Des caméras nous surveillent, mais est-ce bien légal Le recours - TopicsExpress



          

Des caméras nous surveillent, mais est-ce bien légal Le recours aux caméras de surveillance installées sur les voies publiques est devenu une nécessité en raison de l’inquiétante prolifération des actes et agressions criminelles dans les rues et avenues du pays, avec des chiffres officiels qui indiquent le taux de 19 crimes pour 1.000 habitants, ainsi que l’a indiqué le ministre de l’Intérieur Mohand Laenser voici quelques mois. Stratégie sécuritaire anticipative Ainsi, la relation de causalité existe bel et bien à travers les chiffres et les dépêches d’informations et se justifie par la volonté de lutter contre le phénomène de la criminalité. Le ministère de l’Intérieur a donc décidé de s’appuyer sur les caméras de surveillance, fixes ou mobiles, qui traquent et épient ce qui se produit sur la voie publique au Maroc, et principalement sur les grands axes de villes importantes comme Casablanca, Rabat, Fès ou Marrakech, la ville qui abrite le plus grand nombre de caméras. Il s’agit là d’une « stratégie sécuritaire anticipative » qui œuvre à installer plus de sécurité sur les avenues, boulevards et rues du pays, ainsi qu’aux abords des grands établissements touristiques et administratifs, comme l’ont précisé les pontes de la direction de la Sûreté nationale, repris par la très officielle MAP. Mais il serait prématuré de défendre cette approche, pour la simple et bonne raison que cette « stratégie anticipative » n’est pas encore entrée en application. En effet, alors que Rabat a été équipée de matériel ultra-performant, Casablanca ne dispose que de 59 caméras seulement, dont 20 ont un sérieux besoin d’être entretenues, et sont donc hors service, et le révélateur de ces chiffres n’est autre qu’Abdellatif Mouaddab, le préfet de police de Casablanca, qui a exprimé ces données lors d’une rencontre avec les élus de Casablanca en février dernier. Et quand bien même on procéderait à la mise en place de ces appareils – on parle de 600 caméras à Casablanca et de 265 à Fès, acquises et installées pour 20.000.000 DH – cela resterait insuffisant, totalement insuffisant comme l’atteste Rachid Mounassifi, un expert consultant en surveillance sécuritaire. Ce dernier a assuré à Hespress que la stratégie mise en œuvre au Maroc est « classique » et donc pas forcément très utile, même si les caméras devaient couvrir le territoire national dans son ensemble. Cet homme, qui est passé maître en surveillance de sécurité et qui a fait ses classes auprès des plus grands, vingt années durant, à Stockholm, explique ainsi que l’efficacité des caméras est fortement réduite, voie annulée, en l’absence d’unités d’intervention spéciales qui n’ont d’autre fonction que d’être à l’écoute des salles d’opérations centrales reliées aux caméras, afin que leur action et leurs interventions puissent être à la fois efficientes et positives. On remarque que dans des villes comme Casablanca, Rabat, Fès ou encore Marrakech, les caméras de surveillance sont disposées dans des croisements de voies, des espaces donc publics et très fréquentés… sauf que plusieurs de ces appareils fonctionnent en tablant seulement sur la « crainte » qu’elles inspirent par leur simple présence aux esprits malintentionnés ; elles sont donc préventives sans même tourner, surtout si elles sont en panne. Mais qui le sait ? Pour le commissaire de police retraité Mohamed Akdid, le dispositif des caméras n’est pas suffisant à lui seul pour réduire les taux de criminalité enregistrés au Maroc, mais il reste tout de même efficace pour baisser le nombre des agressions dans les endroits où ces caméras sont fixées. Ainsi, selon Akdid, la surveillance électronique sur la voie publique est effectivement une technique anticipative, quoiqu’insuffisante… car pour atténuer la criminalité dans le pays, il faut assécher les sources à l’origine de ce phénomène, et qui se trouvent dans la pauvreté et les ceintures des quartiers périphériques. Le commissaire à la retraite qualifie une telle action de « lutte contre la criminalité à la source ». 20.000 œils de surveillance L’intérêt des services de sécurité pour les caméras de surveillance est apparu au lendemain des attentats sanglants du 16 mai 2003 à Casablanca, voici donc dix ans, puis s’est accru après les explosions de 2007 et, plus récemment, l’attentat du café Argana à Marrakech, qui a fait de cette ville une priorité pour ce dispositif électronique. Et du fait que le patron de la direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) aujourd’hui est Bouchaïb Rmael, qui a obtenu un doctorat sur le thème de « la criminalité informatique au Maroc », Hespress a tenté d’obtenir des informations quantitatives sur les installations de caméras au Maroc, mais le chef de la cellule de communication à la DGSN s’est excusé, pour des raisons encore inconnues. Néanmoins, des sources demandant à rester anonymes ont précisé que le ministère de l’Intérieur envisagerait de procéder à la mise en fonction de 20.000 caméras