A Bamako, on lui reproche sa complaisance envers les enturbannés, - TopicsExpress



          

A Bamako, on lui reproche sa complaisance envers les enturbannés, […] Et à Kidal […] on la soupçonne de lâchage. […] la France aura tour à tour amené à Kidal le MNLA, qui ny était plus, puis les soldats de Bamako, qui ny ont jamais été. Mali: Paris dans le piège de Kidal 14 Novembre 2013 | LExpress.fr Par Vincent Hugeux Lassassinat des envoyés spéciaux de RFI semble crapuleux. Malgré tout, la France a commis lerreur de sous-traiter la sécurité de ce berceau de lirrédentisme touareg aux rebelles du MNLA. Et risque den payer longtemps le prix. Un cauchemar de sable, de rocaille, de maisons ternes et trapues écrasées par le cagnard : vu de Paris, voilà à quoi ressemble Kidal, ville piège faussement assoupie du Nord-Est malien et berceau de lirrédentisme touareg. Pas seulement parce que cest là, en lisière du massif des Ifoghas, que furent enlevés puis assassinés, le 2 novembre, les envoyés spéciaux de Radio France Internationale (RFI) Ghislaine Dupont et Claude Verlon. Mais aussi parce que lancienne puissance coloniale y paie au prix fort, arriérés historiques compris, ses tâtonnements et ses erreurs de jugement, voire ses querelles de chapelle. Bien sûr, la France aura eu, au risque de lisolement, le courage denrayer dès le mois de janvier 2013 la folle méharée des colonnes djihadistes vers Bamako, avant daffranchir les deux tiers du nord du pays du joug des fanatiques de la charia. En agissant ainsi, confie un vétéran des traquenards sahéliens, elle a sauvé, au-delà du Mali, toute la sous-région. Reste que le régime dexception réservé à Kidal, foyer de tensions chroniques, obscurcit lhorizon : pourquoi avoir concédé de facto aux combattants supposés laïques du Mouvement national pour la libération de lAzawad (MNLA), de retour par la grâce de lopération Serval, le contrôle dune cité indocile dont les avaient chassés leurs ex-alliés islamistes ? Pour prévenir les affrontements quaurait déclenchés le retour brutal dune armée sudiste honnie ? Certes. Par souci de sassurer le concours des séparatistes pour arracher les otages français aux griffes dAl-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi) et de ses satellites? Sans nul doute. Mais lheureux dénouement du calvaire des kidnappés dArlit (Niger) ne doit rien au MNLA. Lequel na pas tenu ses promesses de sécuriser la ville, perméable aux terroristes. Une erreur stratégique majeure, tranche lanthropologue André Bourgeot, directeur de recherche au CNRS et fin connaisseur des peuples du désert. Analyse partagée par la direction Afrique du Quai dOrsay de lépoque. La DGSE, trop touarégophile Jamais je nai considéré le MNLA comme un partenaire fiable dans la lutte contre le péril islamiste, insiste un de ses ex-cadres. Hélas, nos objections ont été battues en brèche par la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure). Voilà ce qui advient en labsence de pilotage clair et ferme de léchelon politique : les militaires dictent leur loi. Le tropisme touarégophile de lélite de lespionnage à la française, fascinée par les vertus guerrières des hommes bleus, vient de loin. Affaire de génération, admet un ancien officier de la Piscine. Nombre de gradés aujourdhui aux commandes ont côtoyé les chefs des rébellions des années 1990, au Niger comme au Mali. Et plus dun en a gardé une forme de nostalgie coloniale. En ce temps-là, nous jugions à tort ou à raison nos interlocuteurs représentatifs et leur cause noble et légitime. Le défi sahélien et le sort des otages auront aussi aiguisé les rivalités au sein de lappareil du renseignement. Avec, semble-t-il, laval de François Hollande, le cabinet du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, sest employé à asseoir sa tutelle sur la direction de la DGSE, encline depuis Nicolas Sarkozy à traiter en direct avec lElysée. Autre phénomène, quincarnent de fringants retraités de la maison, désormais à la tête de sociétés de sécurité : la privatisation de missions délicates. Ainsi, il est arrivé à Pierre-Antoine Lorenzi, passé par la Direction de la stratégie, doffrir ses services en matière de logistique et de protection démissaires. Lex-colonel Jean-Marc Gadoullet fut quant à lui mandaté pour négocier la libération, obtenue en février 2011 contre environ 12,5 millions deuros, de trois des sept otages dArlit (1). Ironie de lhistoire : à en croire un initié, leur geôlier, lAlgérien Abou Zeid, était alors disposé à les relâcher sans contrepartie ; et cest lenvoyé nigérien Mohamed Akotey, alors écarté du dossier au profit de Gadoullet, qui orchestre en solo le retour à la liberté, le 29 octobre 2013, des quatre autres. Montant de la transaction : près de 30 millions, soit la somme proposée en vain deux ans plus tôt à Abou Zeid par le