Histoire du mouvement chérifien algérien 1845-1854 1 2 3 4 5 - TopicsExpress



          

Histoire du mouvement chérifien algérien 1845-1854 1 2 3 4 5 suivant fin Mardi 15 janvier 2013 Histoire du mouvement chérifien - Bû Baghlâ (Bou Baghla) 1-5 2. Le chérif Bû Baghlâ et la lutte pour l’indépendance à partir de la Kabylie, 1849-1854 Bû Baghlâ acquiert une stature de premier plan. Il se hisse à la hauteur de Sî Mûsâ, de Bû Ma’za, de Mûlay Muhammad, de Muhammad ben Abd al-Lâh – le chérif d’Ouargla – ou de Bû ‘Amâma. C’est un des chérifs les plus marquants de la résistance algérienne aux Français au XIXème siècle. L’homme de l’Ouest – Identités symboliques, identités erratiques Le chérif intéresse peu les historiens, à de rares exceptions. Un grand mystère continue d’envelopper l’homme. Son identification conditionne, à la base, la compréhension de son histoire. La recherche historique récente est le fait plutôt d’historiens algériens, en premier lieu dAhmed Nadir en 1972. L’année 1985 voit deux publications s’arrêter sur le personnage et l’insurrection qu’il suscite. L’une est due à Mahdi Bouabdelli et l’autre à Tahar Oussedik.[1] La dernière, entre récit, histoire et littérature est pour l’essentiel une expansion de la notice biographique que consacre Hanoteau, adjoint au bureau politique d’Alger, au chérif, au lendemain de sa mort, dans le Moniteur algérien du 10 janvier 1855.[2] Imaginée, la jeunesse de Bû Baghlâ est plausible et correspond à l’éducation en vogue dans les milieux maraboutiques et lettrés. Mostefa Lacheraf croise avec constance Bû Baghlâ, attire l’attention sur le personnage et insiste sur sa fin malheureuse.[3] Tout compte fait, l’historiographie enregistre peu de progrès. Les percées sont limitées et fragiles. L’identité de Bû Baghlâ reste un véritable écheveau. Nul ne songe à en faire faire une figure littéraire, comme si les aliments en venaient à manquer. L’identité qui domine jusqu’ici est celle que rend publique pour la première fois Robin en 1884. La reproduction de son cachet montre que le chérif se dévoile sous le nom de Sî Muhammad ben al-Majîd ben ‘Abd al-Malik, dans la lettre qu’il adresse en février 1845 à un compagnon du mouvement chérifien.[4]Le nom surgit également dans une correspondance du commandement français à Aumale (Sûr al-Ghûzlân). Le colonel d’Aurelles, qui dépend de la division d’Alger, désigne Muhammad ben ‘Abd al-Lâh Bû Ma’za, s’empressant de décliner son identité véritable : « Cet homme, qui s’appelle réellement Si Mohamed Lemedjed ben Abd el Malek, a pour surnom Bou Baghla ».[5]Saint-Arnaud, chef de la division de Constantine, reçoit des renseignements par ses subordonnés et signale à peu près au même moment « le nouveau chérif nommé Abdel Melek bou Baghala », auteur avec ses partisans de l’attaque contre l’‘azîb patronné par Sî Muhammad Sa’îd ben ‘Alî Sharîf près d’Akbou.[6] Depuis Robin, c’est l’identité consacrée du chérif, retenue par ceux des auteurs qui cherchent à la préciser.[7] En fait, c’est une dénomination à usage interne, issue de Bû Baghlâ lui-même, soucieux de reprendre les fils de la résistance. La lettre, qu’il adresse à un de ses futurs lieutenants, fait partie de la campagne épistolaire de février 1851.[8] Signe de reconnaissance, telle identité est en fait un nom de code ou un nom de guerre, réservés aux initiés. Le chemin, emprunté par la lettre, qui la mène entre les mains des Français, n’est pas connu avec certitude. De plus, Al-Majîd n’est autre quune partie du nom du sultan qui règne à Istanbul. Bû Baghlâ n’a de cesse jusqu’à sa mort d’annoncer l’intervention du calife et le déploiement d’un mouvement général, impliquant une grande partie du monde musulman. Habile, la confusion vise à réchauffer le zèle des combattants. Ben ‘Abd al-Malik est, quant à lui, un nom parfaitement symbolique, celui du mahdi, systématiquement utilisé, également en interne, dans les liaisons entre les membres du mouvement chérifien.[9] Bû Baghlâ recourt plus systématiquement, à un autre nom de guerre, à résonance à la fois prophétique et mahdiste, Muhammad ben ‘Abd al-Lâh, qu’il adjoint le cas échéant de la particule Sî et/ou du surnom Bû Sîf.[10]Le nom, ciselé dans son cachet[11], signe toute sa correspondance avec les populations, qu’il s’agisse de tribus ou de personnalités du pays.[12]C’est également lui qui figure dans l’histoire officielle, mais inachevée qu’il dicte à un de ses partisans kabyles Ibn Nûr ad-Dîn ibn Abd an-Nûr al-Wasîfî en H 1269 (1852-1853), y compris en titre : Histoire célèbre et hauts faits du très grand et très glorieux sultan notre seigneur Mohamed ben Abd-Allah bou Seïf.[13] Les auteurs relèvent unanimement le caractère très incertain de son identité. En effet, des hypothèses nombreuses circulent dans la population et au sein de l’armée française. Féraud, pourtant mêlé aux événements en 1851, constate l’ « origine assez problématique, quoiqu’on assurât qu’il venait de l’ouest » et rapporte qu’on « a même prétendu que c’était un ex-galérien du bagne de Toulon. »[14]Normalement un des mieux informés, car il a eu à le combattre et à tenir une correspondance fournie et régulière, le capitaine Devaux rapporte deux versions dans des rappels biographiques plutôt décevants qu’il consacre au chérif : « Suivant les uns, Bou-Bar’la était des environs de Médéah et avait servi comme spahis ; suivant d’autres, il venait du Maroc, ou tout au moins de la province d’Oran, et avait été envoyé à l’île Sainte-Marguerite, pour quelque méfait plus ou moins politique. »[15]Aucapitaine, reprenant Féraud pour certains débuts du chérif et Devaux partiellement, précise que son internement en France de plusieurs années est consécutif à un guet-apens politique : « D’où venait ce personnage ? Nul ne le savait. (…) A en croire les uns, ce derviche sortait d’un escadron de spahis; selon d’autres, compromis dans une affaire politique, ou plutôt quelque guet-apens, il venait de passer plusieurs années à Toulon ou îles de Sainte-Margueritte ».[16]Robin, à son tour, ne peut que rendre les conjectures que véhicule l’opinion publique, tout en reprenant pour partie Aucapitaine : « D’où venait ce personnage ? On n’en savait rien exactement ».[17]Il est, selon le cas, un Marocain, ou un ancien spahi originaire de Miliana, sinon un bagnard évadé de Toulon.[18]Il pourrait être un ancien prisonnier de l’Île Sainte-Marguerite.[19]Une version répandue le dit originaire de la tribu d’Al-‘Attâf[20], ainsi que la consigne Hanoteau le 10 janvier 1855 : « L’opinion généralement accréditée chez les Kabyles est qu’il appartenait à la tribu des Attafs, de la subdivision de Milianah. »[21]Le passage par Toulon est évoqué très tôt. Louis de Baudicour s’appuie sur les premiers renseignements qui parviennent aux Français sur le compte du chérif. Bû Baghlâ est « un Arabe, originaire du Maroc, qui avait été condamné pour vol et qui avait passé plusieurs années au bagne de Toulon, après avoir subi sa peine, s’était fait passer pour marabout. »[22]Il se fait connaître d’abord sous le nom de Muhammad al-Gharbî.[23]Cette identification procède également d’Aumale et du colonel d’Aurelles : « Le derwiche surnommé Bou Bar’la serait, dit-on, un ancien prisonnier des îles Sainte-Marguerite, où on l’appelait Hadj Mohamed el R’orbi, homme à redouter par son audace. »[24]Survivre à l’épreuve de la déportation à Sainte-Marguerite est signe de prestige et d’élection. Salah Ferkous relève pour sa part : « Les premiers temps de la vie de ce chérif, étaient obscurs on disait qu’il s’appelait El-Hadj Ali, originaire des Ben Zeggou [confédération nomade berbère du Sud-Est marocain] ou des Beni Zougzoug. ».[25]Son identité reste flottante et multiple, favorise les erreurs involontaires et les divagations de l’imagination.