INTERVIEW OUATTARA GNONZIE Ouattara Gonzié est le secrétaire - TopicsExpress



          

INTERVIEW OUATTARA GNONZIE Ouattara Gonzié est le secrétaire général du Rassemblement pour la paix, le progrès et le partage (Rpp). Après plus de deux ans d’exil, il a rejoint la Côte d’Ivoire et entend prendre part au processus de réconciliation et de reconstruction en cours. Dans cette interview, il parle de son exil, de la crise postélectorale et du processus de réconciliation. Monsieur le secrétaire général du Rpp, vous êtes rentré d’exil le lundi 18 novembre dernier. Pourquoi avez vous choisi l’exil, alors qu’il y a eu des responsables du Fpi qui sont restés au pays après la crise ? Je ne voudrais pas remuer le couteau dans la plaie parce que nous allons vers la normalisation, la réconciliation. J’ai quitté le pays parce que ma sécurité et mon intégrité physique étaient menacées. J’ai reçu des messages que j’ai encore qui me menaçaient de mort. La seule chose que je pouvais faire pour me soustraire à ces menaces, c’était de partir. Comment avez vous vécu votre absence du pays ? C’était difficile. On est né dans un pays, on y a vécu et y a tous vos parents, vos amis, des habitudes et puis du jour au lendemain, sans que vous l’ayez prévu, vous êtes contraint de partir dans un autre pays, c’est vrai, les Ghanéens sont très accueillants, très hospitaliers, mais ce n’est pas suffisant. Quand on n’est pas chez soi, on est coupé de son environnement, c’est difficile. Cela a été douloureux pour moi. Je ne voulais pas partir, mais je n’avais pas le choix, c’était douloureux. Dans quelle condition êtes vous rentré ? Est ce qu’on vous a donné des garanties alors que vous avez quitté le pays sur des menaces? Qu’est ce qu’on vous a proposé ? Je suis revenu parce que j’ai analysé un certain nombre d’actes, un certain nombre d’initiatives, des actes posés par le pouvoir, et puis j’ai estimé que je pouvais rentrer et j’ai pris la décision de rentrer. Je suis venu, pour l’heure, en tout cas dix jours après, rien n’est venu contrarier les analyses que j’ai faites. Donc, pour l’instant, j’ai eu rai son de rentrer. Quel rôle entendez-vous désormais jouer dans votre pays ? C’est le rôle que va jouer mon parti. Et ce rôle que joue déjà mon parti, c’est de faire en sorte que la Côte d’Ivoire redevienne un pays de paix. D’ailleurs, c’est le nom de notre parti, c’est un parti de paix. Notre rôle, c’est de faire en sorte de ressouder le tissu social qui s’est disloqué. C’est à cela que va s’atteler notre parti sous la supervision du président Laurent Dona Fologo. C’est important parce qu’en tant que parti de paix, nous pouvons parler à tout le monde. Si vous voulez faire la paix et que vous vous abstenez de parler à des groupes, c’est que vous n’êtes pas apte à faire la paix. Après les événements que le pays a connus et par rapport au besoin de plus de cohésion pour les nouveaux défis, si le Pdci, votre ancien parti, vous tendait la main et même au Rpp, votre parti, quelle serait votre appréciation ? Ce sont des suppositions pour l’instant. Je suis arrivé, je n’ai pas encore entendu de ceux qui ont géré le parti à mon absence, qu’ils ont reçu une telle invitation du parti, du Pdci. Donc, pour l’instant, le Rpp reste dans l’opposition et entend jouer son rôle en tant que parti d’opposition. Le Pdci n’est pas non plus au pouvoir. Maintenant là ? Le Pdci est il parti du Rhdp ? Avez-vous des rapports avec le président Henri Konan Bédié ? Non, aucun. Pourquoi ? Parce que je n’ai pas d’occasion d’avoir des contacts avec lui. Dans le processus de la réconciliation, on parle de dialogue politique entre l’opposition avec à sa tête le Fpi et le régime en place. Quelle est votre appréciation de la façon dont ce dialogue est mené ? Pour nous au Rpp, cela va de soi. Je l’indiquais tout à l’heure, notre parti est un parti de