ENTRETIEN AVEC DR. SAID LAQABI : Safi, des atouts socio-culturels - TopicsExpress



          

ENTRETIEN AVEC DR. SAID LAQABI : Safi, des atouts socio-culturels énormes à valoriser Nous avons récemment, lors de l’un de nos passages à Safi, tenu un brin de causette avec le Dr. Saïd LAQABI, écrivain marocain et élément associatif très dynamique. La discussion a porté sur l’état de lieux de la situation socio-économique, culturelle et touristique de la capitale d’Abda. Nous avons conclu que la région n’est pas aussi marginalisée que certains le laisse croire. Safi dispose en effet d’énormes atouts à fructifier, développer et à mettre en valeurs. En voici d’ailleurs l’essentiel : Propos recueillis par Mohamed LOKHNATI - Le Nouveau port et les transferts des installations de l’OCP. C’est un réel coup de pouce pour l’économie locale, régionale et nationale. Effectivement, le nouveau port au sud de Safi permettra de fournir le combustible à la future station thermique laquelle fournira dans 4 ans 25% de la production électrique nationale et par la même occasion servira les intérêts de l’opérateur mondial en phosphates l’OCP. Ce dernier opère récemment une bonne politique d’insertion citoyenne urbi et orbi. L’Entreprise s’implique de plus en plus dans la vie associative (hormis le football avec lequel les liens sont anciens), culturelle voire artistique. Personnellement, je salue l’action du Groupe et espère qu’elle se poursuit par des rendez-vous pérennes en collaboration avec les forces vives de Safi. Côté investissement économique, l’OCP annonce 30 milliards de dhs de fonds qui permettront la concrétisation du hub phosphatier en face du nouveau port. Les anciennes installations face à Sid Lghouzia subiront une reconversion vers des activités de formation et nous souhaiterons le reboisement du site afin qu’il retrouve ses traits du début du siècle ou un Guide datant de 1923 le citait (Sid Lghouzia) comme verdoyant et habitant de maintes espèces d’oiseaux comme le piaf et le martinet… Les quais phosphatiers du port industriel actuel de Safi pourront, certainement, servir à la plaisance et les ferries. 2- L’autoroute Safi via le Cap Cantin (Beddouza) est le point le plus avancé du Maroc dans l’Océan. Ce Finistère a, certes, attrait maritime certain mais il constitue néanmoins, un enclavement par rapport aux grands axes routiers du Royaume. Ainsi ce projet structurant d’une valeur de 4 milliards 800 millions de dh constituerat-il, dès le début de son exploitation, une bonne décharge d’adrénaline pour la ville et sa région. Le tracé montre une connexion à hauteur d’El Jadida pour desservir le port et la plate-forme de Jorf Lasfar, la station balnéaire d’Oualidia et Safi. Le gain en temps, en sécurité et en confort seront non négligeables et sonneront le glas au mythe de la ville enclavée. 3- Une « Cité de la Culture et des arts », pour quoi faire Présenter Safi ; little Morocco… D’aucuns croient que Safi ne compte pas parmi les métropoles culturelles de notre pays. Certes, les medias l’évoquent rarement en termes positifs : les contraintes d’un présent imprécis mettent souvent sous le boisseau une fascinante histoire d’un melting-pot bien de chez nous. Depuis fort longtemps, Safi était considéré comme une Médina ayant toutes les structures idoines comme la garnison, le Maristan (hôpital), la grande Mosquée pour le prêche du vendredi, des Qissarias… (Centres commerciaux spécialisés). En outre, Safi et son hinterland constituent, à notre sens, pour les initiés, un «little Morocco» culturel diversifié, en référence à ces quartiers d’émigrés, en Amérique, où se concentrent parfois toutes les sensibilités culturelles d’une même nation, comme little Italy, China town ou little Odessa… Ainsi le substrat de Safi est-il la résultante de plusieurs affluents qui vont être succinctement décrits ci-dessous. L’élément européen Au port de Safi, qui peut, à lui seul, raconter l’histoire de la ville, le visiteur sera étonné de constater la terminologie en vigueur chez les marins pêcheurs : le pidgin. C’est une suite de mots espagnols sertis d’expressions cosmopolites. Le vieux parler safiot est toujours riche en termes de cette même origine. Ce visiteur ne manquera pas de s’émerveiller à la vue du majestueux Château de Mer, chef-d’œuvre de l’architecture militaire lusitanienne du XVème siècle. L’élément sépharade La communauté juive assez réduite de nos jours fut autrefois fort nombreuse. L’importance de la présence juive, antérieure à l’événement de l’Islam, selon certains historiens, demeure palpable dans le mausolée Ouled ben Zmirou avec son moussem annuel, et avec les recettes succulentes d’une cuisine fort appréciée en sus d’une musique festive ( Sami El Maghribi). Cette présence commence à être revisitée, en témoignent les travaux de l’historien Brahim KREDYA, ou l’œuvre de fiction du romancier safiot Hassan RIAD, intitulée « Parchemins Hébraïques». (cf. notre recueil de nouvelles «Les