Chapitre 7 : La mission - Comment peux-tu nous dire ça ? Gam - TopicsExpress



          

Chapitre 7 : La mission - Comment peux-tu nous dire ça ? Gam avait interrompu Thyr violemment. Elle avait bondi du banc sur lequel elle était assise et s’était plantée au milieu de la pièce, les mains sur les hanches. Elle avait le visage rouge, et la rage la faisait bégayer. Un instant, Hélios fut frappé par sa ressemblance avec Kaly. Mais les paroles qu’elle prononça lui firent oublier ces considérations : - Co…comment pe…peux-tu nous parler des betchs comme de gens pacifiques, a…alors qu’ils ont fait disparaître tant des nôtres, et… et qu’ils ont tué nos parents ! Elle s’arrêta brusquement le souffle court, mais ses yeux continuaient à lancer des éclairs. A l’évocation de la mort de ses parents, Hélios sentit son cœur se serrer. Devant la douleur si visible de Gam, alors même qu’elle essayait de maîtriser son émotion, il ressentit brutalement une immense perte. Tout à l’heure, il avait accueilli les paroles de Dana comme la confirmation de sa conviction profonde : « Si mes parents biologiques ne sont jamais revenus me chercher c’est qu’ils n’ont pas pu le faire et s’ils ne l’ont pas pu, c’est qu’ils sont morts ! ». Et il avait été plutôt soulagé d’avoir la certitude qu’il n’avait pas été volontairement abandonné. Mais maintenant les mots prononcés par Gam éveillaient en lui un sentiment de tristesse en même temps qu’un ressentiment contre les meurtriers. C’est d’une voix un peu étranglée qu’il s’adressa à Thyr : - Est-ce que c’est vrai que les betchs ont tué nos parents ? - Oui, répondit celui-ci manifestement contrarié de le voir faire front commun avec sa sœur. Nous le soupçonnions depuis longtemps, mais nous venons simplement d’en avoir l’avis officiel et… - Et n’oublie pas de lui confirmer aussi que les betchs ont désintégré quelques dizaines de gens depuis leur arrivée sur Hath, le coupa violemment Gam qui avait repris son souffle, y compris Ly, la petite cousine de mes amis, une enfant qui n’avait que cinq ans ! - Je m’étonne d’entendre une fille intelligente répéter des sottises pareilles, répondit Thyr d’un ton ferme. Tu sais bien que ces désintégrateurs ne sont qu’une légende. D’ailleurs personne n’en a jamais vu. - Ah, oui, une légende, rétorqua Gam rouge comme une pivoine, et alors tous ces gens qui ont disparu, que sont-ils devenus ? - Ça c’est une vraie question, murmura Thyr. Hélios eut alors le sentiment qu’il se parlait plus à lui-même qu’il ne s’adressait à Gam ou à lui. La jeune fille en profita pour pousser son avantage : - Si personne n’a jamais vu de désintégrateurs, c’est peut-être que ceux qui en ont vu n’ont pas pu revenir pour en parler. Thyr parut ne pas avoir entendu la remarque acerbe de Gam. Semblant faire un effort pour échapper à ses pensées, il tenta de reprendre le fil de son récit. - Je reviendrai tout à l’heure sur la disparition de vos parents, dit-il à Hélios d’un ton apaisant, mais d’abord je veux finir de t’expliquer en quelques mots ce qui se passe actuellement sur Hath. Le garçon acquiesça ; soulagé, le vieil homme poursuivit : - Après l’envahissement de Hath 3, nous avons presque perdu tout contact avec cette planète et ses habitants. Les autorités de Hath ont alors accéléré leurs préparatifs pour faire face à l’attaque inévitable et imminente des betchs. Enfin, je ne suis pas sûr que le terme « imminent » soit très bien choisi, car notre répit a encore duré cents ans. Il n’y a en effet que quelques mois que les betchs ont finalement tenté de nous envahir. A cette occasion, les betchs nous ont surpris, car ils n’ont pas procédé comme ils l’avaient fait ailleurs. Il faut dire que la géographie de Hath est unique parmi les mondes habités. Sur les autres planètes, comme sur la Terre, les terres émergées forment des continents, séparés par de vastes océans. Hath est fort