Hubert Huertas: Décentralisation : la loi des lobbyistes ? Autant la conquête du Sénat à l’automne 2011, avait été une fête pour le Parti socialiste, autant l’espèce de cohabitation avec l’Elysée et l’Assemblée majoritaires à gauche est en train de tourner au casse-tête. Le nombre de texte retoqués par la Haute assemblée ne se compte plus, et dès ce matin les députés vont essayer de reconstruire un texte sensible, la loi sur la décentralisation, complètement démonté par leurs collègues sénateurs. Le texte initial voté en première lecture par l’assemblée avait déjà abandonné une part de ses ambitions. Il devait simplifier le fameux mille-feuille français, avec ses étages croisés, communes, intercommunalité, département, région, sénat. Au prix de compromis byzantins, Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation avait obtenu un texte censé mettre un peu d’ordre, et mieux définir les prérogatives des uns et des autres, en prenant le risque d’ajouter des étages supplémentaires au labyrinthe territorial. Aucune strate n’était supprimée, mais une conférence territoriale de l’action publique devait devenir le centre névralgique des politiques locales dans les territoires. Le Sénat n’en a pas voulu, et l’a réduit à une réunion d’information. Un pacte de gouvernance territoriale devait servir de boussole aux élus locaux, afin de répartir les missions entre les uns et les autres. Le Sénat l’a rejeté. Enfin un chapitre était consacré à la future métropole parisienne, en l’engageant à rééquilibrer l’Est et l’Ouest de la capitale, une étrange alliance communiste et UMP l’a jeté à la corbeille. La loi déjà fragile, puis devenue virtuelle, revient donc devant l’assemblée. Le pacte de gouvernance devient, (répétez après moi), une «convention d’exercice concerté d’une compétence », ce qui est un miracle de parlé technocrate dont le jargon administratif est sans doute destiné à ne vexer personne. Avec cette appellation que même Alfred Jarry n’aurait pas imaginé tout seul, il parait que le pacte refait surface, et que, du coup, la conférence territoriale de l’action publique va retrouver son sens ! A la sortie de cette moulinette où les parlementaires sont à la fois juge et partie, lobbyistes de leurs intérêts d’élus local et décideurs des lois, un problème immense en France, immense parce que les collectivités locales sont responsables, beaucoup plus que l’Etat de la vie quotidienne des Français, immense du point de vue économique, immense du point de vue pratique, et dont la simplification était terriblement urgente, ce problème a toutes les chances d’être rendu encore plus insoluble. Désormais, pour comprendre la décentralisation, et s’en servir, c’est très simple, il faudra être sénateur, député, conseiller général, conseiller régional, ou maire. C’est à coup sûr ce qu’on appelle le rapprochement du décideur et du simple citoyen.
Posted on: Tue, 16 Jul 2013 07:18:02 +0000
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