CHARTE D’ORIENTATION D’UN CENTRE HISTORIQUE D’ETUDES SOCIALES ET POLITIQUES CONTEMPORAINES « Faire exister la Guadeloupe ! Faire exister la Guadeloupe dans la tête des Guadeloupéens … Forcer la Guadeloupe à penser par elle-même qu’elle existe … » (Rosan GIRARD) I - Exposé des motifs « Une communauté d’individus qui ne se pense pas n’est pas une société. Une société qui ne peut produire sur elle-même d’analyses objectivantes du réel, de discours intelligible et cohérent, qui ne sait pas appréhender son expérience collective, en partager la discussion et en débattre contradictoirement dans la recherche d’un devenir collectif n’est pas une société politique. Elle se condamnerait elle-même à n’être définitivement qu’une « population », allant au rythme et caprices des intérêts privés, ou pensés immédiatement, des uns et des autres. Destinée alors à être continuellement réifiée et manipulée par la puissance tutélaire, prisonnière de ses préjugés, de ses craintes successives et subjectivités multiples, elle se forgerait le destin singulier d’entre les communautés, de ne jamais vouloir se saisir pour se résigner à n’être dans le cours du temps qu’un simple objet. C’est, convenons-en, une alternative possible. » Ce sont les termes par lesquels nous annoncions en novembre 2008 le projet d’intention du CHESP. Deux mois plus tard, un mouvement social inédit ébranlait profondément la Guadeloupe, inaugurant sans doute une nouvelle période de notre histoire contemporaine et écartant peut-etre l’option mortifère ou nous paraissions nous enfoncer. Quelle que soit le positionnement que l’on puisse avoir vis-à-vis de ce mouvement, on ne peut nier son importance et le renouvellement qu’il provoque dans la mise en perspective de notre construction sociale. Mais aucun mouvement de masse aussi puissant, aussi légitime soit-il ne nous dispense pas par son simple fait d’exister de la réflexion intellectuelle et ne peut remplacer la pensée nécessaire et élaborée du Nous. Les Guadeloupéens se heurtent précisément à la méconnaissance de la construction historique de leur société. Mais il est un fait, en soi encourageant, c’est qu’il émane de la Guadeloupe d’aujourd’hui le besoin et la demande de mieux se connaître et se saisir. Les institutions territoriales ou dépendantes de l’Etat, l’Université, le monde associatif, chacun dans son registre et pour la part le concernant contribue à la réponse. Nous manquons cependant encore de lisibilité et d’appréhension sur les tissages sociaux, culturels et politiques dont résulte notre société contemporaine. Il suffit de constater la multiplicité des demandes, au premier rang desquels, s’inscrit la jeunesse qui a soif d’une volonté de comprendre le présent et le passé immédiat ; laquelle demande n’exprime quant au fond qu’une quête pour se situer elle-même dans le cours du temps guadeloupéen par rapport aux générations précédentes et de saisir son rôle, son orientation, afin de savoir comment elle contribuerait pour sa part à dessiner le visage de l’avenir. Cette demande de connaissance des faits sociaux et culturels n’est au fond qu’une des formes par laquelle s’exprime l’impérieux besoin civique. Au moment où nous sommes parvenus de notre construction sociale et politique, il est clair qu’une initiative univoque ne saurait y satisfaire. Cependant, agir dans le sens de la capitalisation de la connaissance sociale, de sa diffusion, de son partage peut y contribuer utilement. Tout nous importe. L’on ne saurait exclure ni décourager aucune direction de recherche aucune thématique, aucune période de construction. Toutefois, il faut bien constater que dans l’effort de remontée historique entrepris depuis quelques temps aux sources de notre communauté d’êtres, nous excluons bien souvent les temps immédiats ou contigüs sur lesquels nous ne disposons pas pourtant d’une lisibilité plus grande que le passé plus lointain. Or, si la période esclavagiste a produit, du XVIIe au XIXe siècles, les matrices de notre formation sociale, l’architecture et le tissage du temps présent se sont largement opérés durant la période