[26] Bû Baghlâ est un surnom. Il apparaît dès le début de son action en Kabylie, chez les At ‘Abbâs. Baudicour date cette annonce du milieu de l’année 1850, où « on apprit qu’un soi-disant chérif, se faisant appeler Bou-Baghla (Père de la Mule), prêchait la guerre sainte dans la ville de Kala. »[27]La première fois que son nom est évoqué dans la correspondance militaire française date du 22 février 1851. Le colonel d’Aurelles relate qu’il « a pour surnom Bou Bar’la, et c’est sous ce dernier titre qu’il paraît être connu. »[28]Robin écrit longtemps après : « Dans ses excursions, il était toujours monté sur une belle mule grise, et on ne le connaissait, dans le pays, que sous le nom de Bou Bar’la (le père à la mule). »[29]Le nom de Bû Baghlâ triomphe rapidement. Il emporte tous les suffrages et déclasse définitivement les autres dénominations. Il fait sa célébrité. Dans la proclamation qui ouvre sa campagne contre les Kabyles en octobre 1851, le général Pélissier, gouverneur par intérim, a beau jeu de fustiger l’« intrigant qui est obligé de cacher, sous un faux nom, son origine obscure », considérant cela comme un procédé de dissimulation tactique.[30]Les Kabyles le côtoient, l’épaulent ou le combattent pendant plusieurs années, sans réussir à découvrir son identité. Le poète ‘Alî ou Farhât, de Bû Hinûn, de la confédération des At ‘Îsî clame à la fin de l’année 1851 : « Ils ont pris prétexte le chérif / Oufan d es sebba d’ ech cherif Qui nous est venu en oiseau voyageur / ouin id iousan d’ at’iiar ».[31] À son tour, Sî al-‘Arbî n’At Sharîf, autre poète kabyle, du village des At ‘Alî um-Mhand, de la tribu des Illulân um-Mâlu, s’écrit en 1854 : « Je dirai aussi ce que nous a fait l’homme de l’ouest / R’ef thin ir’ iga our’erbi[32] Ben Abd-Allah / Ben-Abd-Allah ».[33] Il ajoute plus loin : « C’est cet homme de l’ouest / Ed’ netsa ai (…) Et son origine est inconnue / netsa our iban l açel in es ».[34] Bû Baghla remplit en fait avec détermination et esprit de suite un programme messianique, celui du chérif du Ghârb tant attendu. © Abdel-Aziz Sadki mis en ligne le 15 janvier 2013 [1]Mahdi Bouabdelli, Thawrat cherif Bou Bagla, Les diffusions du ministère de la culture et du tourisme, Alger, 1985. Tahar Oussedik, Bou-Beghla (Lhomme à la mule). Le mouvement insurrection de 1850 à 1854, Alger, E.N.A.L., 1985, 79 p. Settar Ouatmani, La résistance de la Kabylie à la conquête française : étude du cas du Chérif Bou Baghla (1850-1854), DEA Études arabes et civilisation du monde musulman, université de Provence Aix-Marseille, septembre 1994, 121 p. [2]Adolphe Hanoteau la reproduit en annexe de son ouvrage, Poésies populaires de la Kabylie du Djurdjura. Texte kabyle et traduction, Paris, Imprimerie impériale, 1867, p. 445-450. Elle est reprise dans d’autres journaux comme Le Journal des débats politiques et littéraires du 18 janvier 1855 et sert de base à plusieurs notices consacrées au chérif, malgré des modifications de détail comme dans le Dictionnaire de la conversation et de la lecture. Inventaire raisonné des notions générales les plus indispensables à tous, par une société de savants et de gens lettres sous la direction de M. W. Duckett, Supplément offrant le résumé des faits et des idées de notre temps, Paris, Firmin Didot, t. 1, 1864, p. 633-34, ou le Supplément. L’encyclopédie catholique. Édition revue, corrigée et augmentée, Paris, typ. Lacour, s.d., p. 544-545. [3]Notamment dans un article consacré aux exactions de Beauprêtre, paru dans le magasine Algérie-Actualité, où il évoque également Bû Baghlâ et la résistance kabyle. C’est cet article qui semble publié ensuite dans Algérie et Tiers-Monde. Agressions, résistances et solidarités intercontinentales, Alger, Bouchène, 1989. [4] Cette identification est reproduite dans l’article « Cherif Boubaghla », mais en lui faisant perdre la particule « Sî », ce qui le laïcise, fr.wikipedia.org/wiki/Cherif_Boubaghla (au 27/11/2012). Cet article, qui compte des données avérées, n’est pas satisfaisant à plus d’un titre. Voir aussi la conférence-débat prononcée le 21 mai 2006, cerak.net/conferences_cerak_fatma%20n%20smoumeur_210506.htm (au 27/11/2012) par Mohand Harouz. [5]Dépêche du colonel d’Aurelles, Aumale, 22.2.1851, reproduite dans Joseph-Nil Robin, Histoire du chérif Bou Barla, Alger, A. Jourdan, 1884, p. 26. L’orthographe est également labile : Aurelle(s) de Paladine(s). Elle finit par se fixer comme suit : d’Aurelle de Paladines. Lui-même signe Aurelles. [6] Constantine, 22.3.1851, Saint-Arnaud, GBCPC au GG. [7]Gaston Bourjade, « Notes chronologiques pour servir à l’histoire de l’occupation française dans la région d’Aumale. 1845-1887 », Revue africaine, 1889, vol. 33, p. 260 ; Louis Rinn, Histoire de l’insurrection de 1871 en Algérie, Alger, A. Jourdan, 1891, p. 31 ; J. Domergue, Dictionnaire de biographie française, Roman d’Amat dir., t. VI, 1954, p. 1171. Pour des références plus récentes et nombreuses, on peut citer Feredj Mahmoud Seghir : « Quant à Si Mohammed Lemdjed Bin ‘Abdelmalik, le Shérif Bu Baghla (ainsi nommé parcequ’une mule était sa monture préférée), originaire de Ouled Sidi Aïssa, des Adhaouras, il était en Kabylie depuis 1851 et menait un rude combat contre les Français. », « Fatma N’Soumeur et la résistance à la conquête française de l’Algérie (1847-1857) », Revue d’histoire maghrébine, 1979, a. 6, n° 15-16, p. 135. L’origine sociale de Bû Baghlâ procède ici d’une erreur de lecture. Nous-mêmes, pouvions écrire : « Bou Baghla reste un inconnu, autant pour les Français que pour les Kabyles semble-t-il. Sa véritable identité n’apparaît pas. On s’accorde pour penser qu’il se nomme Si Mohamed Lemedjed ben Abd el Malek, et qu’il est peut-être un ancien spahis de Miliana, mais les conjectures sont trop nombreuses. », Abdel-Aziz Sadki, Ouzellaguen, 25-28 juin 1851, autopsie dun grand combat, mémoire de D.E.A., Université de Reims, 1989, p. 43. Voir aussi Djamel Kharchi, Colonisation et politique d’assimilation en Algérie. 1830-1962, Alger, Casbah Éditions, 2004, p. 107. [8]Dépêche du colonel d’Aurelles, Aumale, 22.2.1851, à laquelle est jointe la traduction de la lettre du chérif, reproduite dans Robin, op.cit., p. 29. [9] Voir infra IIe partie, l’étude spéciale, consacrée aux noms des mahdis. À l’occasion d’une autre lettre, adressée plus tard aux Illulân, il signe Sî Muhammad ben ‘Abd al-Malik, voir Robin, op.cit., p. 30. [10] C’est sous le nom de Sî Muhammad ben ‘Abd al-Lâh Bû Sîf qu’il s’annonce dans le pays, comme le relate Laurent-Charles Féraud, « Notes sur Bougie », Revue africaine, vol. 3, n° 18, août 1859, p. 446. « Bou-Beghla s’appelait en réalité Si Mohammed ben Abdallah », écrit Tahar Oussedik, reproduisant Hanoteau, Bou-Beghla (Lhomme à la mule). Le mouvement insurrection de 1850 à 1854, Alger, E.N.A.L., 1985, p. 13. [11] Un spécimen de son cachet est joint aux « Notes sur les principaux agitateurs qui parcourent actuellement les tribus », Alger, 3.6.1851, BP, anonymes, CAOM 10 H 78. Un autre exemple est reproduit dans Henri Aucapitaine, « Linsurrection de la Grande Kabylie 1850-1851. Le chérif Bou-Barla », Revue de lOrient, de lAlgérie et des Colonies, nouvelle série, t. XIII, 1861, p. 39-40. De même, Féraud, consul général de France à Tripoli fait la traduction d’un cachet du chérif et l’adresse à Robin, qui la publie dans son « Histoire du chérif Bou Barla », Revue africaine, n° 28, 1884, p. 197. [12]Lettres-circulaires de Bû Baghlâ adressées à six tribus ou confédérations kabyles au début de 1851, à savoir At Sadqa, At Yannî, ‘Aqbîl, At Yahyâ, Awzallâgan et At Waghlîs, CAOM 1 H 7 ; proclamation faite au début de l’insurrection, traduite et reproduite par Féraud, « Notes sur Bougie », Revue africaine, vol. 3, n° 18, août 1859, p. 451, publiée à nouveau avec indication cette fois du destinataire par Aucapitaine, « Linsurrection de la Grande Kabylie 1850-1851. Le chérif Bou-Barla », Revue de lOrient, de lAlgérie et des Colonies, nouvelle série, t. XIII, 1861, p. 