Gens d’ici » suivi de « Parchemins hébraïques », l’Harmattan - Paris 2006) L’élément subsaharien Les liens de Safi avec le «Bled Soudan » (Territoire des Noirs) sont avérés depuis que la ville fut le port desservant Marrakech, capitale de plusieurs dynasties régnantes au Maroc. Ainsi la présence d’une culture gnaoua, avec ses « lilas » et ses rites de désenvoûtement, fait partie intégrante de la culture safiote. Cet aspect culturel longtemps dédaigné, par rapport à un passé lié à l’esclavage, commence à être réinventé par des travaux documentaires ou de fiction. (cf. notre roman «Maître Samba, le dernier des Gnaouas » Asteria-Editions - Safi 2011) L’élément andalou Plusieurs familles originaires d’Andalousie sont venues s’installer, le plus souvent via Fès, à Safi. De nos jours, en sus d’une gastronomie réputée, nous sommes redevables à ces familles du legs d’une musique raffinée. Rares sont les Marocains qui n’ont pas été envoûtés par les « Mawal » d’un des meilleurs vocalistes, en l’occurrence M. BAJEDDOUB. En outre, n’oublions pas que les familles andalouses ont largement contribué à l’essor de la poterie et de la céramique de Safi. L’élément amazigh Certes, l’arabe dialectal safiot est, en général, celui du littoral atlantique marocain arabophone. Cependant, c’est dans la matrice linguistique que la présence amazighe est la plus «audible». Ainsi, d’après une récente étude de l’universitaire M. LATAOUI, qui porte comme titre «Ichtionymie », il ressort que les noms de plusieurs poissons de Safi sont en berbère, par exemple « amun » qui désigne la daurade royale… Au-delà de cette ligne verte linguistique, le même poisson sera appelé «Zriqa ( le bleu)» en arabe. L’élément arabo-musulman Il s’agit d’un élément essentiel, depuis qu’Oqba IBNOU NAFIE, comme le rapporte une légende consacrée, a foulé les plages de cette «Mer des ténèbres», en regrettant qu’elle soit un obstacle l’empêchant de porter plus loin le message de l’Islam. Le second personnage est sans doute le Cheikh Abou Mohamed SALEH, qui organisa un système d’hostellerie assez performant allant de Safi jusqu’aux lieux saints de l’Islam. L’exode, prémédité par les Fatimides d’Ifriqia (Tunisie), des tribus arabes (taghriba des Beni H’lal) a scellé définitivement l’arabisation de la région et de son chef-lieu, Safi. Les plaines des Abda, lesquelles constituaient une partie de la confédération des Doukkala - les portes de Marrakech et d’Essaouira allant vers Safi portent le même nom « Bab Doukkala » -, offrent le parler de ses habitants comme matière à des études linguistiques diverses : à titre d’exemple, la bâtisse où habite quelqu’un de la plaine sera en pisé ou en béton armé, et portera le vocable «khaïma» (tente). Elle s’intègrera dan un Douar (cercle) autour d’un feu protecteur symbolique. Ne s’agit-il pas ici, de traces d’un nomadisme atavique Enfin, le côté musical de cet élément demeure vivace avec cette musique qualifiée d’extra-muros, la aïta (appel), que la saga du Caïd Si Aïssa Ben Omar a rendue célèbre avec le personnage de Cheikha Kharboucha, un laideron au verbe puissant, qui harangua les Ouled Zid contre le despotisme du fameux Caïd jusqu’à leur extermination quasi-totale : la mémoire historique conserve l’appellation «Aam errafasa», ou «Année de la bousculade» qui eut lieu sous les remparts de la ville. Pour la aïta, il est nécessaire de rendre ici hommage à un homme qui a consacré sa vie à la recherche dans ce domaine et dans tout ce qui concerne cette culture populaire, feu Mohammed Bouhmidi. (cf. «Il était une fois …Safi» Diwane Edition - Safi 2008). Avec une activité plastique époustouflante allant de la légendaire Fatna Gbouri,( citée comme représentante de l’art naïf nord africain dans Que sais-je ) jusqu’à Abdelouahab Zine en passant par Rachid Taleb, Omar Gourane, Med Bakkari, Nadia Khayali, Hamid Beggar, Ahmed Mjidaoui, Sidi Hbibi, le calligraphe Med Idali…Safi est une pépinière qui gagne à être connue et reconnue.( voir « florilège des peintres à Safi » Thami Ouazzanià paraître en juin - 2013) Et le 7ème art n’est pas du reste : Mohamed Osfour, père du Cinéma marocain, MohamedReggab, le digne héritier de la Nouvelle vague et Lakhmari avec ses films choc ; leur point commun, ils sont tous de Safi. C’est cette mémoire alliée à une vitalité extraordinaire que la Cité de la Culture et des arts devrait développer, fructifier, transcender et offrir déclinées en spectacles vivants cherchant les valeurs cardinales universelles en puisant dans les trésors locaux. En somme , l’Etat a fait le maximum et je souhaite qu’avec ses infrastructures, le climat de confiance regagne le terrain avec une dynamique économique dans laquelle s’engagera le secteur privé … Demeure la problématique du niveau et de l’efficacité voire la conscience des corps élus de la ville … mais là c’est une autre pair de manche.
Posted on: Wed, 09 Oct 2013 14:18:05 +0000

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