2.2.4.2. Les points essentiels de divergence entre lEMG et le GPRA - TopicsExpress



          

2.2.4.2. Les points essentiels de divergence entre lEMG et le GPRA sur les accords dEvian Le général De Gaulle avait alors tenté de renforcer en Algérie la « troisième force » que différents gouvernements français ont encouragée avant lui. Il sagissait dun mouvement politique destiné à diriger le pays en marginalisant le FLN. Cette « troisième force » (sur laquelle nous reviendrons plus bas avec plus de précisions) devait être constituée dAlgériens proches de la France et hostiles au FLN et devait avoir pour tâche la mise en œuvre dune politique « dassociation entre lAlgérie et la France ». Après avoir échoué de faire émerger organiquement la « troisième force » dans des délais assez brefs et dans un contexte interne et externe plutôt défavorable à la France, et après avoir renoncé à lexigence de faire participer le MNA aux négociations, le gouvernement français décida finalement de reprendre les pourparlers avec le GPRA à Evian en mai 1961. 42 Il est curieux de noter à ce propos que cest uniquement en juin 1999 que le Parlement français a reconnu le caractère de guerre à ce quils appelaient jusque là « les événements dAlgérie ». La signature des accords dEvian par le GPRA a été vivement critiquée par lEMG parce quils visaient, selon lEMG, à établir en Algérie un système néocolonial après lindépendance. Les critiques de ces accords portaient en particulier sur les points suivants43 : • Création dune armée, appelée « force locale » avec 40 000 hommes encadrés par des officiers et sous-officiers algériens encore en service dans larmée française en 1962 et par des officiers français servant au titre de la coopération technique. • Le maintien sous le contrôle de larmée française de la base de Mers el-Kébir pour une période de 15 ans ainsi que celle de Ain-Akker pour la poursuite des expériences nucléaires françaises. • Le maintien de lappareil administratif en place constitué de 80 000 fonctionnaires dont 65 600 Français et 14 400 Algériens qui avaient bénéficié de la promotion sociale depuis Lacoste (1956). • Le maintien du libéralisme économique et le respect des intérêts et des privilèges de la France tels quils existaient à lindépendance. Le nouveau pouvoir algérien était tenu de poursuivre la mise en œuvre du Plan de Constantine conçu en 1959 dans une perspective coloniale. • Le maintien de la prééminence de la langue française et la promotion de son développement au détriment de la langue arabe. • Le respect des particularismes ethniques, linguistiques et religieux des Européens qui auront jusquà 1965 le choix entre la nationalité algérienne et la nationalité française. • La mise en place dun « Exécutif provisoire » chargé de gérer les affaires publiques pendant la période intérimaire, entre la date dentrée en vigueur du cessez-le-feu en mars 1962 et celle de lorganisation du référendum dautodétermination en juillet 196244. 43 Pour plus de précisions, cf. Mohamed Harbi, Le FLN, mirage et réalités, op. cit., pp. 293, 323. 44 Léxécutif provisoire créé par les accords dEvian est composé de 12 membres dont 5 désignés par le FLN, 4 autres Algériens non FLN et 3 Européens. Son Président est Abderrahmane Farès, représentant la « troisième force », imposé par Paris malgré lopposition du GPRA. Au cours dune réunion des commandants de bataillons et de compagnies lourdes organisée par lEMG, le commandant Ali Mendjeli, membre de la délégation algérienne aux négociations dEvian, parlait de capitulation et accusait le GPRA de vouloir liquider lALN. Il considérait que les concessions faites à la France sur le plan économique, militaire et culturel étaient inadmissibles parce quelles hypothéquaient lourdement lindépendance et la minaient. LEMG estimait que le GPRA avait trahi la Révolution non seulement parce quil avait accepté de telles concessions mais aussi parce quil voulait établir un régime bourgeois, de type capitaliste et pro-français, après la proclamation de lindépendance. Lévolution du conflit transformait les divergences entre lEMG et le GPRA sur les accords dEvian en confrontation. La lutte et la course pour le pouvoir venaient ainsi dêtre ouvertes entre les deux instances après la réunion du CNRA convoquée en février 1962 pour approuver les accords dEvian. LALN, source de toute légitimité, devenait le principal enjeu. Là aussi deux conceptions sopposaient. Pour le triumvirat Krim, Boussouf et Bentobbal, la légitimité du pouvoir reposait sur les wilayate dont ils avaient été les chefs (jusquà 1957, date à laquelle ils avaient gagné lextérieur) et dont ils avaient désigné leurs successeurs. De plus, leur légitimité venait, estimaient-ils, de leur qualité de chefs historiques. Pour les membres de lEMG, ils se considéraient comme responsables ès qualité de lALN, y compris les wilayate. Ils disposaient en tout cas dune force de frappe considérable à savoir lALN des frontières est et ouest dont les effectifs atteignaient 24 000 hommes en 1962. Mais les membres de lEMG ne sarrêtaient pas aux seules considérations militaires. Ils voulaient aller plus loin en sengageant dans la compétition politique. Ils avaient tenté pour cela dorganiser une alliance avec Ben Bella, Boudiaf, Ait Ahmed, Khider et Bitat, alors en prison, pour compenser le manque de légitimité historique qui leur faisait défaut. LEMG dépêcha, à cet effet, Abdelaziz Bouteflika au Château dAunoy pour exposer aux chefs historiques détenus, membres