38-39 ; env. 3.5.1851, lettre du chérif Sî Muhammad ben Abd al-Lâh à Sî Sharîf Amzyân ben Sî al-Mûhub, caïd dImûla, apportée par ce dernier à Bougie le 5.5.1851, pas doriginal arabe, traduction jointe au rapport du 6.5.1851, Bougie, n° 53, 3ème section, A. de Wengi, CSC au GG, CAOM 2 H 8 ; lettre de Bû Baghlâ aux marabouts de Tîfrit n’At um-Malik, chez les At Yadjâr, interceptée et traduite par le bureau arabe de Bougie, sans l’original arabe, CAOM 43 KK 43, Bougie, 14.5.1852, Bougie à Sétif. Hanoteau indique que « Bou-Ber’la se faisait appeler Mohammed-ben-Allah », Poésies populaires de la Kabylie du Djurdjura. Texte kabyle et traduction, Paris, Imprimerie impériale, 1867, p. 71. [13]L’auteur finit par remettre le manuscrit au capitaine Beauprêtre, sur l’insistance de ce dernier, qui l’adresse le 24 juillet 1854 au colonel de Neveu, chef du bureau politique à Alger. Il est traduit par Alfred Clerc. Reproduit par Robin, op.cit., p. 363 et Histoire des Amaraoua et de tout ce qui s’y est passé avec les ennemis de dieu, des incendies, des meurtres, etc., op.cit., p. 374. [14]Féraud, « Notes sur Bougie », Revue africaine, vol. 3, n° 18, août 1859, p. 444-445. [15]Charles Devaux, Les Kébaïles du Djerdjera. Études nouvelles sur les pays vulgairement appelés la Grande Kabylie, Marseille, Camion, et Paris, Challamel, 1859, 367 p. [16] Aucapitaine, « Linsurrection de la Grande Kabylie 1850-1851. Le chérif Bou-Barla », Revue de lOrient, de lAlgérie et des Colonies, nouvelle série, t. XII, 1860, p. 396 ; ou dans Les Kabyles et la colonisation de lAlgérie, Paris, Alger, Challamel et Bastide, 1864, p. 141. [17] Robin, op.cit., p. 26. [18] Robin, op.cit., p. 26 ; Émile Larcher, Traité élémentaire de législation algérienne, Paris, Alger, A. Rousseau, 1911, vol. 1, p. 61. [19] Robin, op.cit., p. 33. [20]D’après Oussedik, op.cit., p. 13 ; reproduit dans Christiane Achour dir., Dictionnaire des œuvres algériennes en langue française. Essais, romans, nouvelles, contes, récits autobiographiques, théâtre, poésie, récits pour enfants, Paris, L’Harmattan, 1990, p. 59. [21] Moniteur algérien, 10.1.1855. [22] Louis de Baudicour, La guerre et le gouvernement de l’Algérie, Paris, Sagnier et Bray, 1853, p. 468. [23] Ibid., p. 469. [24]Aumale, 2.3.1851, n° 29, colonel d’Aurelles, cité par Robin, op.cit., p. 33. [25] Salah Ferkous, Officiers et tribus. Les bureaux arabes dans la province de Constantine (1844-1857), thèse de 3e cycle, université de Montpellier III, 1984, t. I, p. 253. [26] Il n’est cependant pas un chérif sahrâwî comme l’écrit Hocine Aït-Ahmed, un des leaders de la guerre de libération, par confusion avec le chérif d’Ouargla : « cette même notion d’honneur mobilisera, quelques années plus tard, les femmes d’Ait-Sedqa pour délivrer la famille nombreuse du grand résistant du Sud, Bou Baghla, réfugié chez les Ait-Ouacif ; le capitaine Beauprêtre ayant profité de l’absence des hommes partis au marché pour faire un coup de main psychologique (sic) et prendre en otage tous les proches du chérif Sahraoui de l’Algérois chassé de sa région par la conquête coloniale. », « Éléments pour une éthique du droit d’asile lié aux droits de l’homme », La forteresse européenne et les réfugiés. Actes des 1ères assises européennes sur le droit d’asile, 15-17 février 1985, Lausanne, Éditions d’En Bas, 1985, p. 52. [27] Baudicour, op.cit., p. 469. La chronologie est imprécise. [28]Aumale, 22.2.1851, colonel d’Aurelles, cité par Robin, op.cit., p. 28. [29] Ibid., p. 25. [30] Ibid., p. 114. [31] Hanoteau, Poésies populaires de la Kabylie du Djurdjura. Texte kabyle et traduction, Paris, Imprimerie impériale, 1867, p. 43-44. [32] Hanoteau traduit le terme dans le sens de « maugrebin », c’est-à-dire de Marocain, alors qu’il peut simplement être rendu par homme de l’Ouest, ibid., p. 71. [33] Ibid., p. 71. [34] Ibid., p. 72. 1 inShare Plus Par Abdel-Aziz Sadki Publié dans : Histoire du mouvement chérifien algérien 1845-1854 Ecrire un commentaire Mardi 15 janvier 2013 Histoire du mouvement chérifien - Bû Baghlâ (Bou Baghla) 2-5 La parenté qâdirienne – Sî ‘Abd al-Qâdir ben Muhammad, des Awlâd Sîdî Qâda ben Mukhtâr Il se trouve que Bû Baghlâ a tout lieu dêtre un véritable chérif du Ghârb, car une voie singulière le rattache à la famille de ‘Abd al-Qâdir. Nadir propose d’y reconnaître le nommé Sî ‘Abd al-Qâdir ben Abî ‘Alî Abî Tâ’lib : « Ce dernier sétait autrefois révolté contre lEmir mais ne trouvant aucune audience chez les siens, il fut réduit à épouser le parti de El Hadj Moussa El Darkaoui lors du combat qui a opposé ce dernier à lEmir au mois davril 1835. Poursuivant la carrière de son ancien maître qui se faisait appeler Bou-Hmar (lhomme à lâne), Abd el Kader Ben Ali deviendra le chef de linsurrection de Kabylie en 1849 avec le surnom de Bou-Baghla. »[1]Ces courts repères biographiques ne lèvent pas les incertitudes et ne dissipent pas les confusions. L’assimilation au cousin du sultan ‘Abd al-Qâdir ne va pas de soi. Serait-il alors lié à Bint an-Nabî, fille Sîdî al-Hâjj Bû Tâ’lib ?[2] Bû Baghlâ ne peut se confondre avec l’oncle de ‘Abd al-Qâdir. Au cours de la campagne qâdirienne lancée en septembre 1845, Sîdî ‘Alî Bû Tâ’lib soulève les montagnards au Nord de Mascara, notamment les Beni Chougran, cela pour le compte de son parent ‘Abd al-Qâdir, d’après les récits qui circulent. La situation devient par la suite plus difficile pour les insurgés, contrariés par les opérations du général de Lamoricière et du colonel Géry. Les premiers jours de novembre, l’allégeance n’est plus la même, puisqu’il est représenté comme khalîfa de Bû Ma’za : « Sidi-Ali-Bou-Taleb, kalifa de Bou-Maza, ce qui a révolutionné les montagnes qui sont au nord de Mascara, vient de se retirer devant la colonne du général de Lamoricière et s’est réfugié chez les Chorfa, dont le territoire paraît être le champ d’asile de l’aristocratie des révoltés. »[3]Mais, tout cela n’est pas clair. Il aurait fait mouvement vers l’Ouest, « après avoir reçu un cadeau de 600 réaux des mains de l’Emir ».[4]Pellissier de Reynaud relate plus tard l’insurrection de la subdivision de Mascara, qui survient en octobre 1845. Les insurgés dirigés par ‘Alî Bû Tâ’lib cherchent à s’emparer de la ville et ont à combattre la garnison du colonel Géry : « C’était un parent d’Abd-el-Kader, Ali-bou-Thaleb, dont nous avons eu déjà occasion de parler, qui dirigeait l’insurrection dans le centre de la province d’Oran. » Les insurgés bloquent les camps de Saïda et de Daya. Le général Lamoricière met en place la combinaison suivante : il envoie les généraux Korte à Daya et Géry à Saïda, engage le général Thiery à gagner Sidi-bel-Abbès depuis Oran, pendant que lui-même se porte au cœur du dispositif insurrectionnel, Mascara, pour tenir la ligne entre celle-ci et Frenda. « Abd-el-Kader venait de paraître au sud de cette dernière localité, cherchant à gagner la vallée du Chélif. »[5]‘Alî Bû Tâ’lib est l’oncle de ‘Abd al-Qâdir, selon Pellissier, qui consigne un événement plus ancien, lié à la grande campagne française contre les Hâshim, notamment Sharâga.