rassemblement et de paix. Pour faire la paix, il faut être au moins à deux. Pour faire un dialogue, il faut être au moins à deux. Il faut pouvoir parler à ceux qui sont au pouvoir et chercher des solutions. Il faut faire face à la situation que vit aujourd’hui la Côte d’Ivoire. Pour moi, c’est une bonne chose. Ce dialogue entre l’opposition et le parti au pouvoir est même indispensable. Si on veut attribuer une note par rapport au niveau de la réconciliation en Côte d’Ivoire, combien donneriez vous ? J’ai fait deux ans six mois à l’extérieur. Donc, je n’ai pas suivi d’abord la méthodologie et le déroulement de la réconciliation. Je sais qu’il y a des réconciliations qui se font. Comment elles se font, dans quelle condition, je n’en sais rien. Mais je sais qu’on parle de réconciliation, mais je ne peux pas l’apprécier au point de donner une note. Ce serait prétentieux de ma part et je ne serais pas crédible. On donne une note à partir d’éléments objectifs. Or, je n’ai pas ces éléments objectifs. Mais je sais qu’il y a la Cdvr qui fait la réconciliation, que le gouvernement et l’opposition font aussi de la réconciliation, mais je suis incapable actuellement de donner une note. Concernant le rôle de votre parti, quelles sont vos priorités aujourd’hui ? Sur quoi entendez vous travailler prioritairement ? Nous allons engager le positionnement du Rpp et mettre en œuvre notre stratégie pour la réconciliation. Ce sont des projets qui se discutent en réunion de direction et quand ils sont validés, ils sont mis en œuvre. Donc, nous allons affiner notre stratégie pour être plus efficaces et pouvoir toucher le maximum de personnes. La Côte d’Ivoire ne peut pas s’en sortir sans réconciliation. Il y a un parti qui est au pouvoir, c’est le Rdr. Avez vous eu des contacts avec ce parti ? Avez vous eu des discussions dans le cadre de la réconciliation avec ses responsables ? Etes vous associés au dialogue politique ? Le Rpp est associé au dialogue politique. Vous étiez en alliance avec la Front populaire ivoirien (Fpi) avant la crise postélectorale, quel est le type de rapport que vous avez aujourd’hui avec ce parti ? C’est le type de rapport qu’il y a aujourd’hui entre le Pdci et le Rdr. C’est ce type de rapport que nous avions avec le Fpi au sein de La majorité présidentielle. Cela veut dire que nous sommes des alliés, nous avons une alliance au sein d’un groupement politique, mais ça n’exclut pas que chaque parti garde son autonomie et sa stratégie. Nous sommes dans une alliance, mais le Fpi a son autonomie et sa stratégie, le Rpp a son autonomie et sa stratégie. Est ce que vous envisagez une politique commune en tant que parti d’opposition ? Je vous ai dit que nous sommes dans l’opposition, que chaque formation politique a son autonomie et sa stratégie. Vous avez bien vu que le Fpi négocie à part avec le pouvoir et que le Rpp est dans le Cpd (Cadre permanent de dialogue, Ndlr) pour négocier avec le gouvernement. Donc, nous n’avons pas les mêmes stratégies. On sent aujourd’hui une distance entre votre parti et le Fpi ? Non, il n’y a pas de distance. S’il doit avoir distance, elle a toujours été la même. Elle ne s’est pas rallongée aujourd’hui plus que par le passé. C’est la même distance, c’est à dire que chaque parti a son autonomie. S’il n’y avait pas d’autonomie et qu’on avait la même stratégie, on se serait fondu en un seul parti. Certainement sur certains sujets, il peut y avoir des concertations. Mais pour le reste, chaque parti a son autonomie. Eprouvez vous des regrets, avec du recul, par rapport à tout ce qui s’est passé au cours de la crise postélectorale ? Oui, parce que je n’ai jamais cru un seul instant qu’à la suite d’une élection, il puisse avoir autant de grabuges, il puisse avoir autant de morts, qu’on puisse mettre autant de personnes en prison, qu’autant de personnes puissent