CHAPITRE 1- SUITE _____ Colombe reste à l’affût des - TopicsExpress



          

CHAPITRE 1- SUITE _____ Colombe reste à l’affût des réactions de ses filles. Néanmoins, celles-ci semblent relativement bien encaisser le coup. Vrai que c’est souvent par après que les contrecoups se font sentir. La mère se promet bien de rester vigilante à cet égard. Malgré tout, Colombe sera surtout surprise de l’ampleur de la rancœur que ses filles entretiennent à l’endroit de leur père qui n’a jamais su être là pour elle. C’est un peu comme si Bertrand n’avait jamais pris conscience de la présence de ses filles. Leurs rapports n’auront été que plutôt superficiels. Comment vivait-il sa paternité? Difficile à dire; probablement avec la même inconscience qu’il a mené toute son existence. C’est à se demander s’il a déjà voulu délibérément des enfants. L’homme ne parlait pas de ces choses-là; pas même avec sa femme. C’est symptomatique de sa non-implication dans sa vie familiale au quotidien. Les enfants ne sont pas dupes de ces états de fait. Ils le ressentent au plus profond d’eux. Chacun le perçoit différemment, d’une manière bien personnelle à chacun de soi. Ainsi en parlant du décès de son père, Sophie dira carrément à sa mère que c’est aussi bien ainsi. Comme cela, leur père ne risque plus de débarquer dans leur vie et venir tout bousiller. Certes, Colombe est plutôt déconcertée de ce que son aînée lui jette à la figure. Que pouvait-elle répondre à cela? Devant une perspicacité si lucide, Colombe n’a effectivement rien su dire. Elle n’a eu que pour seul réflexe de prendre sa fille dans ses bras et de la serrer contre son cœur. Elle n’en reste pas moins préoccupée. Concernée aussi par l’attitude de Charlotte, sa plus jeune. Celle-ci reste silencieuse. Elle ne parle pas de ce qu’elle ressent. Elle garde tout en dedans. Quand sa mère tente d’aller la chercher en lui posant des questions plus spécifiques, Charlotte se contente de hausser les épaules et affiche un air d’indifférence. Elle affiche l’attitude de celle qui préfère éviter le sujet. Elle semble indiquer qu’elle n’a pas ces préoccupations et qu’il est temps de passer à autre chose. Le temps fera son œuvre et laissera ou non des traces. Mais Colombe sait que ce n’est pas si simple. La mère craint les réactions tardives. Elle semble croire que ce qui couve trop longtemps ne peut que rejaillir plus ardemment. Les émotions doivent être assumées. Il n’est jamais bon de les refouler. C’est vrai, mais ça ne se contrôle pas; chacun sa personnalité et sa manière d’être. Colombe reste anxieuse du choc émotif subi par ses filles. Elle s’en confie à Xavier avec qui elle partage ses appréhensions et ses craintes face aux séquelles d’un tel drame sur leur existence. Par contre, en ce qui la concerne elle, Colombe a aussi le réflexe de se refermer. À l’image de Charlotte, elle ne parle à peu près pas de ses propres sentiments face à tout cela. Pourtant il est évident qu’elle reste profondément troublée par le geste de Bertrand. Xavier en vient à se demander si sa compagne saura passer outre. Il s’en inquiète. Elle ne semble pas réussir à faire son deuil de la mort de Bertrand. Colombe ne décroche pas. Elle reste persécutée par la hantise d’un tel geste. La malice de Bertrand lui aura survécu. Son emprise ne se déracine pas. Elle est pernicieuse et continue d’empoisonner l’existence de son ex. Colombe en vient à développer un lourd sentiment de culpabilité qui la mine. Elle prend tout sur ses épaules. La jeune femme n’arrive plus à lâcher prise. Bertrand a peut-être posé son geste pour fuir. L’acte a peut-être été libérateur pour lui. Cependant, par le fait même, il a aussi