[6]Mais, Pellissier fait erreur, ce qui nenlève rien à limportance du personnage considéré. Quant à l’oncle, il est précisément le frère de Muhî ad-Dîn, père de ‘Abd al-Qâdir, comme l’atteste Auguste Warnier qui connaît bien la famille. Au sein de cette dernière, il le présente comme le chef de l’opposition à l’affirmation du pouvoir de ‘Abd al-Qâdir : « Un de ses oncles, Sidi-Ali-Bou-Taleb, le frère de son père, le père de son unique femme légitime, avec trois de ses fils, conséquemment cousins germains et beaux-frères de l’émir, ont conspiré ouvertement contre lui, depuis le jour de son avènement au pouvoir, jusqu’au moment où ces membres de sa famille, ses plus proches parents, après avoir fait leur soumission à la France, se sont réfugiés au Maroc. »[7]Le plus marquant « de ces cousins, Sidi-Abdel-el-Kader-Bou-Taleb, était chef de la secte politique des Derkaoua à laquelle ses statuts ordonnent de ne reconnaître que Dieu pour souverain et de combattre tout homme exerçant un commandement politique sur ses semblables. »[8]Warnier, précise en novembre 1843, que le chef de la famille est déjà décédé : « Depuis la mort de Sidi Aly Bou Taleb, l’Emir n’a plus d’oncle. »[9] Un cousin du sultan porte effectivement le nom de Sîdî ‘Abd al-Qâdir Bû Tâ’lib, « fils de l’oncle de l’Emir », toujours d’après le docteur Warnier qui fait une enquête minutieuse, à l’occasion de la mission dont il est investi auprès des Algériens déportés à l’Île Sainte-Marguerite en novembre 1843. En retranchant les morts et les disparus, 41 hommes relèvent de la famille des Awlâd Sîdî Qâda ben Mukhtâr. Ce cousin est cité en neuvième position. La recension est sûrement frappée au coin de la véracité, car Warnier prend une initiative politique, celle de combattre toute erreur, dissimulation ou usurpation en la matière : « Pour éviter qu’à l’avenir, on ne donne à tort aux prisonniers arabes la qualité d’oncles ou de cousins de l’Emir, j’ai dressé la liste nominative des 41 membres des Ouled Sidi Kada Ben Moctar, parens de l’Emir, dont les noms représentent une famille distincte dans cette grande famille. »[10]Par contre, les filiations matrilinéaires ou utérines lui échappent complètement, malgré ses efforts : « Nous avons également cherché à nous procurer la lignée maternelle de l’Emir, mais il nous a été impossible d’arriver à ce résultat, parce qu’elle n’est même pas connue des Arabes les plus instruits. »[11]La conséquence est évidente : elles sont davantage exclues de la dévolution politique et religieuse directe, mais leur plasticité et leurs zones dombres permettent quand même des possibilités d’action et d’ascension. Carette prend appui sur le travail du capitaine de Neveu et écrit, faisant successivement écho aux années 1838 et 1845 : « Depuis dix ans le grand maître des Derkaoua est Sidi-Abd-el-Kader-Boutaleb, cousin germain de l’émir. Mais il s’est tenu longtemps éloigné de lui, et ne se décida à l’aider de son influence qu’il y a environ trois ans ».[12]Par ailleurs, il en est un qui est emprisonné à l’Île Sainte-Marguerite en novembre 1845, sans plus de précision.[13] L’identification de Nadir ne correspond quincomplètement au rapport Margueritte et à la Note historique sur l’ordre de Mouley-Tayeb, qui font du chérif un neveu du sultan, sous le nom de Sî Abd al-Qâdir ben Muhammad, des Awlâd Sîdî Qâda ben Mukhtâr. La différence est patente. On ne sait pourquoi Nadir l’a en fait écartée. Cousin et neveu ne peuvent généralement se confondre, puisquils ne sont pas au même degré de la parentèle, sauf pour des conceptions issues de mariages consanguins. La Note reprend le rapport Margueritte, quant à lidentité du personnage. Se tromper n’est pas l’apanage de l’informateur Sî al-Hâjj Muhammad ben Brâhim. Le lieutenant de Bû Baghlâ s’annonce comme membre de la famille de ‘Abd al-Qâdir : il ne retient pas cette assertion, alors qu’il la conserve pour Bû Baghlâ. Serait-ce alors une confusion de Margueritte, auteur de l’interrogatoire ? Le plus rationnel, en l’état de la documentation disponible, est de revenir au point nodal de l’information et de croire Sî Al-Hâjj Muhammad ben Brâhim, seul chef du mouvement chérifien, qui précise l’identité de Bû Baghlâ : « Si Abdel Kader ben Mohamed, dit Bou Baghla (3), des Od Sidi Kada Ben Mokhtar, neveu dAbdel Kader ; cest lui qui est à la tête du mouvement de la Kabylie, où il a été envoyé par Si Mohamed ben Safi. »[14] Mais, si la comptabilité de Warnier est exacte, l’identification avec Sî ‘Abd al-Qâdîr Bû Tâ’lib ne peut être exclue et devient une hypothèse forte. D’ailleurs, les liens étroits qui unissent Bû Baghlâ au chérif Al-Hâshimî et le point d’honneur qu’il met à en venger la mort donnent à penser qu’ils appartiennent à la même famille. L’appartenance à la famille de ‘Abd al-Qâdir donne alors un sens particulier à l’action de Bû Baghlâ. D’un côté, il en poursuit l’œuvre sous une autre forme, de l’autre il donne la primauté à la branche aînée de la famille, enfin il se ménage une solution nouvelle alors que le qâdirisme a fortement perdu de son efficience depuis 1848.[15] Peu d’éléments précisent l’âge de Bû Baghlâ. Aucapitaine le représente en 1851 comme un jeune Arabe.[16]Robin en fait au contraire un homme d’âge mûr et lui donne une quarantaine d’année, ce qui le fait naître vers 1811.[17]Les descriptions physiques convergent. Selon une sémantique raciste, il est désigné tantôt comme un « nègre », tantôt comme un « mulâtre ». Elle prend naissance très tôt. Les renseignements procèdent d’un espion envoyé par le khalîfa Sî Muhî ad-Dîn, repris le 13 avril 1851, par le général Blangini, chef de la division d’Alger, dans une lettre au gouverneur : « Bou Baghla lui même est un homme, très grand, très gros, noir presquautant quun nègre, ayant de très grosses lèvres et une haleine fétide. »[18] Le télégramme du 30 juillet 1854, qui vise à prévenir ses tentatives pour quitter la Kabylie est dans la même veine : « Taille moyenne, teint basané, barbe noire assez forte, sourcils noirs, nez gros, lèvres très prononcées. Fort et trapus, embonpoint considérable. Tatoué au milieu du front, sur chaque tempe et sur le dos de la main. Paraît estropié du petit doigt de la main droite, qu’il conserve toujours fermé. Sur chaque épaule il a, écrit en arabe : la ilaha, illa Allah, Sidi Mohamed reçoul Allah (il n’y a de Dieu que Dieu, monseigneur Mohamed est l’Envoyé de Dieu). Il lui manque une dent incisive à la mâchoire supérieure. La peau qui porte le sourcil droit est détachée et retombe sur l’œil sans le recouvrir complètement : l’œil n’est pas endommagé. »[19]Aucapitaine le peint de la sorte : « Bou Bar’la était un homme gros, de taille moyenne, très-brun, presque mulâtre, les lèvres très-proéminentes ; il avait un ouchem (tatouage), une étoile au milieu du front ».[20] Robin en dresse un portrait ingrat et composite. Malgré ses efforts, il ne parvient pas à se déprendre des jugements négatifs, qui procèdent de ses sources, y compris du télégramme précité. Car, il le sait, l’action qu’il réussit à imprimer en Kabylie plusieurs années durant contredit le procès en sorcellerie fait constamment au chérif. En voici l’esquisse : « C’était un homme d’une quarantaine d’années, à barbe noire et à peau basanée ; avec ses traits vulgaires, son nez camus et enfoncé à la racine, sa large face et ses lèvres épaisses, on pouvait le trouver laid, mais on ne pouvait lui refuser une physionomie intelligente. Ce qu’il avait de remarquable, c’étaient ses grands yeux noirs qui, lorsqu’il était irrité, ce qui arrivait souvent, prenaient une expression terrifiante. Il était de taille moyenne, mais trapu et vigoureux, et toute sa personne respirait la force et l’audace. »[21] L’ingénieur civil Lagler-Parquet atteste plus tard qu’il est « mulâtre ». L’opinion publique, qui lui est défavorable, y voit souvent « un nègre (oussif), ce qui était du reste parfaitement exagéré, attendu que la tête que j’ai vue » à deux reprises « était celle d’un mulâtre et non pas celle d’un nègre. »[22]Aux marchés de Bordj-bou-Aréridj, puis de Sétif, où sa tête est exposée, une partie de la population, en proie au désarroi, cherche une compensation dans des penchants racistes : « Là, aussi, pas mal de croyant se consolaient de sa perte en voyant que c’était un mulâtre. »[23]La famille des Awlâd Sîdî Qâda ben Mukhtâr pratique fortement l’esclavage et connaît d’importants « métissages ». Et les relations hors mariage débouchent souvent sur des naissances. Les familles riches, en particulier chérifiennes, s’y adonnent largement. Outre son père et son oncle, c’est le cas pour ‘Abd al-Qâdir, pour Tijâni, mais aussi pour Bû Ma’za ou Bû Baghlâ. Ce dernier