différente. Mais, laisse-moi te montrer une carte, car tu n’as pas dû voir grand chose à cause de la brume et du trafic quand tu étais dans le module avec Gam. Sur le mur, à la place de la fausse fenêtre qui montrait toujours la plage de sable blanc baignée par une mer émeraude, apparut instantanément un planisphère de Hath. Si les autres planètes habitées ressemblaient effectivement à la Terre, ce monde là ne ressemblait à nul autre avec ses milliers d’îles plus ou moins étendues qui ceinturaient la planète au niveau de l’équateur. « Voilà donc l’île ou plutôt les îles perdues de l’Atlantide, je comprends bien pourquoi c’est sous la forme de cette légende que le souvenir de leur monde d’origine s’est transmis de génération en génération chez les haths de la Terre », songea Hélios. Aux pôles nord et sud de la planète s’étendaient deux vastes océans sans calotte glaciaire étant donné le climat. Thyr entreprit de commenter sa carte : - Comme tu le vois, il n’y a pas vraiment de continent sur Hath, et donc rien qui permette aux betchs de s’implanter ici comme ils l’ont fait sur les autres planètes. Malgré cette géographie peu adéquate à leur installation, les betchs ont débarqué sur Hath il y a deux cents jours. Cela s’est fait sans heurt, car ils sont arrivés de nuit sur une île agricole, vide de toute présence humaine à cette heure là. C’est l’île la plus septentrionale de la Hath. Dans le même temps, Thyr désignait du doigt une terre en forme de croissant située légèrement au nord de la ceinture d’îles. Thyr poursuivit : - Les betchs ont sans doute opté pour cet endroit à cause de son isolement relatif, mais aussi parce qu’il y fait un peu moins chaud que sur le reste de notre planète étant donnée sa latitude. Il faut te dire que les betchs sont particulièrement gênés par la chaleur de Hath, car leurs mondes d’origine sont les plus froids des mondes habités. Mais, tous les étrangers en souffrent quand ils viennent ici, même les habitants de Hath 2 et de Hath 3. Il s’interrompit un instant pour considérer Hélios avant de remarquer : - Ça n’a pas l’air de te poser de problème à toi. - Non, pas du tout, assura Hélios avec un accent de sincérité qui fit sourire Thyr. Le vieil homme reprit son histoire : - Il y a presque la moitié d’une de nos années, les betchs ont donc envahi l’île Nerbi avec la volonté affichée d’étendre peu à peu leur occupation aux secteurs voisins. Il était impossible de les chasser par la force. Les Dix étaient alors la seule carte que les autorités de Hath pouvaient jouer. C’est à ce moment là seulement que le « plan Dix » nous a été révélé, à nous qui en étions les principaux acteurs. Nous avons donc appris ce qui nous caractérisait et quelle arme secrète nous représentions pour Hath. Cette révélation n’a pas toujours été bien accueillie par la population Dix qui a eu l’impression d’avoir été manipulée depuis des générations, ce qui n’est d’ailleurs pas totalement faux. Enfin, les Dix sont des militaires, et comme tels habitués à obéir quels que soient leurs sentiments. C’est ce qu’ils ont fait encore une fois. En quelques jours seulement, les Dix en service actif ont dû apprendre à se servir de leurs pouvoirs mentaux, des pouvoirs dont ils ne soupçonnaient même pas l’existence jusqu’alors. Ils ont ensuite été répartis sur les trois îles les plus proches de Nerbi afin qu’ils exercent leurs pouvoirs mentaux pour créer un malaise chez les betchs espérant amener ces derniers à abandonner Hath ou, du moins, à ne pas y étendre leur présence. Le plan a assez bien fonctionné. Car dans les semaines qui suivirent, les betchs ont tentés par deux fois des incursions dans des îles voisines, et donc dans des îles où des Dix étaient cantonnés, et par deux fois, ils ont été obligés de faire demi-tour, pris de malaise. En revanche, le pouvoir des Dix qui s’atténue très vite avec la distance, n’a pas été