ATTENTION CHEF D OEUVRE OEuvre posthume du scénariste - TopicsExpress



          

ATTENTION CHEF D OEUVRE OEuvre posthume du scénariste américain, Karoo offre un pathétique condensé de la société américaine. Steve Tesich ? Ce nom parlera aux amateurs de cinéma, car on lui doit l’adaptation du Monde selon Garp par George Roy Hill et les scénarios de Georgia d’Arthur Penn et de La Bande des quatre de Peter Yates, film qui lui vaut un oscar en 1979. Mais Tesich fut aussi une vedette à Broadway, avec une douzaine de pièces dont The Speed of Darkness où s’illustra un jeune inconnu nommé Matt Damon, ainsi qu’un écrivain discret, auteur de deux romans : Rencontre d’été 1982 et Karoo, son chef-d’oeuvre, paru deux ans après sa mort, en 1996, à 54 ans. Entre-temps, Tesich était passé du rêve américain à la grande désillusion. D’origine serbe son vrai nom était Stojan Tesic, il était arrivé à Chicago à l’adolescence, sans savoir un mot d’anglais. Cela ne l’empêche pas de se lancer dans un doctorat, de devenir champion de cyclisme amateur puis dramaturge à succès au début des années 1970. Une trajectoire de héros de roman, qui tendrait à prouver que l’Amérique donne sa chance à tout le monde. Mais Tesich déchante, et consomme son divorce avec les États-Unis lors du conflit en Yougoslavie, écoeuré par l’attitude de Washington. Cette désillusion, étendue à la culture américaine, se reflète dans Karoo, inspiré de son expérience de scénariste. Le héros, Saul Karoo, est l’incarnation de la déchéance nationale : un cinquantenaire bedonnant, riche, cynique, matérialiste «Aller au pressing le samedi était ce que j’avais de plus proche de la religion», fumeur, tellement alcoolisé que l’alcool ne lui fait plus rien, père divorcé d’un adolescent nommé Billy dont il ne s’occupe pas. Son métier, script doctor, consiste à réécrire des scénarios pour les aligner sur les canons hollywoodiens. En d’autres termes, il aseptise et mutile les oeuvres d’autrui pour les faire rentrer dans le moule, en détruisant tout leur charme. Sa vision purement technicienne de l’écriture et de la narration le dispense d’écrire ses propres romans, bien qu’il rumine en secret une variation futuriste sur le mythe d’Ulysse. Cette fois-ci, on le charge de reprendre le nouveau film du vieil Arthur Houseman, monument du cinéma américain. Problème : il apparaît dès le premier visionnage que c’est un pur chef-d’oeuvre, auquel il serait criminel de toucher. Mais surtout, en regardant les rushs, Saul tombe sur une jeune actrice en qui il reconnaît Leila, la mère biologique de Billy, qui l’a fait adopter par Saul et sa femme quand elle était adolescente. Elle vit aujourd’hui à Venice, à l’autre bout du continent. Ébranlé, Steve décide d’aller la voir et, croyant bien faire pour la première fois depuis des lustres, il s’intéresse à quelqu’un, il ne se rend pas compte qu’il déclenche une mécanique oedipienne infernale : il tombe amoureux de Leila, il lui présente Billy sans lui dire la vérité, et Billy couche avec sa mère... L’hubris en marche ? Karoo frappe d’abord par son humour sarcastique, d’autant qu’il est essentiellement écrit à la première personne. Les deux cents premières pages, récit de la vie citadine et débauchée de Karoo à New York, sont un monument d’humour noir et de comédie sinistre. Mais, derrière le portrait touchant et ridicule de ce quinquagénaire attachant se profilent d’autres aspects. Une critique de l’industrie du spectacle, bien sûr, avec ses magnats, ses moeurs, son absence de scrupules bénéfices d’abord ; mais aussi, plus largement, une critique de la société américaine, dont le gros Karoo offre un pathétique condensé : obèse, consumériste, égoïste et, au fond, complètement malade. La scène de la visite médicale, en plus d’être comique, est ainsi douloureusement symbolique : Karoo, en quête d’une nouvelle assurance-maladie, se plie à un check-up de santé, mais tout sera faux dans son examen. Le toubib, véreux, signe des certificats de complaisance ; Karoo, menteur, répond à côté à toutes les questions qu’on lui pose ; même, il finit par s’enfuir du cabinet, en présentant sa lâcheté comme un acte de liberté. Forcément, tout finira par lui retomber dessus, et la note sera salée. Karoo se présente en définitive comme une tragédie moderne et parodique, avec les péripéties, l’anagnorèse, la vengeance pour les fautes passées et la catharsis finale, dans un long chapitre halluciné où Karoo se projette en pensée son Odyssée revisitée. «Et il continue de voguer...» Parfois comparé à Herzog Saul Bellow et à La Conjuration des imbéciles J. K. Toole, Karoo est à l’évidence un grand roman américain, virtuose et saisissant, qui n’a pas eu le succès qu’il méritait de l’autre côté de l’Atlantique. Cette superbe traduction permettra de le lui rendre de ce côté-ci. Dans la même rubriqueVous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.Commentaire (1)KAROO Soumis le 16/09/2012 par anne CHARLET | #1 JE TROUVE QUE CE LIVRE EST EXCEPTIONNEL.
Posted on: Thu, 12 Sep 2013 07:15:22 +0000

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