survit à une grave blessure à l’œil gauche, qui a failli l’emporter, dans un combat chez les ‘Azâzga, près du village d’Il-Maten, le 7 avril 1854. Contrairement aux apparences, la dépréciation physique attentée à Bû Baghlâ n’a pas joué dans la réalité des faits. © Abdel-Aziz Sadki mis en ligne le 15 janvier 2013 [1] Ahmed Nadir, « Les ordres religieux et la conquête française (1830-1851) », Revue algérienne des sciences juridiques, économiques et politiques, IX (4), déc. 1972, p. 853. Les sources et la démarche qui permettent de proposer une telle identification ne sont pas données par l’auteur. Eugène Daumas signale l’existence d’une fille de Sîdî al-Hâjj Bû Tâ’lib, prénommée Bint An-Nabî, qui serait née vers 1821, note jointe à la dépêche, Mascara, 13.4.1839, reproduit dans la Correspondance du Capitaine Daumas, Consul à Mascara (1837-1839), publiée par Georges Yver, Alger, A. Jourdan, Paris, Geuthner, 1912, p. 644. [2] Daumas, note jointe à la dépêche, Mascara, 13.4.1839, ibid., p. 644. [3] L’Akhbar, 9.11.1845. [4] SHAT 1 H 108, Saïda, 26.11.1845, capitaine CSC, au LG Lamoricière. [5] E. Pellissier de Reynaud, Annales algériennes. Nouvelle édition revue, corrigée et continuée jusquà la chute dAbd el-Kader, avec un appendice contenant le résumé de lhistoire de lAlgérie de 1848 à 1854 et divers mémoires et documents, Paris, Dumaine, Alger, Bastide, 2e éd., octobre 1854, t. III, p. 192. [6]« Quelques-uns, sous la conduite d’Ali-bou-Taleb, oncle de l’Émir, se portèrent chez les Djaffra » le 26 mars 1842. E. Pellissier de Reynaud, Annales algériennes. Nouvelle édition revue, corrigée et continuée jusquà la chute dAbd el-Kader, avec un appendice contenant le résumé de lhistoire de lAlgérie de 1848 à 1854 et divers mémoires et documents, Paris, Dumaine, Alger, Bastide, 2e éd., octobre 1854, t. III, p. 12. Par ailleurs, il est un cousin ou neveu du sultan, car la confusion persiste, nommé Sî Al-Hâjj ‘Alî Bû Tâ’lib, né à Mascara vers 1820, fils de Sî Ahmad Bû Tâ’lib, d’après Michaux-Bellaire. Il s’exile au Maroc, en même temps qu’une grande partie de sa famille, les Bû Tâ’lib, au moment de la grande hijra des années 1850, consécutive à la conquête française. Il séjourne d’abord à Fès, puis à Tanger, avant d’émigrer en Syrie, plusieurs années durant à Damas, auprès de ‘Abd al-Qâdir. Rentré en Algérie, il est expulsé par les Français vers le Maroc et regagne Tanger. La légation de France le reçoit mal. Il entre en contact avec la légation d’Allemagne, tenue alors par Theodor Weber, ancien consul général qu’il a connu en Syrie. L’Allemagne pense trouver en lui un agent, dont elle peut tirer profit. En 1879, Sî Al-Hâjj ‘Alî Bû Tâ’lib contribue grandement, en tant qu’Algérien arabophone, musulman et chérif à la réussite de l’expédition du docteur Lenz à Tombouctou, sanctionnée par la décoration de l’Aigle rouge. Dénué de ressources, cela lui donne des gratifications pécuniaires et une certaine célébrité, qui le fait considérer d’un œil nouveau. Le gouvernement marocain l’expulse à son tour en 1884 en direction de l’Algérie, où les Français refusent de l’accueillir, arguant de la précédente expulsion. Dès lors, il se détourne de son statut de national français et se rend à Istanbul, où il obtient la nationalité ottomane. Il revient à Tanger, cette fois en tant que sujet et agent ottoman. Il est de l’ambassade du comte de Tattenbach à Fès en 1905. L’année suivante, il retourne à Fès, en compagnie d’un ingénieur allemand, apparemment en charge d’obtenir des concessions minières. Ses relations avec le gouvernement marocain traduisent une attention plus favorable de la part de ce dernier. Sî al-Hâjj ‘Alî Bû Tâ’lib illustre les déboires des exilés algériens, en butte à des conditions de vie souvent misérables, et pris dans un no man’s land juridique, sans cesse ballottés entre différents pays et nationalités. Il se fraie un chemin difficile dans les arcanes diplomatiques. En 1907, Michaux-Bellaire, qui voit en lui « un homme intelligent » et regrette que la France n’ait pas su l’utiliser à son profit, écrit que « Le Hâdj ‘Ali ben Tâleb, aujourd’hui très âgé, a eu une existence assez agitée. » Il cherche apparemment à entrer en grâce auprès des Français. En septembre 1907, il fait don à la Bibliothèque nationale d’Alger d’un manuscrit, anonyme, Vie du Hadj Abdeldader ben Mahi Eddin. Il meurt en 1909. Sur son compte, voir Bulletin de la société de géographie de l’Est, 1882, vol. 4, p. 739-740 ; Ed. Michaux-Bellaire, « Les musulmans d’Algérie au Maroc », Archives marocaines, Paris, Ernest Leroux, 1907, t. XI, p. 13 ; Jean-Louis Miège, Le Maroc et l’Europe. 1830-1894. Vers la crise, Paris, P.U.F., 1963 ; Louis Massignon, « Le Hadj Ali Bou Taleb. 1820-1909 », Revue du monde musulman, 1910, vol. 10, n° 2, p. 266. [7] CAOM F 80 564, Auguste Warnier, « Rapport sur la qualité, l’origine et l’importance des prisonniers arabes détenus au fort Ste Marguerite », s.d. (novembre 1843). [8] Warnier, docteur, L’Algérie devant l’Empereur. Pour faire suite à L’Algérie devant le Sénat et à L’Algérie devant l’opinion publique, Paris, Challamel, octobre 1865, p. 59-60. [9] CAOM F 80 564, Warnier, « Rapport sur la qualité, l’origine et l’importance des prisonniers arabes détenus au fort Ste Marguerite », s.d. (novembre 1843). [10] Ibid. [11] Ibid. [12] Ernest Carette, Claude Antoine Rozet, LAlgérie, Paris, Firmin Didot, 1850, p. 140. [13]« Nous avons maintenant aux Îles Sainte-Marguerite un cousin d’Abd-el-Kader, du même nom que lui, l’Hadj Abd-el-Kader », L’Afrique. Journal de la colonisation française, et revue générale de la presse, du 22 au 26 .11.1845, p. 362. C’est en fait le khûjja de Bû Ma’za. Il est difficile de savoir s’il s’agit du même personnage que l’auteur du soulèvement autour de Mascara. [14] CAOM 1 H 7, Miliana, 11.7.1851, lieut. Margueritte, cbac Teniet el-Had et le cap. dEM adjoint, Lesieur, au col. Beauchamp, CSS Miliana, « Rapport des chefs des bureaux arabes de Milianah et Teniet el Had sur les chérifs de lAlgérie ». Tel nom est cité à deux reprises dans le rapport. [15] Cette question a une importance historiographique. Une manière de la trancher consiste à faire une analyse d’ADN, entre Al-Hâshimî, Bû Baghlâ, ‘Abd al-Qâdir dont les restes se trouvent à Alger depuis leur transfert depuis Damas et des descendants de la famille. Avis aux mécènes et aux biologistes, intéressés par une démarche scientifique. [16] Aucapitaine, Les Kabyles et la colonisation de lAlgérie, Paris, Alger, Challamel et Bastide, 1864, p. 140. [17] Quant à Sî ‘Abd al-Qâdir, fils de Sîdî ‘Alî Bû Tâ’lib, il a 40 ans en 1839 selon Daumas, ce qui lui donne 1799 pour année de naissance ; voir la note jointe à la dépêche, Mascara, 13.4.1839, op.cit., p. 643. Les analyses anthropologiques du crâne de Bû Baghlâ doivent permettre d’en fixer l’âge. [18] CAOM 2 H 8, Tablat, 13.4.1851, n° 2, Blangini, GCDA, au GG, « Renseignements sur le Cherif Bou Boghla ». [19]Reproduit dans Robin, op.cit., p. 352. [20] Aucapitaine, « Linsurrection de la Grande Kabylie 1850-1851. Le chérif Bou-Barla », Revue de lOrient, de lAlgérie et des Colonies, nouvelle série, t. XIII, 1861, p. 38. [21] Robin, op.cit., p. 25. [22] Note I, annexée aux « Notes chronologiques pour servir à l’histoire de l’occupation française dans la région d’Aumale », de G. Bourjade, capitaine aux affaires indigènes, Revue africaine, vol 35, 1891, p. 89. [23] Ibid., p. 91. 