105eme Anniversaire de la naissance du Cheik Said EL Bibani - TopicsExpress



          

105eme Anniversaire de la naissance du Cheik Said EL Bibani BOUTKEDJIRT: 11-11-1908 (Mouvement réformiste aux Bibans-Sid Brahim) La vie de Cheikh Saïd El-Bibani I. Sa famille - Ses racines: Cheikh Saïd El-Bibani est né le 11 Novembre 1908 à Sidi-Brahim, anciennement commune mixte des Bibans (Département de Constantine). Sidi-Brahim est devenue une commune de la Wilaya de Bourdj Bou-Arreridj. Son père : Amar El-Mouloud, né présumé en 1876 (cf. état matrimonial), fils de Mohamed El-Mouloud, fils de Hammou Ouamar, fils de Amar, fils de Mohammed Ouamar et, de Titouh Tassadit bent Hammou (dit Hammou Amechtouh ). Sa mère : Bouaouina Fatima bent Ali, ben Mohamed, ben Yahia, ben Mohamed Ouamar, l’ancêtre commun aux trois familles : Boutkedjirt, Bouaouina et Belagoune et, de Bendifallah Adada, bent Mohammed Ou-Kichou. II. L’enfance de Cheikh Saïd : Ses parents venaient de s’établir à l’emplacement actuel de la maison paternelle. Son père est agriculteur et éleveur pour finir comme commerçant. Ils étaient pauvres sans toutefois être misérables. Son père Amar El-Mouloud (cf. sa biographie) est un grand travailleur et très courageux. Aidé de son propre père, il a construit, petit à petit et pierre par pierre, sa maison et une situation honorable ce qui lui a permis de réaliser son rêve : donner une instruction solide à ses enfants et ne pas compter sur eux pour les travaux des champs. De très bonne heure, l’enfant Saïd est instruit à l’Ecole Coranique de la Zaouia de Sidi-Brahim. Pour cela, son père l’a mis en pension chez une dame pieuse, la très honorable : Zouina Sidi-Salah (dite Zouina n’th Saïd). Ses maîtres à l’Ecole Coranique de Sidi-Brahim étaient : Cheikh Hamimi Ouamar de la famille Belagoune et l’honorable Cheikh Saïd Saâdouni (dit Daï Ousaâdoune). Ce dernier, a eu plusieurs enfants, tous instruits (des Cheikhs ou des Chouyoukh), dont l’un de ses jeunes enfants est Cheikh El-Arbi Saâdoune, lequel a été par la suite un des élèves de Cheikh Saïd (voir œuvre de Cheikh Saïd). III. Ses Etudes : A l’âge de 14 ans, l’élève Saïd a déjà appris tout le Coran par cœur. Son père a décidé de l’envoyer dans une grande Zaouia dans la région d’Akbou qui se trouve à Oulahdhir (Il convient de noter qu’à cette époque, l’enfant Saïd a fait un séjour à Boudjelil, où il a fréquenté une école française. Cela lui a permis d’apprendre à lire et à écrire le français. Par la suite, revenu au pays, c’est la femme du Chef de Gare des Portes de Fer qui l’avait pris en charge). Là, il se donne aux différentes lectures du Coran (Al-Tadjouid). En même temps, il étudie les sciences Coraniques : la Sira En-nabaouia, la théologie, le droit musulman (Ech-chariâa), la langue arabe, l’arithmétique, l’astronomie, l’histoire, la géographie… La Zaouia Oulahdhir était une véritable petite université (El-Maâmera). L’élève sort de cette université avec le titre de Cheikh et Imam. Durant son passage à cette Zaouia, Cheikh Saïd a fait des séjours plus ou moins longs dans les Zaouiate de la région, comme Sidi Abderrahmane, Bou Daoud, etc… pour consolider ses connaissances. Les études à la Zaouia terminées, le jeune Cheikh rentre à la maison. Après un repos bien mérité, il décide d’aller à Constantine. Sur son chemin, il a tenté de rendre visite à Cheikh Benhamlaoui, propriétaire de la Zaouia de Oued Seghane, dans la grande banlieue de Constantine. Naïvement, il fait part au Cheikh de son intention d’aller fréquenter les cours du Cheikh Abd-El-Hamid Ben Badis. Ben Hamlaoui lui propose de le garder chez lui. Cheikh Saïd n’a pas pu refuser cette offre. Il séjourne une quinzaine de jours dans des conditions insupportables. Le froid glacial de cette région, une nourriture très mauvaise et insuffisante et, pour le comble de tout, le soit-disant Cheikh ne donne pas de cours. Cheikh Saïd tombe malade et rentre à la maison avec une mauvaise bronchite, frôlant la tuberculose. Son père fait venir un médecin à la maison, ce qui est un exploit durant les années 1930. Le docteur