se retrouver en exil souvent dans des conditions de vie très précaires. Je n’ai jamais pensé ça. Mais je suis arrivé, les militants m’ont accueilli, ici, le lundi 18 novembre, j’ai dit que je n’avais aucun ressentiment à l’égard de quiconque, parce que j’ai compris finalement. C’est inacceptable. Il faut qu’on arrive à arrêter ça. En Afrique, quand on fait la politique, mais il faut que cela prenne fin un jour, il faut intégrer dans votre tête que la prison, la mort, l’exil font partie de votre carrière politique et qu’il faut s’y attendre. Tant que vous n’avez pas fini votre carrière, vous ne pouvez pas dire que vous n’irez pas en prison, vous ne mourrez pas pour la politique et que vous n’irez pas en exil. Quand bien même vous auriez fini votre carrière, un jour, on va venir vous prendre pour dire qu’il y a vingt (20 ans), on a découvert que vous avez fait un complot. Donc on vous prend et on vous envoie en prison. C’est inacceptable, ce n’est pas la démocratie. C’est ce qu’il faut faire cesser. Votre avis sur la crise postélectorale ? Je n’ai jamais pensé qu’à la suite d’une élection, un pays puisse avoir autant de difficultés. A la limite, la Côte d’Ivoire s’était arrêtée de vivre. Je n’ai jamais imaginé qu’à la suite d’une élection, cela puisse arriver. C’est inimaginable et c’est inacceptable. Si les choses sont allées si loin, c’est parce que les positions se sont durcies. Qu’est ce que vous dites aujourd’hui aux Ivoiriens ? Ce que je conseille, c’est la tolérance politique. Je pense que tout cela est intervenu parce qu’il n’y a pas de tolérance. Les uns et les autres n’acceptent pas les positions politiques de leurs adversaires, de leurs amis, de leurs frères. Les uns et les autres pensent que, quand ils ont des opinions, il faut que tout le monde s’aligne sur les leurs. Il y a une intolérance politique inadmissible et inacceptable. Tant qu’il n’y a pas de tolérance politique, nous allons rentrer dans des scènes de cette nature qui n’honorent pas la Côte d’Ivoire. La démocratie suppose la tolérance politique. J’ai mon opinion, mais j’accepte que celui qui est en face de moi ait son opinion politique. J’ai mon parti politique, j’accepte que quelqu’un qui est en face de moi ait son parti politique sans que cela puisse avoir des incidences sur notre amitié, notre fraternité, sur nos relations familiales. Est ce qu’il y a des choix que vous regrettez ? Par rapport à quoi ? Vos choix politiques ? Ces dernières années, tout ce que j’ai fait, je l’ai fait en mon âme et conscience. J’ai beau faire une introspection, je ne vois pas ce que je regrette. Je pense que ce que j’avais à faire, je l’ai fait. Peut être que des gens peuvent en être mécontents, mais je ne pense pas avoir été excessif. Beaucoup d’Ivoiriens pensent que vous n’auriez pas dû entrer dans ce dernier gouvernement de Laurent Gbagbo. Qu’en pensez-vous ? Parce que je n’en avais pas la compétence ? Ils disaient que c’était un gouvernement illégal. Illégal par rapport à quoi ? Moi, je suis entré dans un gouvernement dont les résultats ont été donnés, authentifiés par le Conseil constitutionnel. Quand je lis la Constitution de la Côte d’Ivoire, on dit que c’est le Conseil constitutionnel qui, en dernier ressort, donne les résultats. C’est ce qui s’est passé. Le Conseil constitutionnel a donné les résultats et ils ont investi le président de la République. Donc, c’est sur le couvert de notre loi fondamentale que je suis entré au gouvernement. Le Rdr aussi avait contesté l’élection de Laurent Gbagbo en 2000 et le Pdci est entré au gouvernement pendant dix ans. Personne n’a dit qu’ils n’auraient pas dû y entrer. Ils ont fait dix ans avec monsieur Gbagbo. Moi, je suis entré dans les mêmes conditions. On reproche aussi au gouvernement auquel vous apparteniez d’avoir persister dans la résistance. Je reviens toujours à la