empoisonné l’existence de Colombe. Était-ce son but? A-t-il agi par courage ou lâcheté? S’il avait des réponses, Bertrand les a emportées avec lui et Colombe ne s’en remet pas. Elle en vient difficile à vivre. Cet épisode est difficile, voire infernal à vivre pour Xavier. Il a beau s’efforcer à être compréhensif, Colombe lui mène la vie dure. Elle n’est pas du monde. Colombe ressent un profond malaise et en afflige tout son entourage. Même ses filles ne la trouvent plus drôle. Leur mère en est pénible. Les deux filles ont beau comprendre la gravité du drame qui s’est joué, elles n’arrivent pas à saisir l’ampleur du désarroi de leur mère qui est devenue impatiente et irritable. Xavier tente bien de tempérer les choses, mais il avale la tasse. C’est lui qui écope. Dans son malaise, Colombe se sent illégitime de poursuivre son quotidien. Elle ne se donne plus le droit de vivre pleinement sa vie. Elle a l’impression d’être une usurpatrice. Difficile de décrire ce qu’elle ressent. C’est un peu comme si soudainement Colombe considérait sa relation avec son nouveau compagnon comme étant indécente. La jeune femme devient obsédée à l’idée que tout le monde la juge. Elle qui de toute sa vie a su « dealer » avec le jugement des autres, écrase maintenant sous le poids du sien. Auparavant, elle avait toujours su ne pas trop se laisser atteindre. Elle en souffrait, mais réussissait à se rebiffer et se forger une carapace. Mais là, Xavier voit sa compagne totalement décontenancée. Telle une éponge, Colombe semble si perméable à la moindre critique. Non, ce ne sont même pas des critiques; que des coups d’œil furtifs qu’elle interprète ainsi. Elle prend sur elle la responsabilité de la mort de Bertrand. Elle a peut-être le sentiment qu’elle aurait dû ou pu l’extirper de son marasme. Une bonne épouse aurait dû savoir percevoir son profond malaise. Le trouble de Colombe se situe peut-être à un autre niveau. La jeune femme se sent mal aussi parce qu’au fond d’elle, elle a pris conscience qu’elle n’a pas marié Bertrand pour les bonnes raisons. Elle est sévère envers elle-même. Avec du recul, Colombe se dit qu’elle s’est fait aimer de Bertrand pour qu’il la sorte de son milieu familial. Elle en est rendue à se donner le mauvais rôle. La jeune femme réalise que leur relation aura été plutôt tordue. Bertrand aura été violent jusqu’au bout, même dans son dernier geste. Elle aura été manipulatrice. Vraiment? C’est du moins l’image qu’elle se fait d’elle actuellement. La violence de Bertrand était flagrante, la sienne est peut-être moins évidente. Est-ce moins âpre et moins brutal d’usurper toute une vie? Colombe a l’impression que c’est ce qu’elle a fait. Cela va de mal en pis pour elle. La jeune femme se referme sur elle-même. Elle s’isole des siens. Elle ne sait plus être la mère ou la compagne qu’elle devrait être. Pas qu’elle néglige ses filles en ce qui a trait à leurs besoins vitaux. Justement, elle n’est plus là que pour le strict nécessaire, sans plus. C’est toujours le petit plus qui fait la différence dans toute relation humaine. Xavier tente bien de la sortir de sa torpeur. Il veut lui faire entendre raison. On a déjà dit que Colombe a du Rose-Aimée dans le nez. À tout le moins, on peut dire qu’elle sait être aussi butée que sa têtue de mère. Difficile, à ce stade-ci, d’interagir pour Xavier. Se sentant mal dans sa relation actuelle qu’elle juge quasi illégitime, Colombe se coupe de son compagnon. En fait, elle se prive avant tout de son meilleur ami. C’est pourtant dans de tels moments que Xavier a toujours su être là pour elle.
Posted on: Wed, 31 Jul 2013 22:37:24 +0000

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