Denis Dessus : "Là où passent les PPP, les finances publiques ne - TopicsExpress



          

Denis Dessus : "Là où passent les PPP, les finances publiques ne repoussent plus" Les récents désordres contentieux autour du contrat de partenariat de l’université Paris VII ont réactivé la profonde méfiance, pour ne pas dire la défiance, de Denis Dessus, architecte et délégué juridique de l’union nationale des syndicats français d’architecture (UNSFA), contre les PPP en général. Il réclame l’abrogation de l’ordonnance du 17 juin 2004 qui l’a créé et nous explique en quoi les contrats dits complexes s’avèrent hautement risqués. achatpublic.info : Que vous inspire la récente décision du TA de Paris d’annuler deux permis de construire pour des bâtiments de l’université Paris VII (lire notre article en lien) qui ne respectent pas les règles en matière de sécurité incendie et qui sont déjà construits ? Denis Dessus : « Ces annulations démontrent les risques qui sont encourus dans une opération PPP, du fait de sa complexité, de son opacité, de la perte de contrôle de la collectivité publique sur l’opérateur privé, de l’incapacité pour la maîtrise d’oeuvre à contrôler correctement l’exécution quand son client est l’entreprise. Il est clair que l’opération Paris VII prend une tournure catastrophique, avec des bâtiments impropres à leur destination, des usagers qui vont devoir quitter les bâtiments, et une plainte sur un troisième bâtiment pour faux et usage de faux en cours d’instruction. » achatpublic.info : Est-ce bien une raison pour dénoncer le contrat de partenariat en général ? Le cas du PPP de Paris VII ne pourrait-il pas se produire en loi MOP ? Denis Dessus : « Les recours sont possibles dans toute opération. Cependant, une opération relevant du code des marches publics et de la loi MOP, par son déroulé, par les allers-retours et le dialogue entre l’ensemble des partenaires, et la transparence de la contractualisation, limite ce type de risque et permet les ajustements de programme et la flexibilité. L’opération Paris VII prend une tournure catastrophique En PPP, un maître d’ouvrage est ficelé par un contrat d’une lourdeur infinie, signé sur un cahier des charges et une esquisse ou avant-projet architectural. Toute modification de programme, tout aléas administratif, comme c’est le cas dans le cas de l’université Denis Diderot, ou réglementaire, comme le changement de règle sismique pour le grand stade de Lille, auront de lourdes conséquences financières et vont faire l’objet de batailles contractuelles entre les contractants publics et privés. » achatpublic.info : Dans le cadre de votre expérience professionnelle, avez-vous déjà connu des cas d’annulations de permis de construire pour des grands bâtiments institutionnels ? Denis Dessus : « Toute construction, publique ou privée, ne respectant pas les règles d’urbanisme, par exemple, peut voir son permis de construire invalidé, l’intérêt général ne suffisant pas à passer outre, et cela n’a évidemment pas de lien avec la procédure de dévolution des marchés. En revanche, je n’ai pas d’exemple de cas touchant des opérations aussi importantes et en service que celle qui concerne l’université Paris VII ». achatpublic.info : Pourquoi souhaitez-vous un moratoire sur les PPP ? Denis Dessus : « Nous demandons un moratoire sur l’ensemble des contrats globaux de type PPP, BEA (bail emphytéotique administratif), AOT (autorisation d’occupation du territoire) et CPE (contrat de partenariat énergétique) en cours de négociation ou signés, mais non démarrés, moratoire qui sera maintenu le temps d’une parfaite lisibilité sur le coût réel et la soutenabilité financière des contrats déjà engagés. Il est temps d’éviter que d’autres collectivités plongent dans le surendettement Ces contrats durent plusieurs dizaines d’années et sont caractérisés par des dérapages financiers, des loyers qui augmentent de façon accélérée, des surcoûts liés à l’usage et hors contrat. Il est temps de faire un point et d’éviter que d’autres collectivités plongent dans le surendettement. » achatpublic.info : Ne pensez-vous pas que certains projets bâtis en PPP sont réussis et qu’il n’y a pas que des mauvais exemples ? Denis Dessus : « Et bien non ! Je ne vois pas, même en infrastructure, les cas où cela soit réellement pertinent. Est-ce normal, alors que les PME sont écrasées de formalisme et de contraintes pour obtenir un marché de 20 000 €, de voir des marchés de plusieurs milliards d’euros passés par Réseau Ferré de France dans l’opacité la plus totale et en quasi gré à gré ? » achatpublic.info : Ne pensez-vous pas que la position de l’UNSFA est dogmatique vis-à-vis du PPP ? Denis Dessus : « Nous ne défendons pas nos intérêts, les architectes interviennent dans toute opération de bâtiment, mais nous avons une position éthique : vouloir le meilleur service public et dans les meilleurs conditions économiques, ce que ne permettent pas les PPP. L’évaluation préalable devrait être réalisée par un organisme indépendant Rappelons qu’à deux reprises, le Conseil Constitutionnel a mis en évidence le risque d’atteinte au bon usage des deniers publics, à la protection des propriétés publiques et à l’égalité devant la commande publique des PPP. Leur recours devait être exceptionnel et justifié, alors que l’Etat a tout fait pour, au contraire, en généraliser l’usage. » achatpublic.info : Ne craignez-vous pas en tout cas que l’UNSFA soit taxé de subjectivité et de positionnement idéologique au sujet des PPP ? Denis Dessus : « Peut-être cela relève-t-il effectivement de l’idéologie que de défendre l’intérêt public face à des lobbies puissants, peut-être est-ce de l’idéologie que de réclamer de l’économie durable et ne pas vouloir que l’on fasse payer très cher aux générations futures nos besoins d’aujourd’hui. » achatpublic.info : Vous réclamez le contrôle de la DGGCRF et des juridictions financières sur les conditions de passation de ces contrats. Quel rôle exactement pourrait tenir ces instances et sous quelle forme ? Denis Dessus : « Il ne s’agit que d’introduire de la transparence et du contrôle dans la passation de marchés énormes, en les soumettant à des obligations de publicité, à une traçabilité élémentaire, à la communicabilité des documents contractuels qui n’existent pas aujourd’hui. Ce que la loi a fait, la loi peut le défaire L’évaluation préalable devrait être réalisée par un organisme indépendant du pouvoir politique et des lobbies économiques, composé, par exemple, de juristes, d’experts financiers en comptabilité publique, d’experts de la DGCCRF et d’experts de la construction. La soutenabilité financière devrait être imposée à tous les opérateurs publics avec la prise en compte de l’impact budgétaire du contrat sur la totalité de sa durée. » achatpublic.info : Pourquoi souhaitez-vous l’abrogation de l’ordonnance du 17 juin 2004 ? Cette demande n’est-elle pas excessive ? Denis Dessus : « Malheureusement tout ce que nous avions prédit dès 2003/2004 s’est réalisé. Là où passent les PPP, les finances publiques ne repoussent plus. Cela est vrai dans les pays européens qui les ont utilisés, ce le sera dans les collectivités françaises qui se sont laissées tentées par une solution apparemment miracle, qui permet d’investir sans argent ! Ce qui est excessif, c’est que l’Etat et Bercy aient fait la promotion d’une procédure sans se soucier de sa soutenabilité financière, comme le relève la Cour des Comptes pour le plan prisons en se demandant comment le ministère de la Justice paiera 23,8 milliards, sans prendre en compte les bilans alarmants des PFI anglais, sans prendre en compte les conséquences de la situation de monopole des grands groupes du BTP et de la finance.» achatpublic.info : Pensez-vous cette abrogation réaliste et réalisable ? Denis Dessus : « Ce que la loi a fait, la loi peut le défaire. Les exemples sont multiples, la loi MOP a permis d’encadrer la conception-réalisation, les METP ont été supprimés, etc. Quel seuil d’endettement et de dérive financière faudra t-il atteindre pour que la raison l’emporte ? »
Posted on: Thu, 25 Jul 2013 09:34:55 +0000

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