1 inShare Plus Par Abdel-Aziz Sadki Publié dans : Histoire du mouvement chérifien algérien 1845-1854 Ecrire un commentaire Mardi 15 janvier 2013 Histoire du mouvement chérifien - Bû Baghlâ (Bou Baghla) 3-5 Bû Baghlâ avant Bû Baghlâ – Ses débuts Son identité étant opaque, ses antécédents sont par suite mal étayés et la chronologie pose des difficultés. Des auteurs assez nombreux font remonter son action à 1848-1849. L’origine s’en trouve principalement chez Féraud, qui confond parfois les chérifs et se satisfait d’une chronologie approximative. Ainsi l’avènement de Bû Baghlâ est contemporain de la révolution de février 1848 en France : « il ne fallut rien moins que la révolution de février, pour qu’un obscur fauteur de désordres nous représentât comme étant dans l’impossibilité de conserver notre conquête, et provoquât de nouveaux symptômes d’insurrection dans la région kabyle de la vallée de l’Oued-Sahel. L’apparition du chérif Bou-Baghla (l’homme à la mule) ne produisit d’abord que des actes de rébellion insignifiants ».[1]Quelques lignes plus loin, son irruption est cette fois concomitante au siège de Zaâtcha en 1849 : « C’est à cette époque qu’un personnage, d’origine problématique, commença à jouer le rôle de chérif à la Kalâa des Beni-Abbas, sous le nom de Bou-Baghla. Renvoyé immédiatement par la population, qui restait sourde à ses prédications incendiaires, il se retira chez les Beni-Mellikech, où les mauvais sujets de tous pays vinrent se joindre à lui. »[2] Avec des arguments plus solides, Robin fait remonter son arrivée dans la région d’Aumale à la même époque[3]: « Vers 1849 arriva dans les tribus du cercle d’Aumale un étranger venant de l’Ouest, qui se mit à parcourir les villages et les marchés ; il se disait taleb et il écrivait des talismans préservant de toutes sortes de maux et guérissant toutes les maladies ; il faisait aussi le métier de devin, et il avait, paraît-il, un procédé tout particulier pour rendre fécondes les femmes stériles. On l’a accusé, en outre, de la fausse monnaie. »[4]Bû Baghlâ séjourne dans le Titteri, chez les ‘Adâ’ûra, où il prend femme et réside un temps dans la fraction des Awlâd Sultân. De plus, il vit à de nombreuses reprises chez Sî Muhammad Brâhim, des Awlâd Sîdî Muhammad al-Khidar et chez ‘Alî ben Ja’far, dans la tribu des Awlâd Drîs.[5] Nadir fait de Bû Baghlâ « le chef de linsurrection de Kabylie en 1849 » et méconnaît le rôle des autres chérifs dans son article, alors que l’historiographie la plus solide retient l’année 1851 comme celle de son avènement réel. L’article trouve au demeurant peu de lecteurs. Alors qu’il figure assez souvent en bibliographie, peu d’auteurs intègrent son apport avec profit dans le corps de leurs publications. Youssef Nacib s’appuie sur lui en 1988, désigne Abd al-Qâdir ben Alî comme qâdirî – selon une assimilation qui répète la tradition rattachant la famille de Abd al-Qâdir à la Qâdiriyyah, à moins que ce ne soit en raison des antécédents qâdirîs de Bû Baghlâ – et répète qu’il « deviendra le chef de linsurrection de Kabylie en 1849 ».[6]Dans son ouvrage sur les bureaux arabes, Jacques Frémeaux, pourtant au fait de larticle précité, ne le désigne que sous son nom de guerre, Bû Baghlâ. Salah Ferkous le signale comme un « obscur taleb ».[7] Les premiers auteurs fixent les débuts de Bû Baghlâ en 1850, selon des renseignements qui procèdent a posteriori. C’est ainsi de Baudicour comme l’on a vu et de Devaux qui signale son apparition en 1850 à Aumale[8], où il lutte à sa manière contre la stérilité des femmes. Les procédés, peu licites, entraînent sa dénonciation par un mari jaloux et son emprisonnement par le bureau arabe. Relâché, il commence ses prédications en vue d’organiser un soulèvement. Dénoncé et traqué, il se réfugie chez les At ‘Abbâs et adopte une stratégie plus patiente et plus prudente.[9] Pour Aucapitaine, Bû Baghlâ accède à la publicité à partir de 1850, dans la subdivision dAumale. Il se présente, ainsi quun marabout ou derviche gyrovague, vêtu de haillons, un chapelet à gros grains autour du coup et une écritoire dans la ceinture. Il a les dehors dun saint homme, psalmodiant la shahâda, envahi par une béatitude profonde. Bû Baghlâ sinstalle, avec une tente misérable, sur le grand marché du dimanche des Awlâd Drîs, dans la région d’Aumale et délivre des amulettes et des talismans, pour les bandits qui veulent racheter leurs fautes et surtout les femmes, soucieuses de vaincre leur stérilité. Sa réputation et sa clientèle saccroissent de dimanche en dimanche. Un jour, un mari se penche sous la toile de la tente alors que sa femme rend visite au derviche et sen relève furieux, prêt à le massacrer. Il sen plaint aux autorités françaises, qui décident dincarcérer un temps le derviche dans la prison dAumale.[10]Relâché, il traverse la plaine des Arîb, puis les tribus du versant méridional du Djurdjura et gagne finalement la puissante tribu des At Abbâs, alors soumise aux Français. Ces derniers sont alors échaudés par les prédicateurs politiques et religieux. Avertis de la perturbation quentretient le derviche, le commandement militaire français à Aumale ordonne aux At Abbâs de le faire arrêter. Un conflit assez grave survient entre les défenseurs du derviche, qui veulent lui accorder lhospitalité et ceux qui pour des raisons politiques et commerciales ne veulent pas ruiner leurs intérêts en attirant le courroux des Français. Pour sauvegarder lanaya, ils le laissent partir. Bû Baghlâ gagne alors les Imlikshân, qui dardent toujours leur indépendance. Il élit domicile chez une vieille femme kabyle, retiré du monde, investi dans la prière et le jeûne. Laustérité du derviche impressionne les Kabyles. Il sannonce bientôt comme le véritable Sî Muhammad ben Abd al-Lâh. Mais les Imlikshân lui opposent quil manque des moyens matériels pour faire la guerre, argent, poudre etc. Bû Baghlâ leur rétorque : « Comment ? gens de peu de foi ! croyez-vous que Dieu refuse quelque chose à ses élus, à ceux qui combattent pour la religion ? Nest-ce que de largent ?... je nai quà frapper le sol pour en faire jaillir... »[11]Le chérif frappe alors du pied et soulève sa natte où on découvre un trou rempli de douros, ce qui suscite lémerveillement des Imlikshân et atteste ses pouvoirs surnaturels. Plus récemment, de nombreux historiens datent, cette fois par erreur, les grands débuts de Bû Baghlâ de 1850.[12] Dans une lettre probablement du 3 mai 1851, qu’il adresse à Sî Sharîf Amzyân ben Sî al-Mûhub, caïd d’Imûla, Bû Baghlâ déclare que les Français l’ont plusieurs fois sollicité dans le passé pour lui confier un commandement : « j’ai refusé trois fois le pouvoir pour rester fidèle à la religion musulmane. » [13] Cette concession d’un rôle publiquement reconnu, y compris par les Français et avant même son arrivée en Kabylie, entre en résonance avec des éléments d’informations qui surgissent un mois plus tard. Le capitaine Lapasset enquête à l’occasion de la mort du chérif Îsâ ben Qûîdar. Une note inédite en condense quelques résultats le 3 juin 1851. Elle pose des jalons sur Bû Baghlâ, qui a ainsi « joué un rôle assez important comme lieutenant du véritable Bou Maza, dans les subdivisions dOrléansville et de Milianah. »[14]L’échec de la guerre et la reddition de son chef au printemps 1847 changent la donne et entraînent la hijra de Bû Baghlâ, qui « serait allé à la Mecque lorsque ce dernier [Bû Ma’za] a été envoyé en France, et serait [Bû Baghlâ] revenu vers la fin de 1849, avec une trentaine dhommes dévoués à sa cause ».