le plus près de chez nous se trouve à Maillot (M’chedallah), un médecin de la colonisation. Le traitement de cette maladie a duré plusieurs semaines, voir des mois. Cheikh Saïd a beaucoup souffert de cette maladie, mais grâce aux soins, de qualité, prodigués par sa tendre mère, le jeune Cheikh reprend progressivement des forces et guérit définitivement de cette maladie. Après une longue convalescence, il est sollicité par les gens de Sidi-Brahim pour prendre la direction de la mosquée et de l’Ecole Coranique. Ce qu’il a accepté par devoir envers son peuple. Car il est de tradition que les enfants de Sidi-Brahim ayant terminé les études doivent travailler gratuitement durant une bonne année, à enseigner le Coran et diriger les prières à la mosquée (Imam de la mosquée). IV. Œuvre de Cheikh Saïd : Pendant cette première année très laboureuse Cheikh Saïd s’est honorablement acquitté de cette charge sociale. Très contente de ses services, la population l’a supplié pour accepter de renouveler pour une deuxième année son action moyennant une solde annuelle de 1000 Frs de l’époque. Cheikh Saïd n’a pas pu refuser. La deuxième année était encore plus fructueuse que la première. Ayant constaté les résultats obtenus, les habitants de Sidi-Brahim inscrivent massivement leurs enfants à l’Ecole Coranique. Ceux qui habitent en dehors du village mettent en pension leurs enfants chez des parents demeurant près de la mosquée. Le nombre d’élèves est si important que Cheikh Saïd a sollicité l’aide d’anciens élèves pour s’occuper des plus jeunes. Pour dédommager ces derniers, il leur donne des cours de perfectionnement après la classe. Le nombre des fidèles à la mosquée augmente progressivement. La salle des prières est devenue trop exiguë pour les contenir tous. Aussi, il a été décidé de l’agrandir. Cheikh Saïd a modernisé la méthode de l’enseignement à la Mosquée. Pour ce faire, il a acheté un tableau noir payé de ses propres deniers. A coté de l’étude du Coran, il introduit l’étude d’autres disciplines comme la grammaire, la littérature, l’histoire, la géographie, le calcul, les chants patriotiques (Anachide El-Watania), l’éducation physique et même El-Moudjadala pour confronter les connaissances de ses élèves. Pour sa formation personnelle, Cheikh Saïd a contacté un grand Mufti à la capitale, le célèbre Cheikh El-Assimi, originaire de notre région pour lui donner des cours de perfectionnement par correspondance. Très généreux, il fait profiter de ces cours, les anciens étudiants du village. Cheikh Saïd se déplace très souvent à Alger pour rencontrer son maître et d’autres Oulamas. Très souvent, il fait venir à Sidi-Brahim plusieurs Cheikhs et Oulama pour donner des conférences comme, par exemple, le Cheikh El-Mouloud El-Hafidhi, très célèbre dans notre région. V. Premiers contacts avec Cheikh Tayeb El-Okbi En 1930, l’administration coloniale française à célébré avec beaucoup d’éclats le centenaire de la «Conquête de l’Algérie ». Pour cela, elle a invité avec les personnalités françaises, celles parmi les Algériens qui la servaient comme les élus, les caïds et autres administratifs. A Sidi-Brahim, le grand Bach’Agha Chibane est invité à cette fête. A cette occasion le Bach’Agha à invité Cheikh Saïd pour l’accompagner à Alger. Pendant que le Bach’Agha se trouve à la fête, Cheikh Saïd parcourt les rues de la capitale ; c’était sa première visite à Alger. Soudain, il s’arrête devant un immeuble en face de la Place du Gouvernement, aujourd’hui Place des Martyrs. Sur une plaque, il lit. « Nadi At-Tarekki ». Il pénètre à l’intérieur; il se trouve devant un Alem donnant une conférence à ses fidèles. S’était Cheikh Tayeb El-Okbi. Pour Cheikh Saïd s’était son premier contact avec les Oulama El-Mouslimine d’Algérie. Le bon Dieu fait bien les choses : Le Bach’Agha voulait montrer au jeune Taleb la puissance de la France. La providence le met en présence de ceux qui la combattent avec leur savoir. C’est alors que Cheikh Saïd choisit sa voie. Il veut aller à Constantine pour suivre les cours de Ech-Cheikh El- Imam Abd-El-Hamid Ben-Badis. Nous