ARTICLE – 94 – PIROGUE n. f. I. Embarcation légère, - TopicsExpress



          

ARTICLE – 94 – PIROGUE n. f. I. Embarcation légère, étroite et plate, proche du canoë, mue à la pagaie ou à la voile et régulièrement utilisée en Afrique et en Océanie ; en Amérique, on la fabrique souvent à partir d’écorces, de peaux cousues ou d’un tronc d’arbre creusé. 1. Quelques instants après, Trim et quelques hommes qui avaient fait le tour de l’étang, arrivaient avec les trois pirogues, au fond desquelles ils avaient trouvé deux avirons. Ils ne furent pas longtemps à attendre Tom, qui revenait de la cabane portant d’une main le sac aux vivres et de l’autre une dizaines d’avirons, qu’il avait trouvées près d’une talle de framboisiers à quelques pas de la cabane ; il apportait aussi une large bombe [bouilloire] pour bouillir l’eau et quelques écuelles de fer-blanc [tôle fine en fer doux, laminé ou battu, recouverte d’étain pour la protéger contre la rouille] (Boucher de Boucherville, Georges, Une de perdue, deux de trouvées dans « l’Album littéraire et musical de la Minerve », Montréal, 1850 ; la première édition au livre est datée de 1874, FTLFQ, CELM). 2. Le canot n’est pas la seule embarcation indienne utilisée par les Français. À la porte méridionale du Pays d’en Haut, sur le Mississippi, où l’écorce de bouleau fait défaut, c’est la pirogue qui sert de moyen de transport. Ce « canot de bois » présente quelques inconvénients : il est lourd, encombrant, et se manie fort mal (Havard, Gilles, Empire et métissages. Indiens et Français dans le Pays d’en Haut 1660-1715, Paris-Québec, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne et Septentrion, 2003, p. 287, CELM). 3. Les trois hommes s’embarquèrent dans le canot et gagnèrent les deux embarcations ancrées à quelques arpents de la rive. Puis ils continuèrent leur course, Jolliet guidant les deux embarcations à voiles, tandis que le Renard-Noir et Joncas rasaient avec la pirogue tantôt le bord des îles qui dorment au fil de l’eau en remontant jusqu’à la capitale. Ce fut ainsi qu’ils trouvèrent sur l’île Madame les restes consumés du pauvre Jean Couture qu’ils emportèrent avec eux pour les déposer en terre sainte (Marmette, Joseph, Le Chevalier de Mornac : chronique de la Nouvelle-France, Montréal, 1664, Typographie de « L’Opinion publique », 1873, p. 70, FTLFQ). 4. Tout jeune Vincent a été initié à la vie sauvage par son grand-père. « Celui-ci l’amenait dans sa pirogue, le dressait à manier l’aviron, lui dévoilait ses secrets de pêche et de chasse, l’entretenait de ses aventures de jeunesse et de ses innombrables voyages » (Léo-Paul Desrosiers, Nord-Sud (1931, p. 84). Le petit-fils et le grand-père, constate Josephte, sont le miroir l’un de l’autre : une « ressemblance, peu frappante au premier abord mais si profonde, […] existait entre le grand-père et le petit-fils » (Nord-Sud, p. 84) (Fournier, Serge, La Figure du coureur de bois au Pays du Québec, thèse de doctorat, UQTR, 2012, p. 172 ; en ligne sur depot-e.uqtr.ca/4440/1/030300377.pdf[3]). 5. Ces canots étaient des espèces de pirogues creusées dans un double tronc darbre, dont chaque partie était solidement reliée à lautre par une quille plate en bois de chêne, polie et relevée aux deux extrémités, de façon à ce que lembarcation pût, au besoin, servir en même temps de traîneau. Le patron sasseyait à larrière sur une petite plate-forme élevée doù il dirigeait la manœuvre , et gouvernait à laide dune pagaie spéciale, tandis quà lavant, et quelquefois debout sur la « pince » - on appelle « pince » [voir article 16 sur Suite 101 : «suite101.fr/article/mots-du-quebec-dictionnaire-differentiel-seizieme-partie-a16262»] la projection effilée de la proue - un autre hardi gaillard scrutait les passes et surveillait les impasses, la main sur les yeux, tout blanc de givre, avec des stalactites glacées jusque dans les cheveux (Fréchette, Louis, « La tête à Pitre, Conte de Noël », dans La Patrie, Montréal, vol XIX, no 255, p. 5, FTLFQ). DÉRIVÉS : piroguée et piroguer (voir étymologie § 3) et piroguier « celui qui conduit une pirogue (1845), en général dans le contexte africain (DHLF, 2753b). ÉTYMOLOGIE et HISTOIRE : Aux XVIe et XVIIe siècles, en Amérique du Sud et dans les Îles (Antilles), il est d’usage courant d’avoir recours à l’emprunt lexical pour identifier les d’objets d’utilité courante. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner devant le fait que l’espagnol piragua, pour définir un type d’embarcation faite à partir de l’écorce des arbres ou encore de l’arbre lui-même, puise au caribe piragua « pirogue » (1535; FEW 20, p. 76a, DHLF, 2753b, TLF en ligne). Le français, pour sa part, emprunte piragua en passant l’espagnol (Oviedo, La Historia general y natural de las Indias (1535 en espagnol, 1555 et 1556 pour les traductions de Poleur et d’Eden). On retrouve en France de nombreuses représentations et variantes du mot dont pirague (1555) et pirauge (1605 avant d’en arriver à la forme pirogue (1640), encore usuelle de nos jours (DHLF ;TLF ; FEW 20, 76a). La forme veut définir une embarcation, plus précisément une barque robuste, faite à partir d’écorces cousues ou d’un tronc d’arbre creusé. En Louisiane française, on retrouve les dérivés piroguée « contenu d’une pirogue » et piroguer v. tr. « transporter en pirogue », deux emplois signalés par le Père Potier à Détroit au milieu du XVIIe siècle (Potier, Glossaire, 1754, p. 333a). Au Canada français, Sylva Clapin, dans son Dictionnaire canadien-français (1894), consigne le lexème piroque, en notant qu’il s’agit d’un mot sauvage francisé désignant soit un « canot d’écorce », ou un « canot fait d’un tronc d’arbre creusé ». Tout le long du Mississippi, quand on ne parvenait pas à réunir les écorces d’arbres suffisamment résistantes, les voyageurs et Indiens troquaient le canot d’écorce plus délicat pour un bateau plus trapu, moins facile à manœuvrer, puisque construit à partir de troncs d’arbres. CATÉGORIE : Amérindianisme et innovation sémantique. ENCYCLOPÉDIE : La navigation constituant le moyen de circulation le plus rapide et le moins cher, les blés étaient transportés par voie fluviale. Les paysans qui vivaient dans une courte distance de Québec ou de Montréal pouvaient y livrer leurs denrées en pirogues [nous soulignons] durant la saison de navigation du début de mai à fin novembre. Il d’agissait bien de pirogues, même si on leur donnait dans la colonie le nom de canots [voir article 74 sur le site Suite 101 : suite101.fr/article/mots-du-quebec-dictionnaire-differentiel-partie-74--canot-a35096]. Malartic, aide-major du régiment de Béarn, les décrivait ainsi : « Ces canots sont une espèce d’auges faits avec un seul arbre. Ils sont très légers et tournent très facilement. Tous les habitants en ont pour porter leurs denrées au marché et traverser le fleuve. Ils mettent jusqu’à huit quintaux dedans et ils conduisent tantôt avec de petits avirons, ce qu’ils appellent nager, tantôt avec la perche dans les endroits où il y a peu d’eau, ou des courants qu’il faut monter le long des terre[4]. » En hiver, le fleuve gelé durant cinq mois était impraticable. Les communications terrestres étaient aussi interrompues à la fin de l’automne en raison des fortes pluies et au moment du dégel et de la débâcle. À partir de mi-décembre, les paysans avaient recours aux traîneaux, ce qui réduisait les opérations de chargement et de déchargement entre les différentes rives du fleuve (Havard, Gilles et Cécile Vidal, Histoire de l’Amérique française, Champs/Flammarion, Paris, [2003] ; 2006, p. 451-452). Souvent faite à partir d’un seul arbre creusé sur une quarantaine de pieds (environ 12 m 20) la pirogue était utilisée surtout dans les parties centrale et sud de l’Amérique française, plus spécifiquement entre Saint-Louis et la Nouvelle-Orléans. --------------- [1] Fichier du Trésor de la Langue Française au Québec : «tlfq.ulaval.ca/fichier/default.asp». [2] CELM : Centre dÉtudes Linguistiques de la Mauricie, Trois-Rivières, Serge Fournier, (dir.), «sergiusfournier@gmail». [3] Fournier, Serge, Le Coureur de bois au pays du Québec : une figure, une parole -- son univers et son évolution --, thèse de doctorat, UQTR, mars 2012, 263 p. [4] A.-J.-H. de Maurès de Malartic, Journal des Campagnes au Canada de 1755 à 1760, publié par G. de Maurès de Malartic et P. Gaffarel, Dijon, 1890, p. 55, cité par Louise Dechêne, Le Partage des subsistances au Canada sous le régime français, Montréal, Boréal, 1994, p. 60.
Posted on: Tue, 19 Nov 2013 15:12:30 +0000

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