Burkina Faso : Le lynchage populaire a au moins émergé Blaise - TopicsExpress



          

Burkina Faso : Le lynchage populaire a au moins émergé Blaise Compaoré avait promis de faire du Burkina, un pays émergent en 2015. On sait maintenant qu’il n’en sera rien et nous devrons nous estimer heureux si nous ne devenons pas un pays régressant. Mais s’il y a une chose qui a au moins émergé dans le pays, c’est le lynchage populaire. Chaque semaine, la presse nous apprend que des populations ou un groupe d’individus se sont rendus «justice». Même les accidents de la circulation entre automobilistes et autres usagers se terminent parfois par le lynchage de l’automobiliste qu’il ait raison ou pas. D’ailleurs qui se préoccupe de savoir s’il a raison, le simple fait d’être en voiture le rend déjà suspect aux yeux de certains burkinabè. Quant aux voleurs et autres braqueurs présumés, certains pensent que la seule place qui leur convient se trouve au cimetière. Certains en viennent même à réclamer le retour des «escadrons de la mort», auteurs d’au moins 106 exécutions extra-judiciaires fin 2001-début 2002 dénoncées par le Mouvement Burkinabè des Droits de l’Homme et des Peuples (MBDHP). Ceux qui soutiennent cette justice expéditive ne manquent pas d’arguments et on peut en retrouver certains dans la publication du jour du journal «Le Pays» consacré au «MEURTRE SUITE AU VIOL AVORTE A BITTOU » et qui a donné lieu au lynchage de quatre délinquants présumés (voir article en dessous). D’abord le banditisme serait en explosion et les forces de l’ordre et/ou les autorités ne lutteraient pas «sérieusement» contre le phénomène. Il semble que certains voleurs ou bandits bien connus se promènent au vu et au su de tout le monde sans être inquiétés par les forces de police ou de gendarmerie. Alors, dans ce Burkina de vie chère où chaque CFA (même dévalué) et chaque «bien» comptent chez les citoyens du «pays réel», presque tous ceux qui ont déjà été victimes, de près ou de loin, d’un cambriolage ou d’un braquage ont vite fait de rejoindre les partisans de la «justice populaire». Ensuite, la justice serait tellement corrompue qu’aussitôt arrêtés les délinquants paient pour se retrouver dans la rue et venir narguer les populations. Une croyance qui dissuade sans doute certains citoyens de dénoncer les délinquants par peur des représailles. Mais une croyance très répandue qu’exprime parfaitement cet interlocuteur du journal « Le Pays » : «quand des policiers ou des gendarmes de Bittou envoient des délinquants à la prison civile de Tenkodogo, certains bandits les devancent sur la route du retour à Bittou». Il a sans doute ajouté un peu de piment et de sel, bien de chez nous, car à moins que les gendarmes et policiers ne se soient attardés à Tenkodogo pour voir des 1er, 2ème ou 3ème bureaux (et là je cherche des «problèmes»), il est difficilement imaginable que les choses puissent se passer à cette vitesse de train à grande vitesse (TGV) à moins que les forces de l’ordre ne relâchent elles-mêmes les bandits en cours de route. Quoiqu’il en soit, face à cette défaillance avérée ou non mais peut-être exagérée de la justice à juger les délinquants, une bonne partie de la population est devenue partisane de la «solution finale» : un délinquant lynché à mort permet non seulement d’économiser l’argent du contribuable qui devait servir à l’entretenir en prison et à le juger mais en plus on prévient ainsi la récidive. Enfin (et c’est loin d’être le dernier argument), pour certains la justice n’est parfois pas proportionnelle aux crimes des délinquants. Ainsi ils ne comprennent pas que des auteurs de meurtres écopent de simples condamnations à la prison au lieu de la peine capitale. Et même quand des condamnations à mort sont prononcées, elles ne sont pas exécutées surtout que «ces foutus défenseurs des droits de l’homme» et certains «prétendus intellectuels» jouent aux empêcheurs d’exécuter en paix. Toujours est-il que, pour les partisans de «œil pour œil, dent pour dent» et ceux de la «solution finale», ces pratiques auraient aussi l’avantage de dissuader les potentiels délinquants de passer à l’acte. Ces arguments prospèrent dans presque toutes les couches sociales de notre pays. Pourtant il s’agit d’arguments qui occultent les causes réelles du phénomène de banditisme et par conséquent proposent une mauvaise. Ensuite la justice de la rue est une pratique inéquitable qui expose à de nombreuses erreurs et qui menace donc la cohésion sociale. Certes, notre justice est malade et décriée pour son fonctionnement à double vitesse et sa corruption, néanmoins, il existe en son sein des hommes et des femmes honnêtes qui tentent si bien que mal de recoller les morceaux. Il nous semble surtout que l’opinion générale a une mauvaise compréhension du fonctionnement de la justice moderne. Les spécialistes du droit (avocats, magistrats et autres) nous corrigeront au besoin mais de simples soupçons aussi forts soient-ils ne sont pas suffisants pour garder une personne en prison si on n’a pas le moindre début de preuves. On peut donc comprendre que de prétendus délinquants soient relâchés par la justice si après leurs auditions, les magistrats ne trouvent pas de charges suffisantes contre eux et cela peut n’avoir aucun lien avec la corruption. Mais de grâce, ne confondez pas cette argumentation avec le célèbre «dossier suit son cours» de nos autorités qui sert plutôt à enterrer certains dossiers. Ensuite doit-on garder tous les délinquants même «petits» comme les voleurs de chèvres, de moutons ou de poulets ou «mineurs» (en âge) en prison? C’est une question polémique mais qui mérite d’être posée. D’abord, nos prisons