avons vu que sa première expédition n’a pas abouti. Ce n’est que 4 à 5 années plus tard qu’il est allé à Constantine en 1935. En effet son désir s’est réalisé après son séjour à la Zaouia de Sidi-Brahim. Aidé par son père, il va à Constantine. Après un examen, son maître le Cheikh Benbadis l’inscrit en 3ème année. Il lui accorde donc l’équivalence de la 1ère et la 2ème année. Au bout de deux années d’études fructueuses, il termine ses études et retourne à la maison avec une attestation de fin d’études délivrée par Cheikh Benbadis lui même. Il convient de noter, qu’en 1936, après sa première année de séjour à Constantine, Cheikh Saïd emmène avec lui son frère Yahia et son neveu Mohammed-Arezki pour les inscrire d’abord à l’école française et, plus tard, à l’Institut de Benbadis. VI. Délégation de l’association des Oulama en France : A cette époque, l’association des Oulama avait décidé d’envoyer une délégation permanente en France, précisément à Paris. Cheikh Saïd était choisi pour cette mission parmi les meilleurs élèves de Benbadis. Cette délégation était présidée par Cheikh El-Fodil El-Ouarthilani. Son action a duré pendant deux ans, de 1937 à 1939, jusqu’à la déclaration de la 2ème guerre mondiale. Les activités de l’association étaient stoppées. La plupart des Oulamas sont arrêtés, emprisonnés, déportés ou mis en résidence surveillée. L’activité de la délégation en France consiste à organiser les travailleurs Algériens, à créer des sections pour l’association, à ouvrir des écoles d’alphabétisation; le soir, après les journées de travail, à multiplier des réunions de sensibilisation, surtout les dimanches et les jours fériés, à créer des associations culturelles etc… Cheikh Saïd, pour sa part, a regroupé les ouvriers originaires de notre région, en une association dénommée « Hayet El-Biban », une association politico-culturelle. La présidence de cette association est confiée à Bendifallah Slimane ben Chérif, le secrétariat à Dilmi Mohammed Saïd (ben Hammou Saïd) tous deux originaires de Sidi-Brahim. Ils sont secondés d’autres éléments de la région de Médjana. A la fin de l’été 1937, Cheikh Saïd est rentré précipitamment au pays. Son père grièvement malade a demandé à le voir. Sa visite a durée quelques mois, jusqu’à la guérison de son père. Il se marie à la fin de l’automne pour la 3ème fois et repart en France rejoindre son poste. L’hiver arrive, le père rechute de sa maladie et meurt le 18 Février 1938. Cheikh Saïd n’a pas assisté aux funérailles de son père. A son retour en France, il reprend ses activités tout en consolidant l’Association « Hayet El-Biban ». L’existence de cette association a fortement mécontenté l’administration au niveau de la commune mixte des Bibans. C’est pour cela que Cheikh Saïd a eu beaucoup d’ennuis à son retour au pays, surtout après la déclaration de la 2ème guerre mondiale. Comme la plupart des dirigeants de l’association des Oulamas, on a voulu envoyer Cheikh Saïd en prison ou dans un camps de concentration. Pour ce faire, l’administration coloniale lui a confectionné un dossier comme communiste et présenté à la justice au niveau de Mansourah. Le juge, un brave homme d’origine corse et très vieux, maintenu en activité à cause de la guerre, rendait visite à son prisonnier, surtout la nuit, pour discuter avec lui. Il sentait déjà que le dossier était préfabriqué. Un soir, s’approchant du détenu, il lui tient à peu pré ce langage : « Oh jeune homme ! Je suis un vieil homme, j’entend très mal, surtout le soir, je n’entend rien du tout, vous pouvez parler ». Cheikh Saïd a saisi cette opportunité et entame sa défense en ces termes : « Monsieur le juge !. Vous savez que je ne suis pas communiste. Vous savez aussi que je suis un militant des Oulamas. Si vous devez me condamner, faites le, mais pour mon appartenance à l’Association des Oulamas. C’est la vérité et ce serait plus juste. A l’audience, le juge admirant le courage et la sincérité d’El-Bibani a prononcé le non lieu et le prisonnier rejoint son domicile. VII. Période coloniale sous le régime de Vichy Rentré à la