suffisant pour les amener à quitter Nerbi, même si les betchs présents ne s’y sentent pas très bien. Depuis lors, la situation s’est figée. A ceci près que les betchs auraient fait de nombreuses incursions très ponctuelles dans différents secteurs de Hath à partir de leurs vaisseaux placés en orbite autour de Hath et seraient à l’origine, bien qu’ils le nient, des multiples disparitions qui ont eu lieu sur Hath au cours des derniers mois. Même si les haths ne peuvent rien contre leurs vaisseaux spatiaux, notre gouvernement veut essayer de mettre un terme à l’occupation territoriale des betchs. L’armée a donc décidé de tenter une offensive en mobilisant en plus des militaires tous les Dix disposants des pouvoirs mentaux suffisants. Ne sont donc exclues de l’opération que les personnes les plus fragiles, les jeunes enfants, les personnes trop âgées, les femmes enceintes et les malades. Cette offensive top-secret devrait avoir lieu dans huit jours environ. Malheureusement, rares sont en réalité les Dix qui disposent de pouvoirs mentaux et donc de pouvoirs de nuisance vraiment efficaces. La réussite ou l’échec de ce « combat » risque de se jouer à peu de chose. Il s’arrêta de parler, scrutant intensément le visage d’Hélios, comme s’il cherchait à pénétrer les pensées qui agitaient le jeune garçon. Car le déclic venait bien de se faire dans la tête d’Hélios. Voilà donc la raison pour laquelle Kaly si soucieuse de la défense de Hath avait décidé de venir le chercher sur Terre et de le substituer à Ourk. Le garçon se souvenait à présent des paroles de sa grand-mère au cours de sa discussion avec ses deux visiteurs : « A cause des résultats du Détecteur, évidemment ! Ses pouvoirs mentaux semblent considérables. Quelle autre raison aurais-je pu avoir de faire un tel échange ?». - Les pouvoirs d’Ourk ne sont pas très importants, n’est-ce pas ? Articula-t-il lentement en prenant soin de ne regarder ni Gam, ni Thyr. - Beaucoup plus faibles que les tiens, reconnut le vieux médecin dans un soupir. Et comme « le combat risque de se jouer à peu de choses », Kaly s’était sentie le droit de bouleverser sa vie et celle d’Ourk pour accroître le potentiel de Mentalix de sa famille. Inutile d’épiloguer, les habitants de Hath luttaient pour leur indépendance, et Hélios avait assez étudié l’histoire de la Terre pour savoir quels sacrifices les humains étaient prêts à consentir pour sauvegarder leur liberté. Il préféra revenir à une autre question. - Comment nos parents sont-ils donc morts ? Demanda-t-il abruptement. Thyr ne répondit pas tout de suite, il semblait regretter d’entendre Hélios changer de sujet sans avoir rien dit de ses sentiments alors qu’il venait de comprendre la raison de son enlèvement. L’attitude de Gam montrait qu’elle aussi aurait préféré qu’il s’exprimât. Mais Hélios affichait un visage impénétrable et Thyr soupira derechef. Il était manifeste qu’il prenait l’attitude d’Hélios pour de la défiance à leur égard. Le vieil homme ne pouvait pas mesurer à quel point le garçon qui dissimulait depuis toujours à ses proches sa capacité à influencer leurs sentiments, était peu habitué à livrer ses pensées intimes. Voyant qu’il était inutile d’attendre une réaction d’Hélios, Thyr entreprit de répondre à la question posée : - Environ six semaines avant la date de ta naissance, tes parents nous annoncèrent qu’ils avaient décidé d’aller quelques jours de vacances sur une lune de loisir de la 32ème zone. Nous étions tous aussi surpris qu’inquiets. Ton grand-père venait de mourir brusquement d’une attaque, ce qui avait plongé tout le monde dans l’affliction et la grossesse avancée de Lath rendait les circonstances peu propices pour un voyage spatial. Aucun des arguments, pourtant raisonnables, avancés par Kaly et le reste de la famille n’a pu les convaincre de renoncer à ce projet. Et une semaine plus tard, ils s’embarquaient