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A la fin de ce mois, le quatrième paquet ferroviaire sera à l’agenda de la Commission Transport du Parlement européen, une étape de plus vers la libéralisation du transport par chemin de fer. Depuis 1991, l’UE planche en effet sur la libéralisation du rail européen. A l’heure actuelle, tout le monde n’est cependant pas encore prêt à monter à bord... Chaque année, les voies ferrées européennes drainent un chiffre d’affaires d’environ 73 milliards d’euros. Treize milliards sont issus du transport de marchandises, les 60 restants proviennent des 8 milliards de titres de transport achetés chaque année par les passagers. Le secteur ferroviaire pèse un tiers de moins que l’aéronautique. Ces chiffres sont-ils prometteurs en termes de mobilité ? Le train est indéniablement plus écologique que la voiture et l’avion. Hélas, le rail coûte cher à la société. En 2009, les Etats membres européens ont par exemple subsidié ce service public à concurrence de pas moins de 46 milliards d’euros. Et ce, alors que le nombre de passagers transportés stagne, voire recule dans de nombreux pays de l’Union. Cette situation requiert impérativement la libéralisation du rail, selon le vice-président de la Commission européenne chargé des transports Siim Kallas. Lorsqu’il a présenté en janvier dernier le quatrième paquet ferroviaire (l’Europe planche sur la libéralisation depuis 1991), Siim Kallas affirmait que le rail européen se trouvait face à une alternative. «Soit nous prenons dès à présent les décisions sensibles nécessaires pour réformer le marché européen et contribuer à l’amélioration du service, auquel cas le trafic ferroviaire pourra renouer avec la croissance, avec tous les avantages que cela comporte pour les citoyens, le monde de l’entreprise et l’environnement. Soit nous acceptons de glisser lentement vers une Europe où le rail sera un luxe réservé à quelques pays riches et impayable pour une grande majorité.» Un paquet «à rafistoler» La proposition de Siim Kallas s’inscrit dans le droit fil des trois précédents paquets ferroviaires européens, son objectif étant de surmonter les obstacles auxquels la libéralisation s’est heurtée lors des précédentes tentatives. Les premiers paquets ferroviaires préconisaient déjà l’ouverture du marché et l’homogénéisation de l’infrastructure. Ils ont permis de gommer les frontières nationales pour le transport de marchandises par rail et le transport international de passagers (lire l’encadré «Quatre paquets sur les quais»). Toutefois, le trafic national de passagers n’avait pas encore été abordé jusqu’ici. L’Europe souhaite à présent changer la donne. Qui plus est, les infrastructures nationales — malgré les précédentes tentatives — n’ont toujours pas été harmonisées. La vitesse de transport, ainsi que les différences de tension électrique et de dimension des voies empêchent une réelle homogénéisation du système ferroviaire, et d’importants projets transfrontaliers tels que le «Rhin d’acier» (ligne affectée au transport de marchandises et reliant le port d’Anvers à l’Allemagne via les Pays-Bas) ne peuvent dès lors être mis en œuvre. Globalement, le quatrième paquet ferroviaire s’articule autour de quatre aspects : l’Europe souhaite remplacer les paramètres administratifs rendant possible le cloisonnement des marchés nationaux par des licences et des normes plus centralisées. Le deuxième volet concerne le rapport entre le gestionnaire de l’infrastructure et l’opérateur. Le troisième couvre l’ouverture des marchés ferroviaires nationaux au transport de passagers. Le quatrième, enfin, régit le transfert de personnel lors de l’attribution des contrats de service public. Manœuvres dilatoires L’idée est qu’une plus grande concurrence sur le marché ferroviaire peut se traduire par un meilleur service et qu’un marché unique peut contribuer à alléger les coûts. Tout le monde y trouverait donc son compte ? Depuis le lancement du nouveau paquet par Siim Kallas, 900 amendements ont été présentés au Parlement européen. Ceux-ci sont actuellement examinés par la Commission Transport et au début de l’an prochain, un vote aura lieu en séance plénière au Parlement. Même constat du côté du Conseil européen, où siègent les chefs de gouvernements des Etats membres. En d’autres termes, il sera difficile d’obtenir un compromis écrit entre Etats, Commission et Parlement européen avant les élections. C’est pour cette raison que les Etats membres souhaitent d’abord se concentrer sur les thèmes de l’interopérabilité, des normes techniques et de la sécurité. Le volet concernant l’ouverture du marché sera abordé ultérieurement par le Conseil européen. «Au Parlement, nous préférons que tous les thèmes de la discussion restent groupés, a déclaré le parlementaire Philippe De Backer (Open Vld). Cela dit, force est de constater, au vu de la discussion en cours, que les divergences d’opinion sont nombreuses.» Souvent, ces oppositions correspondent aux grandes lignes de rupture idéologiques. Ainsi les élus socialistes craignent-ils surtout que l’ouverture du marché intérieur des voyageurs se transforme en cherry picking, ce qui signifie que seules les lignes rentables seraient desservies et que les trajets moins rentables seraient abandonnés. «Libéraliser pour libéraliser» n’a aucun sens, affirme-t-on dans ce camp. «Je ne suis pas contre une intensification de la concurrence sur les plus longs trajets, par exemple entre Bruxelles et Paris ou Lyon et Marseille, affirme le parlementaire sp.a Saïd El Khadraoui, également rapporteur pour l’une des directives du quatrième paquet ferroviaire. Mais le trafic intérieur