maison, Cheikh Saïd reprend la vie familiale paisible et routinière, une manière de se faire oublier. Il participe aux activités agricoles et commerciales (il cultive son jardin). Cependant, il n’a aucunement négligé ses activités culturelles. Il reçoit ses amis à tout moment. Il se réunit souvent en semi-clandestinité avec les militants de l’Islah, particulièrement avec ceux qu’il a formés en France et qui résident dans les environs, à M’chédallah, à Cherfa, à Tazmalt, à Ighil-Ali, à Akbou, à Théniet El-Nasr, à Bordj Bou-Arreridj, à Mansourah, aux Bibans, etc… Cheikh Saïd reprend son enseignement à la maison même. Il reçoit ses anciens élèves de Sidi-Brahim et encourage l’enseignement dans les hameaux voisins : En-Nasr et El-Fath, c’était l’ébauche de « Terbia wa Taâlim » qu’il n’a pas tardé à concrétiser avec des statuts reconnus. A Sidi-Brahim, il est très estimé pour son savoir, sa culture, son humanisme et aussi pour ses bons conseils. Il est très souvent sollicité pour démêler les conflits sociaux entre les gens. Soit à Sidi-Brahim ou en dehors de la commune, il exige toujours la présence de tous les partis avant de rendre son jugement. Tout le monde est content et, surtout, les gens évitent la justice française, très coûteuse, très lente et sans résultas équitables. VIII. Les Amis du Manifeste et de la Liberté ( A.M.L ) : Après le débarquement des alliés en Afrique du nord (Américains et Anglais), Ferhat Abbas leur a présenté un manifeste au nom du Peuple Algérien pour souligner l’essentiel des revendications de l’Algérie. La classe politique à l’époque était unanime pour soutenir le dit Manifeste. Les masses populaires s’organisent en un immense mouvement : Les Amis du Manifeste et de la Liberté. Dès le début, Cheikh Saïd est chargé pour organiser la région des Bibans. Il est secondé par toute l’élite intellectuelle de la grande commune mixte des Bibans, dont principalement Abderrahmane Beldjoudi, Cheikh Ahmed Chakar et son frère Boutekedjiret Yahia. Il avait formé plusieurs cellules (ou sections ) à Sidi-Brahim même, à Medjana, à Théniet El-Khmis (aujourd’hui Théniet En-Nasr) à Beni-Mansour, à Cherfa, etc…Tout le monde adhérait à ce mouvement, même des administratifs, comme le Caïd de Sidi-Brahim et son frère, un maître d’école, qui avait accepté une grande responsabilité. IX. Les Evènements du 8 mai 1945 Après la défaite du Nazisme et du Fascisme, l’amnistie est signée le 8 mai 1945. C’était un jour de fête. Les Algériens manifestent leur joie et en profitent pour exprimer leur désir de libération. L’armée coloniale n’en voulait pas entendre parler. Elle tire sur les manifestants pour tuer dit-on le poussin dans l’œuf. C’était les massacres de Sétif et de Guelma. L’armée coloniale veut imposer sa « paix » au peuple algérien. Dans la région des Bibans, « il n’y avait rien à signaler », écrit « la Dépêche de Constantine ». Cheikh Saïd a réussi à calmer la population. En cellule des A.M.L., pour analyser la situation, il se réunit clandestinement en pleine forêt non loin de notre maison, dans une vallée profonde ( El-Fidh Oudles ) la Vallée du Dis. La décision prise était de ne rien faire aveuglement et de temporiser afin d’avoir une vision plus claire du déroulement des évènements. Le lendemain Cheikh Saïd a conclu que s’était un complot colonial et décide de ne rien faire pour éviter un autre massacre dans les Bibans. La presse annonce la dissolution des A.M.L. Cheikh Saïd fait disparaître toutes les archives de la section. Les autorités coloniales perquisitionnent notre maison, sans trouver aucun document. L’administrateur des Bibans oblige Cheikh Saïd à lui fournir la liste des adhérents, si non il sera sanctionné pour avoir détruit les archives. Cheikh Saïd prend son temps pour confectionner une liste. Dans cette liste il n’a été que quelques éléments très sûrs à côté de plusieurs noms de la famille du Caïd. Sans crier garde, l’administration française a arrêté Cheikh Saïd, en tant que responsable A.M.L. Pour se racheter, le Caïd doit présenter un dossier incriminant Cheikh Saïd. Ce qu’il a