Dans les années 60 et 70, l’Afrique du Sud était considérée - TopicsExpress



          

Dans les années 60 et 70, l’Afrique du Sud était considérée par les stratèges de l’Otan comme un pion essentiel à la fois pour le contrôle de la route maritime du Cap empruntée par les supertankers de l’époque, et comme source de certains minerais vitaux pour l’industrie de défense. L’appartenance à l’Otan du Portugal de la dictature Salazar, engagée dès les années 60 dans des guerres interminables dans ses colonies d’Angola et du Mozambique, renforçait cette appartenance officieuse du pouvoir minoritaire blanc de Pretoria au « front anticommuniste ». A Silvermine, dans la péninsule du Cap, l’armée sud-africaine avait installé dans un bunker une station d’écoute et de surveillance des mers du sud, dont les informations étaient transmises aux services de renseignement occidentaux. Les informations allaient dans les deux sens, et c’est sur un tuyau de la CIA que Nelson Mandela aurait été arrêté une première fois. Complicités françaises La France a elle aussi collaboré étroitement avec le régime de l’apartheid. Elle a vendu à l’Afrique du Sud sa première centrale nucléaire dans les années 70, au risque de contribuer à la prolifération militaire à laquelle Pretoria a officiellement mis un terme à la fin de la domination blanche. En 1976, alors que j’étais correspondant de l’AFP à Johannesburg, l’ambassade de France n’ayant aucun contact à Soweto et craignant de déplaire au gouvernement de Pretoria, me demandait si j’acceptais d’organiser un dîner chez moi pour qu’un émissaire du Quai d’Orsay puisse rencontrer le docteur Ntatho Motlana, représentant personnel de Winnie Mandela, l’épouse du leader emprisonné. Le Congrès national africain (ANC) dont les principaux dirigeants croupissaient en prison à Robben Island, était bien isolé... Dans les années 70, lorsque des délégations du mouvement de libération, conduites par son responsable international, le futur président Thabo Mbeki, passait par Paris, il habitait dans la chambre de bonnes d’un ami marocain, et était royalement ignoré par le gouvernement. Chirac et la « troisième voie » Plus tard, au début des années 80, lorsque la situation à l’intérieur de l’Afrique du Sud est devenue quasi insurrectionnelle, la droite française a participé au stratagème de Pretoria de favoriser une « troisième voie » en la personne du chef zoulou Gatsha Buthelezi, un Noir « présentable ». Alors que ses miliciens s’en prenaient aux partisans de l’ANC à coups de machettes, Buthelezi était officiellement reçu par Ronald Reagan et Margaret Thatcher, et, en France, par Jacques Chirac alors maire de Paris (les photos sont exposées dans le salon de Buthelezi au Kwazulu-Natal). Au même moment, Laurent Fabius, alors Premier ministre, imposait les premières vraies sanctions françaises et retirait l’ambassadeur de France à Pretoria. Il faudra la révolte des Noirs d’Afrique du Sud, la chute du mur de Berlin et un puissant mouvement d’opinion dans le monde entier, pour que les dirigeants occidentaux changent d’attitude, et poussent le régime de l’apartheid à libérer Mandela et à négocier. Le consensus d’aujourd’hui autour de Nelson Mandela ne doit pas faire oublier les errements criminels d’hier qui ont contribué à le laisser plus d’un quart de siècle en prison, et à prolonger la durée de vie du système inique de l’apartheid. Il est plus facile de faire croire qu’on a toujours été du côté du « bien » contre le « mal » que de s’interroger sur les raisonnements fallacieux qui ont poussé la « patrie des droits de l’homme » et les autres défenseurs de la démocratie à rester aussi longtemps complices d’un système basé sur un déni d’humanité. La disparition d’un géant de l’histoire devrait pourtant être le moment de regarder objectivement le passé.
Posted on: Thu, 27 Jun 2013 18:12:35 +0000

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