Constitution. Lisez bien votre Constitution, le Conseil constitutionnel est le garant des élections en Côte d’Ivoire. Tant que le Conseil constitutionnel disait que c’était légal, je siégeais au gouvernement. Quand le Conseil constitutionnel a investi quelqu’un d’autre, vous ne m’avez plus vu dans un gouvernement. Êtes-vous prêt à demander pardon au peuple ivoirien ? Avant de partir, j’ai des amis, j’ai des parents. Je me suis rendu compte que cette crise a fait des victimes dans toutes les familles, toutes les familles biologiques, toutes les familles sociales, toutes les familles politiques, toutes les communautés villageoises, toutes les communautés régionales. Donc, s’il doit y avoir un pardon, et il doit en avoir, c’est une séance collective de pardon qu’il faut certainement organiser pour qu’on puisse se pardonner mutuellement. Mais, il n’y a pas un groupe qui va demander qu’on lui fasse pardon et un autre demander qu’on lui en donne. Je suis pour le pardon, mais un pardon mutuel, un pardon collectif. Monsieur le secrétaire général, on va revenir sur la crise postélectorale. Comment avez vous vécu les derniers moments de la chute du régime Laurent Gbagbo. Moi, je l’ai vécue dans la clandestinité parce que quinze jours avant le 11 avril 2011, ma maison avait déjà été pillée. Tout avait été emporté. Donc je n’étais plus chez moi, j’étais dans la clandestinité. Je savais qu’on me suivait à la trace. Je ne peux pas accuser quelqu’un parce que je ne savais pas qui c’était. Des gens en armes suivaient mes traces. Ils m’envoyaient des messages qui disaient qu’ils allaient me tuer. Donc, j’allais de résidence en résidence chez des amis, souvent chez des gens que je ne connaissais pas. Donc je l’ai vécue à travers la presse étrangère. C’était douloureux d’entendre dire qu’on est en train de piller votre maison, on est en train de tout casser, de tout emporter chez vous. Donc je l’ai suivie à distance. Je ne pouvais pas parler, je ne pouvais pas sortir parce que quand vous vivez chez des amis qui prennent des risques pour vous garder, il ne faut pas faire beaucoup de bruits pour qu’on vienne les tuer. Donc, ça a été vraiment terrible. Avez vous été marqué par un événement particulier pendant cette période. C’est quand j’ai vu dans la presse, sur les chaînes étrangères qu’on est en train de bombarder la maison du président. J’ai trouvé ça douloureux, triste pour la Côte d’Ivoire, pour la souveraineté de la Côte d’Ivoire. Cela déshonore la Côte d’Ivoire. Quand je lis l’histoire contemporaine, je n’ai jamais vu une résidence d’un chef d’Etat, sortant ou en exercice, qu’on bombarde comme ça. La résidence d’un chef d’Etat est un symbole qu’on doit respecter. Même s’il n’était pas dedans et qu’on le recherchait, mais bombarder ça comme ça, j’ai trouvé ça terrible. C’est pourquoi, je dis qu’il faut que les Ivoiriens soient tolérants. Si on ne corrige pas ces choses là, cela veut dire que si vous arrivez au pou voir, et que vous êtes en fin de mandat, vous devenez anxieux parce que ce qui vous attend, c’est la mort, dans le meilleur des cas, c’est la prison ou l’exil. L’idée de demander au régime de laisser tout tomber ne vous a pas traversé l’esprit ? Non, puisqu’on ne pouvait plus parler. On n’avait plus le temps de parler. On se cherchait soi même comme on dit. Et dans la cacophonie, le bruit des armes, on n’entendait plus rien. La parole était aux armes et aucune voix humaine ne pouvait se faire entendre. Avez-vous un message à l’endroit des Ivoiriens ? La Côte d’Ivoire ne peut pas s’en sortir sans réconciliation, une réconciliation vraie. Il faut que tout le monde s’engage dans une réconciliation vraie. Et puis, il faut un pardon réciproque. Interview réalisée par FRANçOIS KONAN In le Nouveau Reveil
Posted on: Sun, 01 Dec 2013 14:15:36 +0000

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