fait en incitant un groupe de plusieurs individus à signer des décharges accablant Cheikh Saïd, l’accusant d’anti-français et de les avoir incité à la révolte. Parmi ce groupe, il faut signaler qu’il se trouvait un honnête homme, courageux et très pieux, qui a refusé de signer la déclaration accusatrice. C’était Mihoubi Arezki (dit Arezki Mouhouche). Il sort du bureau du Caïd en criant. Il n’y a de Dieu qu’Allah et Mohammed est son prophète, que Dieu nous pardonne. Cheikh Saïd est condamné à 1 année de prison ferme et incarcéré à la prison de Sétif. La population de Sétif et Guelma avait beaucoup souffert de la répression de l’armée coloniale, comme d’autres populations à travers toute l’Algérie. Mais cela n’a fait que renforcer sa détermination et sa solidarité envers ses membres touchés dans leur chaire et envers les prisonniers. Ces derniers étaient traités en héros et ont reçu des aides multiples émanant de toutes les couches sociales. Ils étaient entièrement pris en charge : nourriture, soins, médicaments, visites etc… Moralement, les exactions de l’administration envers la population a eu l’effet contraire, le peuple Algérien se solidarise, se soutient et s’en sort très renforcé dans ses convictions et son nationalisme. X. L’Amnistie et la libération Le gouvernement français, présidé par le général De Gaule se trouve dans l’obligation de voter une amnistie et libère tous les détenus politiques Algériens. Cheikh Saïd n’a donc passé en prison que 10 mois sur 12. A sa libération, il rentre à la maison. Mais l’administration de la commune mixte des Bibans ne l’entendait pas de cette oreille. Malgré la loi de l’amnistie, elle décide de mettre Cheikh Saïd en résidence forcée à Médjana, siége de la commune. Là aussi, la population de Médjana l’a pris en charge. Il recevait régulièrement les membres de sa famille, les anciens militants des A.M.L. et tous ses amis. A Médjana, Cheikh Saïd reprend discrètement ses activités politiques au nez et à la barbe de l’administration. Au bout de quelques mois, il a été libéré définitivement, tout juste à temps pour reprendre ses activités au sein de l’association des Oulamas. En effet Cheikh El-Bachir El-Ibrahimi et ses collègues, aussitôt libérés, organisent la rentrée scolaire 1946-47, à travers toutes Médersas d’Algérie et, particulièrement, « Et-tarbia wa Taâlim », Cheikh Saïd est affecté à la Médersa de Batna. XI. Cheikh Saïd à Batna : - 1946-47 : Adjoint de Cheikh Moh’ Chebouki ; Directeur de la Médersa. - A partir de 1947 jusqu’à 1953, il assure lui même la direction de cette unité. - Avec ses activités d’enseignant, il représente l’Association des Oulamas dans la région de Batna. - Crée de plusieurs sections pour l’association, à travers les communes et les douars de la région. - Organise et crée des Médersas libres filiales de Terbia wa Taâlim, jusque dans les douars les plus éloignés de la région. XII. Mission d’information et de prospection en France Les Oulamas décident de reprendre les activités en France et en Europe, interrompues pendant la durée de la 2ème guerre mondiale (1939-1945) pour des raisons évidentes. A cet effet, Cheikh Saïd est détaché pour quelques mois de la Médersa de Batna, pour une mission d’information et de prospection en France et en Belgique. Il rentre en contact avec ses anciens élèves et militants de l’association, avec l’aide de qui, il parcourt les différentes régions de France, principalement Paris et ses environs, le nord de la France et la Belgique. A son retour, il rend compte à son association sur l’opportunité, de mettre sur pied une mission permanente. XIII. Activités à Sidi-Brahim et dans la vallée de la Soumam : L’action des Oulamas était consolidée à Batna et dans les Aurès. Cheikh Saïd est muté à la Médersa d’Akbou ( W. de Bougie) qu’il dirige pendant 2 ans. En même temps qu’il dirige la Médersa, il contacte ses anciens élèves et militants en France, pour créer de nombreuses sections pour les Oulamas. A travers la vallée de la Soumam : à Beni-Mansour, à M’Chedallah, à Cherfa (W. de Bouira), à Tazmalt, à Beni-Abbas- Akbou