du GPRA et du CNRA, le point de vue de lEMG sur la nature de la crise et sur les moyens de la résoudre. LEMG proposait pour cela la création dun Bureau Politique du FLN et lélaboration dun programme politique. Ben Bella, Khider et Bitat adoptaient la démarche de lEMG. A linverse Boudiaf, allié de Krim, ainsi que Aït Ahmed la rejetaient45. Cétait dans ce contexte que lalliance entre Ben Bella et lEMG sopéra. Cette alliance permettait à Boumediène de disposer dune couverture politique de poids pour triompher du GPRA et préparer les conditions de prise de pouvoir après la proclamation de lindépendance. Conscient de sa force militaire et de limpact politique de son alliance avec Ben Bella, lEMG se disait prêt à sopposer après lindépendance à la mise en œuvre des dispositions des accords dEvian qui étaient en contradiction avec les principes de la Révolution. La crise politique déjà grave avait été compliquée par le fait que les dirigeants du FLN, membres du GPRA, de lEMG, et du CNRA appartenaient à deux courants de pensée contradictoires. Les uns, comme Ferhat Abbas (et ses amis de lex-UDMA), Benkhedda (et ses amis les centralistes), Krim, Boussouf et Bentobbal ainsi que dautres chefs historiques étaient influencés par le mode de vie occidental caractérisé en particulier par la laïcité, lindividualisme et le libéralisme économique. Lappareil du FLN et du GPRA, contrôlé par le triumvirat, était entre les mains des francophones. Dautres, comme Ben Bella, Khider ainsi que de nombreux membres du CNRA, les membres de lEMG, Tahar Zebiri, (chef de la wilaya I), Salah Boubnider (chef de la wilaya II), Othmane (chef de la wilaya V) et Chabani (chef de la wilaya VI) considéraient que lAlgérie appartient plutôt au monde arabo-musulman et que la langue arabe devrait être la langue officielle de lAlgérie après lindépendance. Dailleurs, la langue arabe était utilisée comme langue de travail dans la wilaya I (Aurès Nememchas), la wilaya II (Nord Constantinois) et la wilaya VI (Sud algérien). Dune manière générale, les maquisards dorigine paysanne ou citadine se considéraient comme des frères et comme des « moudjahidine » et assimilait la guerre de libération au « djihad ». Les maquisards qui tombaient au champ dhonneur étaient considérés des « chouhada ». Ce courant était majoritaire au sein de lALN et du peuple algérien. 45 Pour plus de détails sur cette question cf. M. Harbi, op. cit., pp. 295-297. Mais, lappartenance à lun ou lautre courant navait pas empêché des alliances tactiques entre les tenants des deux courants de pensée. Cétait ainsi que, pour des raisons conjoncturelles et par calcul les « déserteurs » de larmée française avaient joué à fond la carte de lEMG (après avoir joué celle de Krim en 1959 quils avaient vite abandonné dès que celui-ci avait perdu le ministère des Forces armées en janvier 1960), en mettant entre parenthèse leurs convictions politiques et culturelles pro-françaises46. Lobéissance à lEMG permettait à ces «déserteurs» de se faire une légitimité et de saffirmer tôt ou tard au sein de lALN. Leur « technicité », considérée à tort comme neutre par lEMG, constituait pour eux la garantie de leur promotion et de leur succès à terme dans leur stratégie de contrôle de larmée après lindépendance en vue de la prise du pouvoir au moment opportun. En choisissant le camp du plus fort dans une crise cruciale qui opposait lEMG et le GPRA sur des questions idéologiques, politiques et culturelles, les « déserteurs » de larmée française réussissaient à occulter leur attachement viscéral à la France en sabritant derrière la ferveur et le langage révolutionnaires. Leur but de faire oublier leurs origines et leurs attaches et de devenir chefs de lALN à part entière avait été atteint au plus fort de la crise entre lEMG et le GPRA. Le fait que les membres de lEMG étaient essentiellement préoccupés par leur destin avait facilité leur intégration dans larmée de libération nationale. Ainsi donc sacheva pour eux la phase de linfiltration de lALN. Restait la prise du pouvoir. Celle-ci ne pouvait se concevoir quen sabritant derrière Boumediène en attendant... Comme la nouvelle stratégie néocoloniale de la France repose sur un projet global, le gouvernement français ne sest pas limité à organiser linfiltration de lALN au plus haut niveau par des « déserteurs » de larmée française (futurs chefs de larmée algérienne) et à mettre sur pied une « force locale » (noyau de la future armée algérienne). Les autorités françaises se sont également attelées à « algérianiser » à leur manière ladministration coloniale et à organiser la dépendance économique de lAlgérie pour assurer la pérennité de la présence française après lindépendance. 46 Il convient de rappeler, dans ce contexte, que parmi les « déserteurs » de larmée française qui avaient rejoint le FLN en Tunisie entre 1958 et 1959, il y avait des patriotes sincères qui avaient contribué de bonne foi à la guerre de libération. Par contre, certains dentre eux comme par exemple Larbi Belkheir, Khaled Nezzar, Mohamed Lamari, Mohamed Mediene alias Toufik, Mohamed Touati et Smail Lamari étaient et restent à ce jour des militants ardents de la francophonie et des défenseurs de la culture française en Algérie. Il convient de préciser que Mohamed Mediene et Smail Lamari navaient pas fait larmée française, mais font partie du clan des « déserteurs » par affinité culturelle et politique.
Posted on: Wed, 30 Oct 2013 20:15:52 +0000

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