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Conversation démarrée aujourd’hui 22:09 Less Brobros La situation politique du Québec au lendemain du référendum du 30 octobre 1995 Ce bref survol jeté sur la réforme constitutionnelle au Canada nous permet d’en mieux saisir l’enjeu et les raisons du mécontentement que suscite le fédéralisme canadien au Québec. La demande la plus fondamentale du Québec a été son désir de vivre dans un régime politique où le langage et la structure des institutions représentatives sont en accord avec sa volonté de se constituer en communauté politique. D’où l’importance qu’a revêtue la question de la reconnaissance du statut du Québec, comme communauté politique autonome, comme « société distincte par la langue, la culture et les institutions », « qui possède tous les attributs d’une communauté nationale distincte ».58 Depuis 1867, la fédération canadienne s’est certes modernisée. Le système politique qui en a émergé ne ressemble guère au gouvernement quasi unitaire imaginé par ses constituants. Le partage des pouvoirs s’est redéployé et assoupli; les gouvernements ont mis au point des mécanismes de consultation et de délégation, leur permettant de réaménager le partage de certaines de leurs responsabilités et de coordonner leurs activités. Toutefois, malgré cette indéniable évolution, le Canada est demeuré dans son langage officiel et dans son architecture constitutionnelle une fédération unitaire, faisant du gouvernement central l’autorité première et la plus représentative. La réforme de 1982 a accentué la vocation unitaire de cette fédération. Elle a consacré une conception uniforme de la citoyenneté, définie par l’adhésion à une charte des droits nationale, dont la Cour suprême du Canada, puissante et législatrice, est la gardienne attitrée59. Si ce fédéralisme reconnaît la dualité linguistique dans les institutions fédérales et garantit certains droits aux minorités linguistiques, il insère cette dualité dans un cosmopolitisme unificateur — le multiculturalisme —, politique controversée dont on a souligné qu’elle encourageait en fait la fragmentation du lien civique60. Cette fédération, malgré la volonté souvent affichée de ses dirigeants de la transformer, dans ses rouages comme dans ses symboles, a montré une grande difficulté et une certaine réticence à reconnaître au Québec plus qu’une collectivité territoriale administrée par un gouvernement local. C’est ce qu’a constaté le quotidien torontois The Globe and Mail. Plutôt que de répondre aux aspirations du Québec moderne issu de la révolution tranquille, le Canada a plutôt jugé bon de diminuer le statut et les compétences du Québec: « The real truth is that Canada failed to respond adequately to Québec’s Quiet Revolution at the level of society itself. (...) The sum total of Canada’s response to Québec itself after 1980 referendum was an imposed reduction of Québec’s legislative discretion through the 1982 Charter of Rights, and the formal abolition of Québec’s previously assumed right of veto over major constitutional changes. »61 La difficulté du Canada à réparer les torts causés au Québec par la réforme de 1982 n’a pas non plus échappé aux observateurs étrangers. Le New York Times a consacré pendant la campagne référendaire d’octobre dernier un éditorial à la situation politique du Québec et tirait ces conclusions62: « Quebecers have a genuine grievance — a sharp loss of constitutional status over the past decade and a half — that has never been satisfactorily resolved. Canada was shaped by the 18th-century conquest and absorption of the French colony of Québec into the British Empire. British rule recognized the special linguistic and cultural status of Québec, and the province carried a weight in independant Canada’s affairs well beyond its 25 percent of the country’s population. But when Canada established a fully sovereign Constitution in 1982, Québec’s legal status reverted to being just one of ten Canadian provinces. Agreements promoted by Ottawa since then to legally enshrine a special status for Québec have been repeatedly rejected by English-speaking Canada. » La réforme de 1982 convenait d’un nouveau contrat social canadien, où le fédéralisme cédait sa prééminence à une nouvelle culture politique, fondée sur l’individualisme et le patriotisme des droits. Que le Canada fût né du compromis entre deux nations cessait de figurer dans l’horizon constitutionnel de ce pays. Les gouvernements québécois ont toutefois conservé leur attachement au fédéralisme comme principe organisateur de la constitution, et