et à Iouazllagguen (W. de Bougie). A Iouazallguen, où se trouve une minorité de Charfas, les descendants de M’hammed Oussaïd, qui sont nos parents très éloignés (parents des Aït M’hammed Oussaïd de Sidi-Brahim), Cheikh Saïd a été fortement aidé et soutenue, malgré une certaine réticence, éphémère de ces montagnards d’Iouzallguen. A Sidi-Brahim, son pays natal, il avait créé au par avant une forte section pour l’Association des Oulamas et deux Médersas : El Feth à Metchik et An-Nasr à Ighil-Ouakal (Tizi-Ikachouchen). Ces deux Médersas sont dirigées principalement par des disciples de Cheikh Saïd, comme le Cheikh Kasmi Moh’ Teyeb El-Mahfoudh, Cheikh Mohamed ou Ahmed Dilmi, Cheikh Laarbi Saâdoune et même le « fameux » Cheikh Ahmed Kadri, qu’on a en vain essayé de récupérer après que le Caïd l’ait éjecté de son secrétariat, que Dieu lui pardonne. Mais cette main tendue n’a pas servi à l’améliorer. Par la suite, l’association a délégué d’autres enseignants venus de Constantine. Citons à ce sujet, l’honorable Cheikh Ali El–Djilali, qui a longtemps dirigé la Médersa El-Nasr, jusqu’à sa mort en martyr de la révolution. Il a été exécuté par les soldats coloniaux en même temps qu’une élite de la région : (à citer tous les martyrs de la mosquée qui porte aujourd’hui le nom El-Feth). La cellule ou section de Sidi-Brahim est confiée à son frère Yahia Boutekedjiret comme secrétaire général. Mais en fait, il est le gérant permanent et inlassable (ayant une double culture et une rare intelligence, doublée d’une patience philosophique). Il est aidé, surtout, par le courageux Dilmi Mohamed Saïd comme président et d’autres militants, tous dévoués et très attachés à la culture et au savoir. La plupart sont morts en martyrs, fusillés devant la mosquée même. Une stèle commémorative porte aujourd’hui leurs noms. Plusieurs élèves ayant fréquenté ces Médersa ont réussi au certificat d’études et envoyés à l’Institut Ben-Badis à Constantine pour des études secondaires et une formation complémentaire. La plupart de ces élèves, étaient à leur cours lorsque la guerre d’indépendance est déclarée. Nombreux sont ceux qui ont rejoint les maquis et plusieurs d’entre eux sont morts en martyrs. A l’indépendance dès l’année 1962, les deux Médersas de Sidi-Brahim ont fourni quelque 17 enseignants en langue arabe, à notre éducation nationale naissante. Ces enseignants sont tous directement ou indirectement des disciples du Cheikh Saïd El-Bibani. XIV. 2ème mission en France Cette fois-ci, Cheikh Saïd est envoyé en France pour renouer avec ses activités d’avant guerre. Il reconstitue la section parisienne, avec son siége permanent à Saint Denis. Il crée d’autres sections notamment à Bellegrade, tout prés de la frontière Suisse, non loin de Genève. Cette section est très utile. Elle est confiée à des militants liés, sûrs et honorables. Elle est souvent utilisée comme point de passage vers la suisse. La section de Paris : Elle est présidée par Mr Rouag Mohamed, un travailleur de vêtements de la rue « la goutte d’or ». Il est originaire de Constantine, un bon administrateur du Cheikh Benbadis, secondé par El-Hadj Lounis, un commerçant de Saint Denis, très généreux. C’est l’un des plus forts piliers de la section. Plusieurs personnalités participent à l’activité de la section. Ce sont des nationalistes fervents. Comme « Amirouche Ait Hammouda», Cheikh Abd-Elhafidh Amokrane, Cheikh Bachir Izemrane, Arezki Saïghi, des gens de Sidi-Brahim, comme Saïd Belguendouz, Amar Sidi Salah, Titouh Saïd, Azougui Ali et aussi des étudiants Algériens et moyen Orientaux (Egyptiens et Syriens). Ce sont tous de très bons éléments, des travailleurs confiants. Les activités au sein de la section sont multiples : cours du soir pour les ouvriers, des conférences et réunions les dimanches et jours de fête,.visite d’autre localités en dehors de Paris et Saint Denis, déplacements en province, etc… Activités politiques et révolutionnaires : C’est une activité semi-clandestine. Elle concerne des éléments très sûrs et dévoués. Elle consiste à expliquer la Révolution Algérienne