disséminées sur l’ensemble du territoire national. Cela devra alors s’accompagner de la logistique et d’une batterie de mesures et de moyens offrant aux différents services la possibilité d’accomplir leur tâche, tout en assurant la mise à niveau et la formation continue des personnels de police. Les budgets des nombreux services de sécurité devront être relevés, tant pour la police que pour la gendarmerie royale ou encore pour les forces auxiliaires. A ce propos, l’expert Rachid Mounassifi précise que pour le Maroc, la France reste le modèle et l’exemple suivis en matière de stratégies sécuritaires, ce qui en coûte à l’ordre public du pays… Explications. En effet, l’expérience a montré que le cas français, de même que celui de nombre de pays développés dont les USA, n’est pas optimal, ainsi que l’établissent les moyennes de criminalité dans ces pays. En revanche, et toujours selon Mounassifi, la Suède est considérée comme le meilleur exemple, un exemple qu’il faut suivre du fait que ce pays affiche le taux de criminalité le plus faible au monde. Il ne faut donc pas se contenter de surveiller les mouvements de population de loin, et après coup, mais s’engager aussi et surtout dans l’action préventive, en cela qu’une action doit être lancée au moment même où les caméras surprennent un ou des individus aux comportements anormaux. Selon des sources de la DGSN, cette administration a passé un accord secret avec une entreprise française spécialisée dans le domaine de la sécurité pour la livraison d’appareils high-tech, dernier cri, qui peuvent fonctionner dans des conditions climatiques extrêmes et qui procurent des images à haute résolution. Ces caméras seront installées aux abords des établissements scolaires, des grandes surfaces commerciales et de certaines administrations. Les grands axes urbains et points de rassemblement seront aussi surveillés, avec la mise en place d’équipes de policiers à moto aptes à intervenir sur ordre et indications des agents en salles d’opérations. La caméra et le droit à l’image… le débat Si l’installation de caméras de surveillance est chose utile voire nécessaire, il n’en demeure pas moins qu’elles suscitent des inquiétudes auprès des gens, soucieux de leurs libertés individuelles face à ces caméras qui voient et enregistrent tout. Le docteur Khalid Cherkaoui Semmouni, responsable au Centre marocain des droits de l’Homme, estime que ces techniques entravent et réduisent les libertés des gens car la liberté de circulation est garantie dans le pays. En effet, quand les gens savent que des caméras les épient à partir d’endroits invisibles, cela crée une gêne et un embarras auprès des populations. Pour Cherkaoui, les caméras devraient être disposées dans d’autres lieux, comme les hôpitaux par exemple, afin d’assurer une protection et des services de qualité, au lieu de n’être employées que par et pour des raisons sécuritaires. Quant à Mohamed Zahari, le président de la Ligue marocaine pour la défense des droits de l’Homme, il ne voit pas d’inconvénient majeur à la mise en place de ces dispositifs, à la condition qu’ils soient mis au service de tous. Zahari ajoute que l’appréhension juridique devrait concerner plutôt les lieux privés qui s’équipent de tels dispositifs ou ont recours à la sécurité privée, qui collectent des images et des informations sur les visiteurs de ces lieux, sans fondement juridique. Aussi, si le fait de placer des caméras dans les lieux publics est destiné à assurer la sécurité de la population, cette fonction dépasse les limites juridiques et devrait faire éviter de tels débats de droits. A son tour, Mohamed Akdid défend l’installation de caméras de surveillance ; pour lui, « la sécurité publique implique des sacrifices en matière de libertés individuelles, au profit de l’intérêt général », mais il ajoute que les agents chargés du fonctionnement de ces caméras doivent avoir une notion élevée de la vie privée des gens et du secret professionnel. Le commissaire retraité Akdid propose également d’équiper des hélicoptères spéciaux pour la surveillance des mouvements des spectateurs de matchs de football, afin d’éviter la réédition d’évènements comme le « jeudi noir », quand des fans des FAR avaient agressé les populations de Casablanca. Mais on relèvera que les débats de nature juridique dépassent aujourd’hui les caméras publiques pour s’étendre vers les surveillances installées de plus en plus largement dans des espaces privés, commerciaux ou autres. Une source sécuritaire nous apprend alors que cela a été rendu possible par le « vide juridique » qui prévaut dans ce domaine, sauf que, selon cette source, « les privés qui placent des caméras doivent en informer préalablement leurs visiteurs et clients »… car, en effet, qui peut garantir que tel ou tel autre gérant de magasin ne puisse un jour avoir l’idée de faire chanter ses clients au moyen d’images enregistrées par ses caméras ? Lire l’enquête, en arabe, sur hespress
Posted on: Tue, 03 Sep 2013 11:30:28 +0000

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