dans un vaisseau individuel que Shor utilisait dans le cadre de son travail dans l’armée, mais aussi pour ses besoins personnels, afin de se rendre dans la lune de loisir, en laissant tes sœurs à la garde de leur grand-mère. Après plus de trois semaines sans nouvelles, nous avons appris par les autorités militaires de Hath que le vaisseau de tes parents avait été « accidentellement » détruit et qu’ils avaient péri dans l’accident. Et c’est tout ! Pendant dix années de Hath, ce qui correspond à plus de treize années terrestres, l’armée de Hath a opposé la chape de plomb du « secret-défense » à toutes les demandes d’information de ta grand-mère. Malgré le rôle éminent qu’avaient joué son père et son mari au sein de cette armée, elle n’a pu en obtenir la levée. Mais les bruits qui circulaient parmi les militaires, incriminaient clairement les betchs dans la disparition de Lath et de Shor. Cependant, les autorités militaires ne peuvent pas aux termes de nos lois retenir des informations pendant plus de dix années hathiennes ; récemment, ils ont donc dû nous révéler ce qu’ils savaient sur les circonstances de l’accident. Le rapport officiel qui a été remis à Kaly, était très court, mais il contenait des éléments intéressants. Sur le point d’être intercepté par une patrouille betch constituée de trois vaisseaux qui voulaient simplement les contrôler, ton père aurait délibérément ouvert le feu. Les betchs ont alors répliqué pulvérisant la navette et ses occupants. A ce moment là, Lath et Shor étaient extrêmement loin de la route de retour qu’ils auraient dû suivre, puisqu’ils étaient à la périphérie des zones 32 et 33. La dernière et la plus importante des informations étaient que juste avant de tirer sur les betchs, ton père avait envoyé le message suivant par la communication hyper-spatiale : « Il est temps de vous dire adieu, car ils nous auront bientôt rattrapés, mais vous devez garder courage, car l’espoir vit toujours dans le berceau de la conquête. » Ces quelques mots, a priori peu explicites, nous ont pourtant révélé des informations majeures qui avaient manifestement échappé aux militaires. Tout d’abord, Kaly a compris que, contrairement à tout ce que nous avions toujours cru, tu étais né et que Lath et Shor avaient réussi à te cacher quelque part et… - Qu’est-ce qui lui a permis de croire cela ? l’interrompit Hélios. - « L’espoir », répondit Thyr avec un brin de solennité. Oui, l’espoir qui vivait toujours, elle était convaincu qu’il ne pouvait s’agir que de toi. Il restait alors à comprendre où ils avaient pu prendre le risque de déposer leur nouveau-né. C’est moi qui aie eu l’idée de la Terre. D’abord, à cause d’une vieille réminiscence des cours d’histoire que je suivais quand j’avais votre âge et où l’on parlait toujours de la « conquête involontaire » quand il s’agissait de la Terre. Ensuite, pour des raisons logiques, car où mieux cacher un bébé hath qu’au milieu d’autres haths. Finalement, la planète Terre se trouve dans la 33ème zone. Tous les éléments concordaient donc parfaitement. Le plus incompréhensible, c’est que les collègues de votre père qui ont reçu le message n’aient pas saisi sa véritable signification. Je sais bien que Kaly les accuse d’incapacité ou de mauvaise volonté selon les jours. Mais, pour ma part, je crois surtout qu’ils ont été pétrifiés par la terrible responsabilité qu’ils avaient prise. En effet, je suis persuadé que les vacances de tes parents n’étaient qu’un prétexte pour couvrir une mission secrète de votre père. Hélios retenait son souffle. La tension de Gam était palpable. Leurs yeux à tous les deux étaient accrochés au visage de Thyr. Celui-ci, perdu dans ses pensées, les yeux tournés vers le sol dans lequel il semblait regarder une scène invisible, était inconscient de l’impatience des deux adolescents. - Oui, articula-t-il lentement comme s’il se parlait à