et prépare des combattants. Cheikh Saïd était en liaison continue avec le feu Cheikh Larbi El-Tebessi, le président des Oulamas. En Février 1956, Cheikh Saïd a envoyé son frère Ali en Algérie pour rendre visite à la Famille et contacter l’association. Cela a coïncidé avec la « fameuse » visite à Alger Gui Mollet, chef du gouvernement Français. Le frère Ali était chargé de rendre visite au président des Oulamas, qui travaillait continuellement au siège de l’association à la Casbah. En ce début de 1956, les Oulamas travaillent encore légalement et ne tarderont pas à saborder l’association pour rejoindre le F.L.N. et plonger dans la clandestinité. A son retour à Paris le frère Ali est chargé par Cheikh Laarbi Tebessi d’un message clair et très rigoureux à l’adresse de Cheikh Saïd : « recruter des combattants et les lui adresser ». Le mot d’ordre était : « je viens de la part de Cheikh Saïd vous transmettre ses salutations fraternelles ». C’est comme cela que de nombreux algériens vivant en France, rejoignent le maquis et la révolution armée. Parmi ces jeunes combattants, il convient de citer le très volontaire Ali Cherif M’hana, un grand ami de Cheikh Saïd et de la famille, mort en martyr au champ d’honneur en grande Kabylie. XV. Départ de Cheikh Saïd de la France : La vie pour Cheikh Saïd en France est devenu insupportable. La police le cherche d’un côté et les Méssalites de l’autre. Il a été arrêté à plusieurs reprises, puis relâché. Il prend la décision de quitter la France. La police française est allée le chercher. Cette dernière fois au siége de la section à Saint Denis. Il n’a pu échapper que grâce à une ruse. Cheikh Saïd était seul ce jour là au siège. La police, en s’adressant à lui, demande à voir El-Bibani. Cheikh Saïd les induit en erreur en répondant en ces termes. « Ah c’est bien dommage, il vient de partir il y’a 2 ou 3 minutes ; il a pris cette direction », en leur indiquant une ruelle, « vous pouvez le rattraper, si vous vous dépêchez ». Les policiers courent après son ombre et El-Bibani prend une autre direction après avoir fermé le local. Quelques jours après, le F.L.N. l’évacue en Suisse, en utilisant les services de ses amis à Belgrade. Il demeure quelque temps en Suisse où il rejoint Ferhat Abbas. De là, il rejoint la délégation extérieure du F.L.N au moyen Orient, qui l’affecte au bureau de Damas, où il retrouve Cheikh El-Ghassiri son ancien collègue à l’Association des Oulamas. Après une année à Damas, il s’envole à Djedda en Arabie Saoudite, pour seconder Cheikh El-Abbas ben Cheikh El-Hocine à la mission diplomatique du G.P.R.A. Durant son séjour en Suisse, précisément à Berne, il recevait beaucoup de militants en provenance de France, et principalement de Paris, qui sont allés lui rendre visite et recevoir ses directives. Après le départ de Cheikh Saïd c’était, en quelque sorte, son jeune frère Ali, étudiant à l’université de Paris, qui le remplace pour éclaircir des situations très délicates. En effet des groupes de Méssalistes, vraiment des nationalistes sincères, voulaient être fixés sur les activités du F.L.N. et sa sincérité envers l’Algérie. Ils avaient confiance en Cheikh Saïd, ce dernier n’est plus à Paris. Ils ont appris que son frère vit toujours à Paris. Ils ont demandé à le voir. Les anciens militants de Saint Denis ont contacté le frère Ali et il a répondu positivement. Le 1er contact concernait un groupe de 500 ouvriers qui cotisait tous au M.N.A. de Méssali Hadj. Le frère Ali est allé leur rendre visite à Argenteuil, à l’ouest de Paris, à 23H, en pleine nuit. Il est accompagné par El-Hadj Lounis Brahim. C’étaient des ouvriers tous originaires de l’Oranie. Ils les ont correctement reçu. La conversation n’a commencé qu’après le repas du soir. Elle n’a duré que quelques minutes, le temps d’entendre la « vérité de ma bouche ». La semaine suivante, les 500 bonhommes apportent leur cotisation au F.L.N. Un deuxième contact a eu lieu au sud de Paris, à Corbeil-Essome. C’est également avec un groupe de l’ouest, clients d’un restaurateur de la région de Mansourah les Bibans bien