post-esclavagiste (c’est-à-dire de la seconde moitié du XIXe au XXe siècle). C’est donc à la meilleure connaissance de la période contemporaine que le présent projet d’intention souhaite contribuer. II- Le Projet : Un projet de création d’un Centre Historique d’Etudes Sociales et Politiques Contemporaines est en train d’être élaboré qui pourrait porter le nom d’un grand homme du passé politique guadeloupéen en qui tous ou presque pourraient se retrouver. Il s’agirait de monter en Guadeloupe un Centre qui s’assignera un triple objectif : 1°) Un Centre de Ressources documentaires : Il est aujourd’hui nécessaire d’identifier, de localiser, recueillir et rassembler dans une base de données unique située en Guadeloupe toute la documentation publique (ouvrages publiés, tracts, journaux, revues, brochures, etc.) et privée (courrier, dossiers, rapports, notes, etc.) écrite, orale et audio-visuelle, susceptible d’éclairer la construction de la Guadeloupe contemporaine au plan social, politique et culturel, tant du point de vue factuel que phénoménal. En effet, la prise en charge des défis sociétaux du temps présent suppose une connaissance des données factuelles comme une capacité d’analyse des phénomènes contemporains dont notre présent est la résultante. Or, s’il est dans les missions des centres d’archives de recueillir la mémoire publique, il existe un large pan de l’action sociale et politique, qui par nature échappe à la conservation et à la transmission publique, et donc à la connaissance des générations montantes. Aussi, l’une des toutes premières taches de ce centre sera de lancer un appel aux acteurs de cette construction : les Guadeloupéens de toute obédience, personnes privées, entreprises, associations, syndicats, partis politiques, élus et hommes politiques seraient invités à remettre leurs archives, papiers et documentation pour constituer ce fonds spécifique d’archives et de documentation sociale et politique. L’idée directrice n’est pas de constituer de nouvelles archives mais bien d’élaborer une vaste base de données. 2°) Un lieu d’études et de travail sur l’histoire sociale et politique contemporaine de la Guadeloupe. La demande en travaux divers et précis sur l’histoire sociale et politique est réelle et impérieuse : institutions et collectivités, organismes privés, acteurs sociaux se rejoignent et convergent vers un intérêt général de plus en plus fortement exprimé. Le Centre ainsi créé pourra également fonctionner comme une interface nécessaire de liaison et de confrontations entre chercheurs universitaires et chercheurs indépendants, locaux et extérieurs, jeunes, professionnels de la recherche et amateurs, acteurs du monde social et politique, société civile et société politique etc. Sans se substituer à aucune institution existante, mais en s’y articulant, le Centre peut contribuer aux avancées de la connaissance en mettant en relation les chercheurs entre eux, en organisant des rencontres thématiques (séminaires, congrès et autres) en mettant sur pied des programmes d’études, en alimentant l’analyse et la réflexion, en faisant jouer la capacité d’expertise, etc. 3°) Un acteur de la connaissance et un animateur du débat public sur la chose politique. Partant du principe que la connaissance est et demeurera inefficiente tant qu’elle n’aura pas pénétré la société et ne se fixerait pas comme but l’amélioration et le progrès, dans notre singularité d’être social : la connaissance du soi par la conscience d’être et l’intéressement civique, la restitution des données et des analyses est primordiale. Nourrir le débat public par l’organisation de conférences publiques, de débats ouverts, de publication de productions diverses sera donc l’une des axes d’activité continue de ce Centre. En résumé, le projet proposé est un projet civique en ce sens qu’il veut aider à constituer des archives sociales ; il est un projet citoyen car il entre dans le grand mouvement de constitution d’une citoyenneté politique guadeloupéenne.
Posted on: Thu, 19 Sep 2013 01:08:40 +0000
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