lui même, c’est sans doute la raison pour laquelle rien n’a pu les détourner de ce projet de voyage, même à un moment si inopportun. Les dénégations des services secrets ne changent rien à ma conviction sur cette question. De toute façon, ceux qui étaient simplement au courant de cette mission, devaient être extrêmement rares. Cela peut vous paraître surprenant, mais, même à l’intérieur des services secrets, les haths ont pris l’habitude de cloisonner très fortement l’information afin de préserver leurs secrets sur le long terme. Et puis, il est clair que ceux qui étaient à l’origine de cette mission ont dû avoir le sentiment d’avoir commis un véritable crime en exposant ainsi une femme et un enfant à naître. Il faut te dire Hélios que, comme le reste de l’armée, les services secrets sont entièrement composés de Dix, et donc, comme tous les Dix, ils ont été élevés dans une véritable révérence de la maternité. Cela, voyez-vous, est très spécifique à notre communauté. C’est ce que j’ai découvert dans ma jeunesse envoyageant sur Hath et sur Hath 2. Dans les autres secteurs de Hath, les naissances sont fortement encadrées, car notre planète est à la limite de la surpopulation. Sa densité ne peut plus continuer à croître, si l’on veut pouvoir offrir à tous un accès suffisant à l’eau et à la nourriture. Au contraire, chez les Dix, comme chez les Ux, et pour des raisons aujourd’hui évidentes, il n’y a aucun contrôle de la natalité. Jeune, je croyais que c’était là un privilège exorbitant obtenu par les militaires que d’avoir autant d’enfants qu’ils le souhaitaient, et je trouvais cela terriblement injuste. C’est même une des raisons pour lesquelles je ne me suis jamais marié et je n’ai pas eu d’enfants. Ainsi, les femmes Dix sont placées sur un véritable piédestal et surtont quand elles deviennent mères. Mais avec le recul je me suis aussi aperçu qu’elles sont largement prisonnières de ce statut. Il est clair que les femmes Dix peuvent exercer un certain nombre de fonctions dans l’armée, mais elles n’y sont pas vraiment incitées. On leur donne une place juste suffisante pour que celles qui veulent vraiment travailler ne soient pas obligées de chercher un emploi ailleurs. En revanche, la véritable carrière militaire ne leur est pas ouverte, au grand dam de certaines, et il est exclu de les mettre jamais dans une position risquée pour leur vie. Encore une fois, c’est très spécifique aux secteurs Dix, car dans le reste de la société hathienne, les hommes et les femmes sont dans une situation nettement plus égalitaire. Bref, tout cela pour vous dire, qu’avec cette vision sacrée de la maternité dans laquelle nous, les Dix, sommes élevés depuis des siècles, ceux qui ont pris la responsabilité de se servir de la présence de Lath, dans son état, comme couverture pour une opération des services secrets ne pouvaient après sa mort ni le révéler, ni sans doute l’assumer personnellement. - Mais, enfin qu’est-ce qui te permet d’affirmer que ces vacances de nos parents cachaient en réalité une mission de notre père, l’interrompit Gam d’une voix tendue. Thyr la considéra un moment avant de répondre, puis il parla lentement, semblant peser ses mots : - Ce qui me fait penser cela, c’est le fait que Shor ait ouvert délibérément le feu sur la patrouille betch qui les avait interceptés. Il ne pouvait cependant pas espérer détruire un seul de ces vaisseaux dix fois plus gros que le sien et a fortiori avoir raison des trois. En revanche, il savait que son tir entraînerait une réplique immédiate de la part des betchs et donc les conduirait à une mort certaine. - Tu veux dire que c’est mon père, et non les betchs, qui est le responsable de leur mort, s’écria Gam d’un ton franchement hargneux en se levant à moitié. - Arrête, Gam ! Ne déforme pas mes propos, répliqua Thyr d’une voix affectueuse mais ferme. Ce que je veux dire c’est que si