connu de notre ami Zitout El-Mahfoudh de M’Zita et qui a servi d’intermédiaire de ce cas. Le contact a eu lieu dans une voiture, stationnée assez loin du restaurant en pleine nuit. Zitout était présent ainsi qu’un responsable du F.L.N., Si Ahmed Tassira, originaire de Tigzirt sur mer, également un militant formé par Cheikh Saïd. Quelque temps après, le hasard m’a fait rencontrer Si Kaddour, le chef du groupe de Corbeil à notre café de la rue Traversière. J’ai appris qu’il était venu remettre les cotisations à un étudiant, qui a été désigné par le F.L.N. et que je connaissais bien, Tahar Hamdi. Les deux cas sont signalés pour mettre en évidence la considération et la confiance dont Cheikh Saïd bénéficiait auprès de la masse ouvrière Algérienne en France. Un autre litige opposant des ouvriers originaires de notre région, Beni-Mansour, M’Chedallah et Chorfa à deux militants du F.L.N., l’un est un ancien militant du P.P.A. Il s’agit de si Hamimi Aliane de Cherfa et l’autre Si Yahia ancien militant de l’U.D.M.A., de Maillot (M’chedallah). Il faut préciser qu’en ce qui me concerne, je connaissais tout ce monde. Il suffit de mon simple témoignage pour que la concorde s’installe. XVI. Action de Cheikh Saïd au Moyen-Orient De Berne en Suisse, Cheikh Saïd a rejoint la délégation extérieure du F.L.N. au Moyen Orient. Il a été affecté au bureau de Damas en Syrie. Il avait comme compagnon Cheikh Mohammed El-Ghassiri, qui est également disciple de Cheikh Benbadis et collègue à l’enseignement au sein de l’organisation. Le travail de la mission était double : 1°) Représenter le F.L.N. auprès du gouvernement Syrien. 2°) Organiser la communauté Algérienne dans ce pays. A Damas, il a retrouvé quelques uns de ses élèves boursiers de l’association et envoyés en Syrie pour poursuivre leurs études secondaires et universitaires. Il les a impliqué intelligemment et raisonnablement pour l’aider dans sa mission, sans toutefois nuire à leurs études. Son séjour à Damas a duré une année : 1956-57. Puis, il est muté à Djedda, en Arabie Saoudite, comme adjoint au Cheikh Abbas ben Cheikh El-Hocine. Comme à Damas, son travail consiste à représenter le G.P.R.A. auprès du gouvernement Saoudien et à organiser la communauté Algérienne. En plus, en période du pèlerinage, il multiplie ses contacts avec les pèlerins algériens venus d’Europe et d’Algérie et, aussi. les autres pèlerins venus du monde musulman. Les mêmes contacts se répètent durant toute l’année avec pèlerins venus pour la Omra. A Djedda Cheikh Saïd a cassé un tabou, se mettre régulièrement en contact avec le consul général de France, qui est algérien, très bon musulman et ayant une double culture, arabe et française. Il s’agit de Cheikh Hamdi, qu’il devait connaître au par avant, parce qu’il est aussi un membre fondateur de Mosquée de Paris, comme Cheikh Benghabrit et Hamza Boubakeur et autres encore. Ce rapprochement avec le consul général de France était très utile. Cheikh Saïd obtenait de lui des passeports et des laisser passer pour des Algériens en difficulté. Cette mission diplomatique à Djedda a duré 7 ans, de 1957 à 1964. Cheikh El-Abbas est rentré en Algérie au début de l’indépendance en 1962. Cheikh Saïd a poursuivi sa mission jusqu’à son rappel en Avril 1964. XVII. Retour en Algérie en Avril 1964 De son retour en Algérie, à la fin de sa mission à Djeddah, il opte pour l’enseignement. Il a intégré l’Ecole Nationale des Cadets de la Révolution à Koléa, une école ouverte pour accueillir principalement les orphelins de guerre, mais elle a accepté aussi d’autres jeunes hommes pour un enseignement général et une formation militaire. Cheikh Saïd enseigne dans cette école pendant quelques 8 ans. Puis il a enseigné au Collège d’Enseignement Polytechnique de Koléa, la langue Arabe pendant deux ans avant de prendre une retraite bien méritée mais qui n’a pas durée trop longtemps. Il mourut une année plus tard le 16 Août 1976. Il est enterré à Sidi-Brahim là ou tous ses parents sont nés.
Posted on: Tue, 12 Nov 2013 03:26:20 +0000

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