est rarement rentable, raison pour laquelle il est subsidié par des contrats de service public. Il faut faire preuve de suffisamment de flexibilité par rapport aux disparités entre les différents pays, à plus forte raison en ce qui concerne les contrats de prestation de services publics.» De leur côté, les libéraux ne comprennent pas que le marché intérieur de transport des passagers ne soit toujours pas ouvert à la concurrence car, après tout, la libéralisation du rail est en route depuis 25 ans déjà. «Il existe un puissant contre-lobby qui tend vers le statu quo, regrette Philippe De Backer. L’ouverture du marché des passagers est absolument nécessaire. Les deux seuls pays où le coût du rail a baissé et le nombre de voyageurs a augmenté parallèlement sont la Suède et le Royaume-Uni. Ce n’est pas un hasard si ces deux pays ont justement déjà libéralisé leur marché ferroviaire.» Cloisonnement Par rapport au volet technique, les pays de l’UE semblent appuyer sur le frein. La Commission a proposé d’élargir les compétences de l’Agence ferroviaire européenne, qui serait alors responsable de l’octroi des certificats et des autorisations de rouler sur les rails européens. Il semblerait pourtant que les Etats membres veuillent y adjoindre d’autres exigences nationales spécifiques qu’eux seuls sont en mesure de contrôler. «Il s’agit en l’occurrence d’un réflexe protectionniste, commente Philippe De Backer. C’est justement l’une des raisons qui expliquent que nous n’ayons pas encore de marché européen du rail. Le coût de la mise en œuvre du matériel roulant augmente uniquement au motif que la procédure traîne deux à trois ans. En conséquence, les capitaux restent bloqués trop longtemps. Et donc, tout éventuel nouvel acteur de marché est forcément refoulé.» Le parlementaire libéral craint que le même cloisonnement ne menace l’interopérabilité. «Au niveau européen, il faudrait tout de même pouvoir définir un certain nombre de normes. Les différences au niveau de l’infrastructure demeurent cependant problématiques. Le meilleur exemple est le système de sécurité européen ERTMS, qui se heurte au réflexe protectionniste des Etats membres par rapport à leurs monopoles. Résultat : au lieu d’un système de sécurité unique, il existe actuellement 27 systèmes de sécurité différents...» Quatre «paquets» sur les quais Trends 07/11 L’UE présente toujours ses projets de réforme sous forme de «paquets ferroviaires». 1er ET 2e PAQUETS FERROVIAIRES Les deux premiers paquets ferroviaires de l’UE servent à créer les conditions techniques et d’organisation permettant aux transports internationaux de se dérouler de manière sûre et d’un seul tenant sur l’ensemble du réseau ferré européen. Les conditions techniques comprennent les directives sur l’interopérabilité qui fixent des normes en la matière. Les conditions organisationnelles englobent les réglementations juridiques de l’accès au réseau et la garantie de la non-discrimination également au sein des organisations (séparation des secteurs infrastructure et transport, service indépendant d’attribution des sillons). Ces aspects sont réglés par différentes directives UE édictées en 2001 (1er paquet) et en 2004 (2e paquet). En 2010, l’UE a partiellement remanié le 1er paquet ferroviaire. • 3e PAQUET FERROVIAIRE Ce troisième paquet adapte trois domaines : - En trafic ferroviaire international des voyageurs, une première ouverture du marché a eu lieu dès le début de 2010 : le transport international des voyageurs est admis, mais pas les services intérieurs (cabotage) effectués par des entreprises de transport étrangères. - Il s’agit d’introduire ou d’améliorer les droits des passagers : les entreprises de transport doivent avoir des obligations envers les passagers et en matière de bagages ; elles ont également des obligations en cas de retards et concernant l’assistance aux personnes à mobilité réduite. - Quant aux conducteurs de locomotives, il est prévu d’introduire un permis uniforme valable dans toute l’Europe, ce qui évitera les changements de mécanicien aux frontières. 4E PAQUET FERROVIAIRE En adoptant le quatrième paquet ferroviaire, la Commission UE souhaite édicter des prescriptions plus rigoureuses en vue de la séparation de l’infrastructure et de l’exploitation. Une structure en deux volets Parmi les thèmes abordés par le quatrième paquet ferroviaire, citons la répartition des tâches entre les gestionnaires des infrastructures nationales et la concurrence entre opérateurs. Pendant longtemps, la piste de réflexion privi- légiée fut celle de la scission pure et simple entre les gestionnaires d’infrastructures et les opérateurs au sein des anciens monopoles. Selon cette approche, le gestionnaire d’infrastructures attribue les sillons, investit dans le réseau ferré et en assure l’entretien. Pour l’ensemble des opérateurs — intérieurs et étrangers, l’accès serait alors identique. Sous la pression de l’Allemagne, la Commission a ensuite changé son fusil d’épaule, Deutsche Bahn ayant une structure en holding. Dans la nouvelle proposition de la Commission, des «para- vents» suffisent pour séparer les deux divisions. Tant qu’aucun flux d’argent interne ne vient fausser le jeu de la concurrence, tout va bien. Mais sur ce sujet également, deux visions s’opposent au sein du Parlement européen : les libéraux estiment une scission nécessaire afin que tous les intervenants soient sur un pied d’égalité (level playing field), tandis que les socialistes trouvent préférable que chaque pays décide de la nécessité de scinder les deux activités.
Posted on: Thu, 07 Nov 2013 09:19:54 +0000

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