votre père qui n’était ni un fou, ni un excité, mais, bien au contraire, l’homme le plus calme et le plus pondéré du monde, a agi ainsi c’est que ce qu’il avait à cacher valait bien le sacrifice de leur vie. - Je ne comprends toujours pas ce que tu veux dire, lança Gam d’un ton buté. - En provoquant les betchs et en les amenant à détruire sa navette, Shor pouvait dissimuler ce que celle-ci contenait ou au contraire ne contenait plus, prononça Thyr sur un ton patient. Donc, soit vos parents transportaient avec eux un objet que les betchs ne devaient absolument pas trouver, soit ils voulaient absolument cacher le fait qu’ils s’étaient posés quelque part pour dissimuler cet objet. Dans ce cas, il ne fallait absolument pas que les betchs puissent constater l’absence du bébé qui aurait été la preuve de leur atterrissage. - Donc, vous croyez que lorsqu’ils sont repartis de la Terre, Lath et Shor savaient qu’ils allaient mourir, demanda Hélios d’une voix un peu étranglée. - A mon sens, ils savaient au moins qu’ils couraient un très gros risque, répondit Thyr. - Mais alors, pourquoi mon père n’a-t-il pas déposé ma mère avec moi sur la Terre, s’il savait que c’était risqué, insista Hélios. - Les betchs devaient les traquer depuis un bon moment, répliqua le vieil homme. Ils savaient donc qu’ils étaient deux, il fallait donc qu’ils soient deux au moment de l’arraisonnement. J’imagine que Shor qui était un remarquable pilote a réussi à semer les betchs quelques heures, le temps pour ta mère d’accoucher sur Terre. Mais, ensuite, ils étaient obligés de repartir tous les deux pour que les betchs ne soupçonnent rien de la manœuvre et arrêtent leurs recherches après la destruction de la navette. Car si le système de contrôle à distance est assez puissant pour savoir combien de personnes se trouvent dans un vaisseau spatial, il n’est pas assez précis pour déterminer si une femme enceinte a accouché ou non. Hélios essaya un instant d’imaginer l’angoisse de ses parents, et surtout de sa mère, contraints d’abandonner sur une planète inconnue leur fils nouveau-né pour repartir vers une mort probable, mais il repoussa rapidement ces pensées et les sentiments trop violents qu’elles déclenchaient chez lui. - Mais quand vous dites que mon père était en mission, repartit-il, à quoi pensez-vous ? - J’ignore totalement de quoi il peut s’agir, répondit Thyr en secouant la tête. Et je ne chercherai pas à le savoir. Car, comme je te l’ai déjà dit, seule notre capacité à préserver nos secrets peut nous permettre de préserver notre liberté face à la supériorité technique des betchs. Si Hélios se sentit frustré par l’absence de volonté d’investigation de Thyr, il n’en laissa rien paraître, préférant poser une question sur un tout autre sujet. - Qui est ce Kern, que je dois aller voir demain matin ? Et pourquoi veut-il me voir ? Demanda-t-il. - Le colonel Kern des services secrets était un proche collègue et un très grand ami de ton père, répondit Thyr. Il veut sans doute te voir pour évaluer tes capacités à envoyer des pensées négatives et décider pour toi d’un programme d’entraînement adapté, comme chacun de nous en suit un actuellement. A ces mots, Thyr se leva en s’étirant : - Il faut d’ailleurs que je vous quitte, si je ne veux pas être en retard pour ma séance d’aujourd’hui, conclut-il. Passez une bonne journée, mais restez prudents. Je ne crois pas qu’il soit indispensable que trop de gens soient au courant pour le moment de la présence d’Hel ici. A ces mots, il sortit d’un pas mesuré. Gam resta immobile et muette jusqu’à entendre la porte d’entrée se refermer. Alors, elle sauta sur ses pieds pour se précipiter vers le montant gauche de la porte de la cuisine. S’arrêtant à quelques centimètres du mur, elle prononça un seul mot : « Bor ».
Posted on: Mon, 08 Jul 2013 20:13:28 +0000

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