. cit., tome I, p. 135. (15) Idem, tome I, chapitres IX a XIII, pp. 288-323.. (16) Voltaire, Dictionnaire Philosophique, op. cit., verbet Péché originel, p. 340. (17) Idem, verbet Prophètes, pp. 356-358. (18) Voltaire, Le philosophe ignorant, Mélanges, Pléiade, p. 930 bluered.gif (1041 bytes) Back to the Top 20th World Congress of Philosophy Logo Paideia logo design by Janet L. Olson. All Rights Reserved Back to the WCP Homepage
Posted on: Fri, 25 Oct 2013 15:06:11 +0000

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