Francois Harvey LE RASSEMBLEMENT DES NUAGES DE TEMPÊTE Par - TopicsExpress



          

Francois Harvey LE RASSEMBLEMENT DES NUAGES DE TEMPÊTE Par François HARVEY, reporter et porte-parole du Mouvement des Québécois. SAINT-OURS, QUÉBEC-Beaucoup de gens baissent les bras tant l’horizon semble bouché par de petits, moyens et grands projets qui viennent modifier leur mode de vie, mettre en péril leur environnement, remettre en question nos valeurs traditionnelles. Il y a tant de nuages à l’horizon qu’ils ne voient plus le soleil, qu’ils pensent qu’il n’existe plus que pour les autres, qu’eux-mêmes sont condamnés à ruminer sur terre leur détresse, leur désespoir. Il ne semble plus y avoir d’issues. Ils ne savent pas par quel bout prendre le fil qui défera le tricot de la camisole de force dans laquelle ils sont enfermés. Ils manquent d’oxygène, d’air libre, ils cherchent des réponses dans les médias mais ceux-ci leur rabâchent les mêmes inepties déprimantes, les mêmes histoires de corruption, ignorant les dossiers qui les préoccupent vraiment. De fait, de lourds nuages noirs s’accumulent dans le lointain et se rapprochent de nous. Le degré de corruption de notre société a atteint le niveau d’une culture qui s’est étendue à toutes les strates du pouvoir politique et de la vie civile. Les gens ont été délibérément appauvris pour enrichir des individus qui offraient l’apparence d’être honnêtes mais qui ne l’étaient pas, on a trompé notre peuple, sa candeur, sa naïveté, et c’est un dur coup à avaler. Des firmes d’ingénierie, comme BPR par exemple, qui fait dans le traitement des eaux, sont toujours actives sur le territoire québécois malgré les révélations faites à la Commission Charbonneau sur les pots-de-vin versés par la compagnie. BPR est présente dans les grandes comme dans les petites municipalités à la grandeur du Québec, et tout indique que la firme ait érigé en culture d’entreprise la pratique de la corruption. L’ensemble de notre territoire fait maintenant l’objet de l’envie des promoteurs miniers qui piaffent d’impatience de mettre en exploitation des gisements de gaz, de pétrole, de minerais, qui sont prêts pour ça à détruire des villes, voyez Malartic, voyez le projet Arnaud à Sept-Îles, voyez les projets d’exploration gazière dans la vallée du Saint-Laurent, songez à Anticosti et aux Îles-de-la-Madeleine. On ravage nos dernières rivières que l’on a volées aux autochtones, aux Innus en l’occurrence, que l’on pense à La Romaine, ou à Petit-Mécatina, la deuxième plus grosse rivière du Québec derrière le Saguenay. Chaque semaine, le bateau vient à Unamen Shipu, non loin de là, qui débarque son lot de drogues pour que les Innus s’autodétruisent et se tiennent tranquilles. Assommée par la vague de répression qu’elle a subie gratuitement l’an dernier, la jeunesse courbe l’échine; la police a gagné, mais que pouvait-on faire complètement désarmé et pacifique devant des flics lourdement armés, équipés et aux cerveaux dangereusement lavés. Les jeunes étaient pacifiques, ils n’ont pas commis de gestes extrémistes, on s’en est néanmoins pris à eux avec une rare violence, avec sadisme. Les nuages s’accumulent à l’horizon. Les pétrolières et les gazières ont faim de s’emparer du territoire québécois. Seul le fait que leurs projets ne rencontrent pas les critères de l’accessibilité sociale les ralentit, mais on sent bien que ça ne durera pas. Au Lac-Saint-Jean, les jeunes s’en vont, dégoûtés de la trahison de leurs élites qui travaillent à détruire ce qu’il y a de plus beau là-bas, ou qui laissent faire les bras croisés les promoteurs qui veulent maintenant, et on me dit que ce n’est pas d’hier, s’en prendre au lac. Si ce n’est pas d’hier, comment se fait-il que les écologistes