[15] La date et le nombre d’hommes correspondent parfaitement aux données collectées par les commandements français à l’automne de 1849. La chronologie est plus incertaine. Le hâjj et le retour de La Mecque peuvent également se placer en 1850. À son retour, « il aurait enlevé à Moula Brahim linfluence quil sétait créée chez les tribus de la rive gauche de lOued Sahel, et serait parvenu à réunir les partisans à la tête desquels il a engagé la guerre avec nos tribus. »[16] L’événement est ici décalé : ce n’est qu’en mars 1851 que Bû Baghlâ supplante son devancier dans le commandement des opérations en Kabylie. La Notehistorique sur l’ordre de Mouley-Tayeb dessine des linéaments qui ne se trouvent nulle part ailleurs[17] : « Si Abdelkader ben Mohamed Bou Baghla, des Oulad Sidi Mokhtar et parent dAbdelkader. Il appartenait également à la secte dAbdelkader ben Djilali, mais après la bataille de la Sikak, il avait été recueilli par Mohamed ben Safi qui le garda quelques temps chez lui, puis lenvoya diriger la Médersa des Khouan de Mouley Tayeb installée au Chab-Ben-Dra des Beni Ouarsous, des Trara, puis enfin le mit à la tête du soulèvement de la Kabylie qui eut lieu le 19 mars 1851. »[18] La bataille de la Sikkâk voit la victoire du général Bugeaud sur Abd al-Qâdir le 6 juillet 1836. L’auteur de la Note, s’appuyant sur le rapport Margueritte, met également à profit la brochure du capitaine de Neveu, qui lui-même reproduit une donnée plus ancienne. En 1839, Auguste Warnier relate qu’un homme des Awlâd Sîdî Qada ben Mûkhtar, dont il ne donne pas le nom mais qu’il sait parent de Abd al-Qâdir, se trouve à la tête de limportante zâwiyya tayyibîe, établie dans le village de Shaîb ben Drâa, chez les Beni Warsûs, une tribu intégrée au groupe des Trâra, près de la frontière marocaine.[19] Le caractère composite de la documentation et la reconstruction a posteriori qui ajoute des éléments vraisemblablement induits ne permettent pas de garantir la véracité des extraits précités, et de de Neveu et de la Note. Le mieux est de suivre Bû Baghlâ quand il parle sous la plume de son historiographe, qui retrace certains éléments de sa vie antérieurs à l’année 1851. « Cest en 1263 (1847) que le sultan quitta son pays natal, situé dans le Rerb, pour venir parmi nous. »[20]Cette identité occidentale est rapportée dès le printemps 1851. Elle transparaît à l’occasion de renseignements transmis par Beauprêtre au colonel d’Aurelles, qui commande à Aumale, ce dernier écrit le 2 mars 1851 : « Le derwiche surnommé Bou Bar’la serait, dit-on, un ancien prisonnier des îles Sainte-Marguerite, où on l’appelait Hadj Mohamed el R’orbi, homme à redouter par son audace. »[21]Elle est également signalée lors de l’entretien qui a lieu entre Sî Muhammad Sa’îd ben ‘Alî Sharîf et le lieutenant Beauprêtre : le marabout d’Ishallâdan le désigne du nom de Muhammad al-Gharbî.[22]Par suite, c’est sous ce nom qu’il est d’abord connu. Transitant certainement par la presse, le Moniteur algérien et L’Akhbar en particulier, il est reproduit par de Baudicour : le chérif apparaît d’abord sous cette identité, avant que le surnom de Bû Baghlâ ne s’impose.[23] Reprenons le récit de l’historiographe kabyle. Il quitte son pays natal, le Ghârb en H 1263, cest-à-dire l’Oranie, peut-être les Hâshim ou toute partie entre l’Oranie et l’Algérois en 1847, ce qui corrobore les données consignées par Lapasset le 3 juin 1851. L’année 1847 est un tournant. Comme beaucoup de chérifs et de partisans, il doit prendre le chemin de l’exil car linsurrection bû ma’zienne est vaincue, son chef ayant fait sa soumission en avril et la campagne militaire de ‘Abd al-Qâdir se termine pour ce dernier par un ultime refuge au Maroc. Bû Baghlâ atteint dans le mois de muharram une région encore indépendante, mais non précisée.[24] Là, il vit à la façon dun marabout ou dun derviche, écrivant des amulettes pour les hommes atteints de maladies. « Il se couvrait de grossiers vêtements ; il allait de localité en localité en se faisant passer pour un homme de rien, afin de ne pas être reconnu des renégats. »[25] Suite à ces pérégrinations, il arrive chez les ‘Adâûra, chez lesquels il se fixe pendant plus dune année. Il y épouse une fille de la noblesse locale. La réputation de Bû Baghlâ grandit dans le pays, écrit le tâlib : « Dès ce moment, la noblesse de caractère de notre sultan, son courage, sa valeur et ses talents équestres furent connus de tout le monde. Du reste, il est impossible dénumérer ses hauts faits ; musulmans et adorateurs des idoles entendirent parler de lui. »[26] Lhistoriographe, sans fournir de détails, affirme que les faits d’armes de Bû Baghlâ ont pour cette période un retentissement public. Pour sûr, il prend part à des actions de résistance avant 1851, mais sans que son rôle soit clairement établi. Une lettre que le chérif adresse en 1851 à un Waghlisî fait clairement allusion à leur action commune passée dans le pays. On le voit, la version, initiée par Devaux, puis Aucapitaine, est en fait alimentée par Bû Baghlâ lui-même. Après un séjour en Orient, Bû Baghlâ rentre en Kabylie, dans le pays des Igawâwan (Zwâwa) et s’installe chez les At ‘Abbâs.[27] Entre 1849 et 1851, Bû Baghlâ est surtout connu sous le nom de Mûlay Muhammad, désignation utilisée par le mouvement chérifien à des fins d’action publique. Il se présente dans les Kabylies du Djurdjura et des Babors dès 1849. Dans cette dernière, deux individus sont désignés sous le nom de Mûlay um-Muhammad parmi un groupe de chérifs en mai 1849.[28]En août, l’un d’eux, assurément Bû Baghlâ, est avec Mûlay Shuqfâ, personnalité d’envergure du pays[29], occupés à rendre son dynamisme à la résistance.[30]À l’automne, on le retrouve cette fois dans le Djurdjura. Il est, de toute évidence, un des deux chérifs, du nom de Mûlay Muhammad qui, avec Mûlay Brâhim, s’établissent dans le pays pour recueillir la succession du malheureux Sî Ahmad ben al-Tuhâmî al-Hâshimî, tué le 3 octobre 1849.[31] Leur séjour est de courte durée, tous deux prennent apparemment la direction de Zaâtsha, où le siège tient en haleine tout le monde, Algériens, Français et même au-delà, laissant pour un temps Mûlay Brâhim à peu près seul. De son côté, la première quizaine de novembre, le capitaine Labrousse, chef du bureau arabe de Philippeville, signale le départ de Mûlay Muhammad en compagnie d’un autre chérif, Ben ‘Abd as-Salâm, partis rejoindre Zaâtcha.[32] En septembre 1851, la liste fournie par le chérif Al-Hâjj Mustapha porte en huitième position un nommé Mûlay Muhammad. En précisant qu’il se trouve alors en Kabylie, preuve est faite qu’il s’agit de Bû Baghlâ.[33] Autant d’éléments, qui en dehors de quelques menues imprécisions, se retrouvent dans le rapport du capitaine Lapasset du 3 juin 1851. La reprise du nom de Mûlay Muhammad n’est pas fortuite : là encore, Bû Baghlâ reprend la succession politique du premier chérif du même nom, qui s’est illustré en Kabylie et marqué les années 1845-1848, puis d’Al-Hâshimî en 1849. Tel nom lui donne une suprématie sur les autres chérifs, dans le Tell kabyle tout au moins et montre la recherche de continuité dans la dévolution chérifienne et politique. Un chérif se déclare chez les At Sadqa en septembre 1850. Il se présente comme étant Bû Ma’za, ayant réussi à franchir la Méditerranée pour regagner l’Algérie. Mais, son identité réelle reste mystérieuse. Organisant une troupe, il attaque le village d’Indjedjera des At Maddûr, sans succès. Quatre de ses hommes sont tués et d’autres, en grand nombre, sont blessés. Le 29, il tente une nouvelle opération, également infructueuse. Il se tourne alors vers les At Yargan, les Ahl Ughdâl et les At Shablâ, chez qui il décide un certain nombre d’hommes qu’il mène contre des groupes qui refusent de le suivre. Mais, il essuie des insultes et reçoit un coup de sabre au bras.