même Gadoullet. Peut-on à la fois prôner la restauration de lintégrité territoriale du Mali et entraver le déploiement vers le nord de larmée nationale, si embryonnaire soit-elle ? A ce jeu là, la France court le risque de se voir coincée entre le marteau et lenclume... A Bamako, on lui reproche sa complaisance envers les enturbannés, surnom peu flatteur des Touareg, et leurs chimères indépendantistes. Et à Kidal, chez ces mêmes Touareg, on la soupçonne de lâchage. Paris ne dit pas un mot quand les soldats maliens massacrent nos civils, accuse un leader du Haut Conseil pour lunité de lAzawad (HCUA), dernier avatar du mouvement islamiste touareg Ansar ed-Dine, naguère allié dAqmi. Vos militaires nous comprennent, soupire en écho Bilal Ag Cherif, secrétaire général du MNLA. Mais pas vos politiciens.Or il ny aura pas dissue au Sahel sans solution quant au statut de lAzawad. Là est lépicentre de la crise, la mère de toutes les impasses. Kidal, laboratoire de tous les périls Pour Papa Hollande, le sauveur tant célébré, cette double peine était-elle fatale ? Non, objecte un ex-Africain du Quai. Il aurait fallu tenir un langage dextrême fermeté aux deux parties. Signifier sans ambiguïté à larmée que les exactions devaient cesser. Et aux Touareg que le moment était venu pour Kidal de rentrer dans le giron de la République. Au fond, ironise Alghabass Ag Intalla, président du HCUA et fils de lamenokal - chef coutumier - de la tribu des Ifoghas, la France aura tour à tour amené à Kidal le MNLA, qui ny était plus, puis les soldats de Bamako, qui ny ont jamais été. Théâtre de la première insurrection touareg du Mali indépendant, en 1963, Kidal demeure le laboratoire de tous les périls, que surveillent la France, mais aussi lUnion européenne, lUnion africaine et la Minusma (mission onusienne). Chaque concession, fût-elle symbolique, suppose dintenses pressions. Ainsi, le MNLA, qui confesse son impuissance à ramener la quiétude, promet dévacuer ce 14 novembre le gouvernorat et le bâtiment de la radiotélévision. De même, la fusion, marchandée des semaines durant à Ouagadougou (Burkina Faso), de trois mouvances autonomistes - le HCUA, le MNLA et les Arabes du MAA- au sein dun Congrès national pour le salut de lAzawad passe pour une avancée aux yeux des naïfs. Pas sûr pour autant que la plateforme commune censée baliser les négociations avec le pouvoir central quant au statut futur de la région survivra aux dissensions déjà patentes. Du bla-bla ! assène un ponte du Haut Conseil, tandis que le patron en titre du MNLA doute à voix haute de sa capacité personnelle à emporter ladhésion de sa base ; non sans raison : la jeune garde, réputée radicale, tient ce pacte, passé avec lennemi, pour une trahison . Fragmenté en diable, léchiquier local plongerait dans la détresse le politologue le plus retors. Qui est qui ? Avec qui? Et jusquà quand? Chacun avance masqué. Et tous les dés semblent pipés. Un exemple : rien de plus aisé que de rencontrer un allié du MNLA lui imputant à demi-mot le meurtre du tandem de RFI. Il faut dire, fait troublant, que le chef du commando, un transfuge dAqmi nommé Bayes Ag Bakabo, aurait été à son retour en ville, voilà plusieurs mois, présenté au détachement local du dispositif Serval par deux responsables de la sécurité du MNLA, interrogé par un officier du renseignement français puis relâché. Ce que, bien entendu, le secrétaire général Bilal Ag Cherif dément vigoureusement. Le pourrissement, allié le plus sûr du terrorisme Tout porte à croire que Ghislaine Dupont et Claude Verlon doivent leur mort atroce - vécue comme une honte ineffaçable au sein de la communauté touareg - à un enlèvement crapuleux perpétré par des sous-traitants désireux de monnayer leur butin humain et qui aurait mal tourné. Ont-ils aussi, comme le soutient un praticien chevronné de la galaxie djihadiste, payé de leur vie les erreurs de gestion de la France à Kidal? Deux certitudes. Dabord, le statu quo, autre nom du pourrissement, y serait lallié le plus sûr du terrorisme. Ensuite, quon le veuille ou non, Paris aura du mal à se délester de ce fardeau. Cest à elle, décrètent en choeur trois chefs touareg, par ailleurs rivaux, quincombe la responsabilité dimposer un règlement. Elle en a le pouvoir. Le devoir, sans doute. Le pouvoir, pas sûr. Kidal est le noeud gordien quil faut trancher, a asséné, le 10 novembre, sur RFI, cheikh Oumar Diarrah. La formule illustre létroitesse de la ligne de crête que doit emprunter le Mali nouveau : lhomme qui la prononcée est ministre de la Réconciliation. (1) Rançons. Enquête sur le business des otages, par Dorothée Moisan (Fayard, 2013). lexpress.fr/actualite/monde/afrique/mali-paris-dans-le-piege-de-kidal_1299422.html
Posted on: Thu, 14 Nov 2013 20:00:34 +0000

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