deviendraient très vite petites et ensuite on sait qu’en se frottant à plus caïds qu’eux dans les prisons, les «petits» délinquants et les mineurs prennent du galon et deviennent plus dangereux à leurs sorties. On pourrait rétorquer qu’il suffit de construire davantage de prisons et de séparer les différentes catégories de délinquants. Mais pourquoi ne pourrait-on pas utiliser plutôt cet argent pour s’attaquer aux causes réelles de cette délinquance. Il nous semble que ce pourrait être un meilleur investissement. Par ailleurs le lynchage populaire est très inéquitable car seuls les pauvres courent le risque de se faire lyncher et comble de l’ironie par d’autres pauvres. Si vous volez aujourd’hui un poulet, un paquet de biscuit ou une ampoule (un néon) dans une école, vous risquez d’être battus à mort par la population ou les gardiens. Mais si vous partez avec la caisse de l’entreprise, du service ou de l’école, beaucoup vous envieront et vous pourrez même agrandir votre réseau social. Peut-on comparer un délinquant même braqueur avec Guiro Ousmane, l’ex-DG de la douane? Combien de délinquants, des «gourous» comme les Guiro (ministres, ambassadeurs pour ne pas parler de la famille du président) ont créé en détournant l’argent qui aurait permis de construire des écoles, d’embaucher des enseignants ou de créer d’autres emplois pour des jeunes? Combien d’entreprises ont-ils mis à genou par ces pratiques et envoyant ainsi de nombreux travailleurs au chômage et qui deviennent alors incapables d’éduquer leurs enfants ? Bien que Guiro ait été pris les mains dans le sac, cela a-t-il empêché son parti de le nommer candidat et son village de l’élire comme conseiller? Il est certain qu’aucun braqueur ou délinquant ne prendrait le risque de s’exposer à la vindicte populaire, s’il pouvait aussi puiser dans la caisse commune. A défaut d’être défendable, nous serions au moins cohérents et équitables si nous lynchons aussi tous ces gourous voleurs et autres détourneurs de deniers publics. Il y a aussi que ces lynchages populaires peuvent être utilisés par certains pour des règlements de compte personnels. On l’a constaté dans l’affaire de Bittou si on en croit «Le Pays». On aura noté que les gens n’arrivent pas à se mettre d’accord sur qui est ou n’est pas délinquant et on accuse certains d’être protégés parce qu’ils sont de la famille royale. Où est la vérité? La traque d’un délinquant fut-il assassin justifie-t-il de brûler les concessions et les lieux de travail de ses parents? La responsabilité pénale est individuelle si je ne m’abuse, alors en quoi le fait de connaitre un assassin présumé fait-il d’un individu un coupable qui mérite la mort? Or il semble que la population a vite faite d’assimiler les proches fréquentations de l’individu à celui-ci. Que serait-il advenu si le présumé assassin était un «allogène»? Certainement que nous aurions assisté à une petite purge ethnique. Aussi le lynchage populaire d’un délinquant peut empêcher les forces de l’ordre et/ou la justice d’avoir des informations précieuses qui auraient permis de démanteler et confondre le reste de la bande et aussi de retrouver certains biens volés. Enfin et c’est sans doute le plus important, le lynchage populaire ne mettra jamais fin à la délinquance ni ne la réduira si on ne s’attaque pas à ses causes. Au contraire le niveau de violence des délinquants risque d’augmenter proportionnellement à l’adversité qu’ils rencontrent dans la population. On peut en tuer autant qu’on veut et qu’on peut mais tant que la société continuera d’en produire, le phénomène sera là et il risque de s’amplifier dans les années à venir du fait de la misère grandissante et de l’urbanisation anarchique. C’est peut-être le meilleur indicateur de notre progression vers l’émergence. De fait la principale cause de cette délinquance est la pauvreté qui fait que beaucoup de familles ne peuvent pas offrir une éducation satisfaisante à leurs enfants et que beaucoup de jeunes quittent les campagnes pour les villes dans l’espoir de se réaliser. En ville ils viennent grossir cette masse de jeunes diplômés sans emploi et souvent rejetés en périphérie dans les zones non loties où ils survivent tant bien que mal et certains choisissent de se «débrouiller» comme ils peuvent. Alors, entre mourir de faim tout de suite et prendre quelques risques même s’ils peuvent se terminer par un lynchage populaire, qu’auriez-vous choisi? L’instinct de survie commande de tout faire pour survivre et il est facile de comprendre que la probabilité d’un lynchage ne saurait décourager quelqu’un dans cette situation. Nous appliquons donc une mauvaise solution à un problème réel. En plus d’être inefficace, cette solution a de nombreux effets indésirables comme les risques d’erreur et les règlements de compte entre individus ou communautés. Seule la lutte contre la pauvreté permettra de réduire la délinquance et cela passe par une bonne gouvernance politique dans notre pays mais aussi par une redistribution équitable des ressources. Malgré leur place de «première» puissance économique mondiale, les États-Unis ont des taux de délinquance parmi les plus élevés (pour ne pas dire les plus élevés) dans le monde. Même sur le plan de la santé, les indicateurs des USA sont bien en déca de pays comme Cuba, Costa-Rica, Danemark, Pays-Bas, Suède, etc. où la répartition des ressources est beaucoup plus équitable. C’est pourquoi on ne peut pas parler d’alternance dans notre pays sans se préoccuper de son contenu mais ça c’est un autre débat. lepays.bf/?MEURTRE-SUITE-AU-VIOL-AVORTE-A
Posted on: Wed, 30 Oct 2013 21:45:27 +0000

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