[34]Dès lors, il disparaît, sans laisser de trace. Robin signale qu’il est, en réalité, passé par les Flîtta, ce qui est peut-être un indice à ajouter pour le reconnaître comme étant Bû Baghlâ, puisque ce dernier a pour patron Sî Muhammad ben Safî. De plus, Bû Baghla est signalé comme ayant ensuite gagné les At ‘Abbâs. Enfin, le chérif a pour terrain d’élection les At Sadqa. © Abdel-Aziz Sadki mis en ligne le 15 janvier 2013 [1] Féraud, Histoire des villes de la province de Constantine. Sétif. Bordj-bou-Areridj, Mesila, Bousaada, L. Arnolet, 1872. Réédition et présentation par Larbi Rabdi, Histoire des villes de la province de Constantine. Sétif, Bordj-Bou-Arréridj, Msila, Boussaâda, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 99. Féraud confond Bû Baghlâ avec Al-Hâshimî. [2]Ibid., p. 100. Rinn, reprenant Féraud, écrit : « C’est, en effet, en 1849 que parut, dans la subdivision d’Aumale, un individu qui devait, plus tard, jouer un grand rôle dans les annales des insurrections algériennes. », Histoire de l’insurrection de 1871 en Algérie, Alger, A. Jourdan, 1891, p. 31. [3] Il s’appuie pour cela sur l’historiographe kabyle. [4] Robin, op.cit., p. 26. [5] Robin, op.cit., p. 26. [6] Youssef Nacib, Chants religieux du Djurdjura, Paris, Sindbad, 1988, p. 25. [7] Ferkous, op.cit., t. I, p. 253. [8]Devaux, op.cit., p. 367. Féraud, pour sa part, décale certains événements et les reporte de l’année 1851 et du début de 1852 à l’année 1850, « Notes sur Bougie », Revue africaine, vol. 3, n° 18, août 1859, notamment pour les pages 445 à 449. [9]Devaux, op.cit., p. 367-368. [10]Lanecdote est rapportée par le capitaine Devaux, ancien chef du bureau arabe de Beni Mansour et reproduite par Aucapitaine, Les Kabyles et la colonisation de lAlgérie, Paris, Alger, Challamel et Bastide, 1864, p. 141. [11]Rapporté par Aucapitaine, ibid., p. 150. L’interprète militaire Louis Guin retient, par erreur, la même date en 1870 : « En 1850, le kralifa et les goums de la Medjana prirent part à plusieurs expéditions dirigées contre Bou Barla », « Notes historiques sur les Adaoura », Revue africaine, 1873, vol. 17, p. 118. [12]Par exemple, Kharchi : « En 1850, si Mohamed-Lemdjed Ben-Abdelmalek organisera dans le Djurdjura une forte résistance à l’envahisseur français. En 1851, les tribus des massifs des babors se soulèveront à leur tour, sous la houlette de Bou-Baghla. », Colonisation et politique d’assimilation en Algérie. 1830-1962, Alger, Casbah Éditions, 2004, p. 107. 1850 est trop tôt. De plus, Bû Baghlâ n’a pas de lien ouvertement proclamé – en réalité si – avec la situation des Babors, dont la résistance est une réaction à la campagne française dévolue au général de Saint-Arnaud : ce n’est pas un soulèvement et le chérif n’en n’est pas l’auteur. Deux personnages sont ensuite confondus en un seul : « Les tribus des Babors qui s’étaient soulevées en 1851, sous la férule de Hadj Omar Bou-Baghla seront réduites en 1853, après plusieurs campagnes militaires. », p. 136. Vincent Joly écrit pour sa part : « En 1850, seule la région orientale a conservé son indépendance. Le foyer principal de la résistance est le pays zouaoua, au cœur de la Grande Kabylie. En 1850, un chef du nom de Bou Baghla soulève les tribus de l’Ouest. La région est « cassée » par les colonnes du colonel Charles Bourbaki et du général Pierre-Étienne Cuny, mais Bou Baghla leur échappe. », dans Abderrahmane Bouchène, Jean-Pierre Peyroulou, Ouanassa Siari Tengour, Sylvie Thénault dir., Histoire de l’Algérie à la période coloniale (1830-1962), Paris, Éditions La Découverte, Alger, Éditions Barzakh, 2012, p. 99. En dehors du fait que les repères cardinaux (« orientale », « Ouest ») sont incompréhensibles (est-il question de l’ensemble de l’Algérie ou de la seule Kabylie au sens large ?), sinon erronées et qu’il n’est pas vrai que « seule la région orientale » ait conservé alors son indépendance, l’année 1850 ne convient pas. Les événements considérés concernent en réalité l’année suivante. [13] CAOM 2 H 8, env. 3.5.1851, lettre du chérif Sî Muhammad ben Abd al-Lâh, dit Bû Baghlâ à Sî Sharîf Amzyân ben Sî al-Mûhub, caïd dImûla, apportée par ce dernier à Bougie le 5.5.1851 ; pas doriginal arabe, traduction jointe au rapport du 6.5.1851, Bougie, n° 53, 3ème section, A. de Wengi, CSC au GG, CAOM 2 H 8. [14] CAOM 10 H 78, BP, 3.6.1851, « Note sur les principaux agitateurs qui parcourent actuellement les tribus ». [15] Ibid. [16] Ibid. [17] Nadir, qui puise beaucoup dans la Note, s’en éloigne, de manière surprenante, à propos de Bû Baghlâ. [18] CAOM 10 H 38, Note historique sur lordre de Mouley-Tayeb, s.d., p. 30. [19] Cité par le capitaine Édouard de Neveu, Les Khouan. Ordres religieux chez les musulmans de lAlgérie, Alger, 3e éd., Adolphe Jourdan, 1913, p. 41. [20] Ibn Nûr ad-Dîn Abd an-Nûr al-Wasîfî, Histoire célèbre et hauts faits du très grand et très glorieux sultan notre Seigneur Mohamed Ben Abd-Allah Bou Seïf, H 1269 (1852-1853), dans Robin, « Histoire du chérif Bou Barla », Revue africaine, n° 28, 1884, p. 181. [21] Cité par Robin, Histoire du chérif Bou Barla, Alger, A. Jourdan, 1884, p. 33. [22]CAOM 2 H 8, bivouac des Beni Mansour, 29.3.1851, d’Aurelles, col. CSS Aumale, colonne de l’Oued Sahel, n° 1, à Blangini, GCDA. [23] Baudicour, op.cit., p. 468. [24] Dans tous les cas, la migration a lieu, en décembre-janvier, au cœur de l’hiver, soit 1846-1847, soit 1847-1848. [25] Ibn Nûr ad-Dîn Abd an-Nûr al-Wasîfî, Histoire célèbre et hauts faits du très grand et très glorieux sultan notre Seigneur Mohamed Ben Abd-Allah Bou Seïf, H 1269 (1852-1853), dans Robin, « Histoire du chérif Bou Barla », Revue africaine, n° 28, 1884, p. 183. [26] Ibid., p. 183-184. [27] Ibid., p. 184 ou Histoire du chérif Bou Barla, Alger, A. Jourdan, 1884, p. 362. L’expression « retourner chez les Zouaoua dans la ville d’El-Kelâa, de la tribu des Beni-Abbès », si la traduction d’Alfred Clerc est fidèle, indique bien qu’il a séjourné en Kabylie, ce qui confirme ses antécédents dans le pays. Cependant, les At ‘Abbâs ne font pas partie des Igawâwan, bien au contraire. [28]CAOM F80 496, Philippeville, 1.6.1849, capitaine cba, Labrousse, RQ2 mai 1849 ; vu par LC détat-major, CSC de Tourville. [29] Sur ce personnage, voir infra p. [30]CAOM F80 496, Philippeville, 16.8.1849, cap. Labrousse, cbac, RQ1 août 1849 ; Philippeville, 1.9.1849, du même, RQ2 août 1849. [31] Bû Baghlâ et le chef de l’insurrection kabyle en 1849, Sî Ahmad ben al-Tuhâmî al-Hâshimî appartiennent à la confédération des Hashîm, s’ils n’ont pas de liens de parenté plus étroits. [32]CAOM F80 496, Philippeville, 16.11.1849, cap. Labrousse, cbac, RQ1 novembre 1849. [33] Mûlay Brâhim est porté en neuvième position, avec la même mention : « Est actuellement chez les Zouaouas. » [34] Robin, op.cit., p. 20. Les archives sur le sujet procèdent toutes d’une source unique. 1 inShare Plus Par Abdel-Aziz Sadki Publié dans : Histoire du mouvement chérifien algérien 1845-1854 Ecrire un commentaire Mardi 15 janvier 2013 Histoire du mouvement chérifien - Bû Baghlâ (Bou Baghla) 4-5 Un homme du tasawûf – Cheminement mystique et stratégies confrériques Bû Baghlâ appartient aux milieux soufis, comme Mûlay Brâhim. C’est un lettré. Il est signalé dès le début comme un tâ’lib parce qu’il écrit des amulettes, puis parce qu’il est désigné comme graveur de cachets, enfin parce qu’il rédige la plus grande partie de sa correspondance politique et militaire en tant que chérif.[1]La rédaction d’amulettes et la gravure de cachets lui permettent de subsister et de dégager quelques ressources pour financer son mouvement. Puisqu’il ne réussit pas à soulever les At ‘Abbâs, il s’installe à demeure chez eux, en cherchant à fonder une école, chose qui lui est refusée par le khalîfa Al-Muqrânî.[2]Les attaches confrériques de Bû Baghlâ sont complexes à démêler. La plupart des auteurs en font un membre de la Darqâwiyyah. En 1864, Aucapitaine lassimile aux Darqâwâ, une « corporation de fanatiques », pour être « vêtu des guenilles classiques des Derkaoui ».[3]Le chapelet quil porte autour du cou indique son appartenance à une confrérie, la grosseur des grains voudrait dire quil est effectivement darqâwî.[4]Pour Robin, il est « probablement de la secte des Derkaoua, mais nous n’en avons pas de preuve certaine ».[5]L’affiliation à la Darqâwiyyah retentit en septembre 1851. Le khûjja Isma’îl ben Muhammad consigne alors les dires qui circulent à son sujet à Alger et qui le désignent comme « le derkaoui Bou-Baghla ».[6]Affiliation confrérique réelle ou assignation politique, le khûjja est acquis à l’ancien ordre politique – et dans.
Posted on: Tue, 12 Nov 2013 07:35:56 +0000

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