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A lire si vous étes intéréssés Le mot chien aboie-t-il ? Le mot chien aboie-t-il ? Par Armand Gatti En quoi consiste notre technique ? D’abord en un refus, un refus total du langage populaire, d’une certaine idée de la « culture populaire » qui, pour nous, reste une forme de colonisation par les classes possédantes. Augmenter policeDiminuer policeTexte seulement On invente le langage, on invente la sensibilité, on invente ce qui n’a pas à être inventé et qu’on trouve à l’état dégradé chez chacune des personnes auxquelles on s’adresse. De ce point de vue, la télévision réussit des performances formidables, puisque le critère du beau, du valable, c’est le pourcentage d’écoute : qu’il y ait 500 imbéciles sur 501 qui regardent une émission, c’est ça qui donne la valeur, ce n’est pas du tout l’émission en soi, c’est la façon dont elle est regardée, et qui la regarde. Or, ceux qui la regardent, en général, surtout lorsqu’il s’agit d’employer le mot populaire, n’ont à offrir comme valeur que leur oppression, et sur ces valeurs d’oppression s’établissent les critères d’expression de la télévision, ou d’autres. À partir de là, le parler populaire c’est ce qui donne la valeur, c’est le véhicule le plus sûr de la façon dont il faut être esclave et le revendiquer : être fier d’être esclave, c’est ça la liberté chez nous. La liberté, par une espèce de paradoxe culturel formidable, c’est être esclave et revendiquer de l’être. Cet arrachement, ce déchirement sont absolument nécessaires. Le langage de la prison des Beaumettes ou de la prison de Fleury-Mérogis, le langage des hôpitaux psychiatriques, le langage des différents milieux émigrés sont autant de langages destructeurs de cet absolu de la langue dont nous voulons être porteurs. Cette langue a ses lettres de noblesse à travers tout ce qui a été écrit et pensé depuis des millénaires. Nous sommes joannistes, et nous ne retenons de tout cela, comme identité de ce langage, que la première phrase de l’Évangile de saint Jean : « Au commencement était le verbe, et le verbe était Dieu ». Et nous invitons tous ces repris de justice, tous ces psychiatrisés, tous ces enfants d’immigrés, ces transplantés, ces déshérités de la parole et du travail à l’intérieur de la cité, nous les invitons tous à être Dieu, et nous pesons nos mots. Le langage doit être totalement et complètement un absolu, il doit être le commencement et la fin même de la trajectoire, ce vers quoi perpétuellement on tend. Il y a donc, au niveau du langage, l’absolu refus du « populaire » et la tentative de s’enrichir le plus possible. Cet aspect commençait à apparaître à Fleury, lorsque l’un des détenus a répondu à la question un peu « arnaque » d’un journaliste de la télévision, (parce que le langage des médias est beaucoup plus proche de l’arnaque que de n’importe quelle autre grammaire) qui disait : « Mais qu’est-ce que ça vous a rapporté ? » Ce n’était pas en ces termes de charcutier ou de boucher que se situait notre conception de la culture, mais la réponse a été juste : « Nous sommes maintenant plus riches de 300 mots. » C’est ça la richesse. Comment véhiculer cette langue, lui faire dire ce qu’elle aurait à dire à partir d’une situation qui est celle d’un porteur de parole ?
Posted on: Sun, 08 Sep 2013 09:10:10 +0000

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