locaux, que les têtes d’affiches en matière environnementale, sachant les intentions de la pétrolière, n’aient pas déjà mis un holà ferme et définitif à la convoitise de J.A.G. Minings? Ce n’est pas nouveau? Ce n’est pas une raison, bien au contraire, la minière pendant ce temps a gagné du temps, s’est installée, s’est ancrée dans le paysage. Les gens ont été trahis par leurs élites. Compte tenu des audiences de la Commission Charbonneau, il faudrait réviser les contrats que BPR a obtenus un peu partout dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, dont celui pour le harnachement de la rivière Ouiatchouan. Nous nous y sommes attaqués, nous le ferons de nouveau très bientôt car cette bataille n’est pas encore gagnée. Les nuages s’accumulent en Outaouais québécois où on doit inverser le flux du pipe-line Sarnia-Montréal pour y faire transiter les sables bitumineux de l’Alberta. C’est un vieux pipe-line qui n’est pas conçu pour ça. Enbridge arrose dans le moment les municipalités « d’accommodements » financiers, sorte de pots-de-vin déguisés, mais les nuages sont lourds dans cette région du Québec. Ils sont pesants sur Anticosti, toujours aux prises avec les projets pétroliers de Pétrolia et de Junex. Le ciel est couvert sur tout le Québec. Sauf que nous nous organisons. Dans chaque région, des groupes de militants, d’activistes, se réunissent pour organiser la résistance et prendre les choses en main. Ceux qui veulent bien délaisser les médias traditionnels ou jeter résolument sur eux un regard critique constatent qu’on leur sert une image déformée de la réalité, qu’on leur cache beaucoup de choses, et ils se tournent vers les réseaux sociaux où une information beaucoup plus libre circule. Récemment, je me suis fait accuser, en privé, par quelqu’un de l’émission Enquêtes, Anne Panasuk, de « tourner les coins ronds » à propos de la mine de terres rares d’Unamen Shipu. J’aurais parlé d’exploitation plutôt que d’exploration. La journaliste qui m’a critiqué n’a jamais mis les pieds là-bas, elle avait fait un téléphone à Ditem où on lui avait noyé le poisson. Des dizaines de poches de terres rares sont sorties en cachette d’Unamen Shipu. J’y suis allé, moi. Il a fallu que je me rende dans la communauté pour informer les Innus de ce qui s’y tramait. La minière n’avait pas cru bon les informer, encore moins les consulter sur les dangers d’irradiation posé par les terres rares, pas plus qu’Hydro-Québec ne les a informés ou consultés pour le projet de harnachement de la rivière Petit-Mécatina qui traverse leur territoire, qui leur appartient. Anne Panasuk sort un reportage par année, j’en sors un par jour. Je me demande bien qui tourne les coins ronds, ou qui se tourne les pouces. Un establishment de journalistes est grassement payé à ne rien faire ou presque, à travailler dans le beurre, sur des sujets mous qui ne dérangent personne. Plus le sujet est chaud, plus l’article est petit. Ils sont encadrés par des éditorialistes de Power Corporation ou des patrons proches de Gesca, filiale de Power. Les autres sont coincés dans des reportages d’une minute quarante secondes pendant lesquelles ils n’ont le temps de rien expliquer, de rien mettre en contextes. Oh ! Il y a des exceptions, mais elles sont rares et très contrôlées. La censure et l’autocensure sont omniprésentes dans nos médias. On tue des sujets bien davantage qu’on en sort. Je vois beaucoup de nuages à l’horizon, mais dans toutes les régions que je traverse je vois aussi des percées de soleil. Le ciel va se dégager, nous allons prendre le temps qu’il faut et les moyens nécessaires mais nous allons le dégager.
Posted on: Fri, 06 Sep 2013 11:41:50 +0000

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