même après 1982, certains d’entre eux ont gardé, comme les gouvernements de Pierre-Marc Johnson et de Robert Bourassa, l’espoir de rétablir la force effective de ce principe. L’opposition des gouvernements du Québec à la réforme de 1982 ne vient pas de leur hostilité aux droits individuels mais de la manière dont s’est faite cette réforme et des moyens choisis pour protéger ces droits. Avant 1982, le Québec était une société déjà acquise à l’idée des droits; une longue tradition juridique, née du rapprochement entre le droit civil d’inspiration française et la common law d’inspiration anglaise, avait fait entrer dans les moeurs l’amour des libertés et des lois. En 1975, l’Assemblée nationale avait adopté une Charte des droits et libertés de la personne, loi à plusieurs égards avantgardiste qui inscrivait la protection des droits de l’homme parmi les préoccupations premières du législateur québécois. Aussi, quand le gouvernement fédéral manifesta sa volonté de constitutionnaliser sa charte des droits, ce n’était pas contre leur prééminence que le gouvernement québécois protesta. Dans l’ensemble, les gouvernements québécois auraient été plus enclins à confier l’application d’une charte des droits à une cour constitutionnelle de type européen qu’à une cour d’appel générale comme la Cour suprême du Canada. Ils ont aussi insisté sur la nécessité de concilier la primauté des droits avec le fédéralisme. Cette conciliation pouvait prendre plusieurs formes. Inscrire une clause d’interprétation dans la charte fédérale de 1982, comme l’a proposé le gouvernement Bourassa, qui reconnaît le Québec comme société distincte. Affirmer, comme l’a préconisé le gouvernement de Pierre-Marc Johnson, la prépondérance de la charte des droits que le Québec avait déjà adoptée en 1975 sur la charte fédérale. On pourra objecter que la réforme de 1982 a fait perdre au Québec bien peu de choses. Navrante par sa méthode, elle serait excellente par ses buts: donner aux droits de l’homme toute la reconnaissance qui leur est due dans un pays moderne et démocratique. Ce que le Québec aurait perdu par cette réforme vaudrait bien les compétences auxquelles tout gouvernement démocratique soumis à la primauté du droit et des libertés devrait de toute façon renoncer. Il faut convenir que si l’idée des droits compte parmi les grandes ambitions philosophiques de notre époque, la protection de ces droits connaît plusieurs voies et aucune ne s’impose dans l’absolu. Choisir comme l’a fait le Canada en 1982 d’investir les tribunaux de pouvoirs politiques d’une étendue sans précédent n’était assurément pas l’unique façon de consacrer les droits de l’homme. Plusieurs observateurs de la vie politique canadienne croient, comme le professeur de droit Michael Mandel, que le contrôle judiciaire instauré par la réforme de 1982 a affaibli la démocratie canadienne en rognant le pouvoir des peuples québécois et canadien au profit de puissants intérêts et de juges nommés à vie par le cabinet fédéral63. Les gouvernements du Québec ont souvent insisté sur la décentralisation du partage des compétences. Inspirés par une conception subsidiaire du fédéralisme, ils se considéraient comme les titulaires premiers des responsabilités gouvernementales pour tout ce qui touche à la culture, l’éducation, les ressources humaines et naturelles, ainsi qu’aux services publics de base comme les soins de santé. Ce principe de subsidiarité, qui a inspiré le droit public allemand et la construction de l’Union européenne et qui figure depuis Maastrich dans les traités de cette union, a aussi modelé implicitement la pensée des gouvernements québécois64. Ces derniers croyaient que le gouvernement fédéral devait jouer un rôle supplétif et se garder de faire à la place du Québec ce qu’il pouvait faire seul, ou avec le concours des autres provinces. Or, cette conception subsidiaire des responsabilités s’est souvent heurtée depuis 1867 au partage inégal des compétences législatives et des moyens fiscaux et à la volonté affirmée du gouvernement fédéral après la Deuxième Guerre mondiale de régenter les responsabilités sociales des provinces par son pouvoir de dépenser et par l’édiction de normes nationales. De même, le peu d’intérêt de la société canadienne à s’engager dans une décentralisation durable ou à accorder au Québec quelque statut particulier que ce soit n’a guère été propice non plus à la réforme du partage des responsabilités, fût-elle guidée par le principe de subsidiarité
Posted on: Wed, 31 Jul 2013 04:37:53 +0000

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