Ibn Khaldoun-Muqaddima Un des genres d’oppression les plus - TopicsExpress



          

Ibn Khaldoun-Muqaddima Un des genres d’oppression les plus graves et les plus nuisibles au bien public, c’est d’imposer des corvées et d’obliger le peuple à travailler sans rétribution. Le travail de l’homme, compte dans la catégorie des occupations lucratives. Dans notre chapitre sur la subsistance , nous montrerons que, chez les hommes civilisés, le gain et la subsistance représentent la valeur du travail. Par conséquent leurs efforts et leur travail sont pour eux des moyens de gagner et d’acquérir ; on peut même dire qu’ils n’en ont point d’autres. Ceux qui cultivent la terre ne gagnent et n’acquièrent que par leur travail. Donc si on les force de travailler pour l’avantage d’autrui, et qu’on leur impose des tâches qui ne leur procurent pas les moyens de vivre, on leur ôte ce qui faisait leur gain, on leur arrache la valeur de leur travail, qui est leur seul moyen de se procurer de l’argent. Dès lors ils se trouvent dans la gêne ; ils ont à peine les moyens d’existence, ou, pour mieux dire, ils n’en ont plus ; et, quand les corvées reviennent souvent, les hommes se découragent tout à fait et cessent de cultiver. Cela amène la ruine de l’agriculture et du pays. Dieu donne la subsistance à qui il veut, et sans compte. (Coran, sour. II, vers. 208.) Un autre genre d’oppression encore plus grave et plus nuisible à la prospérité du peuple et de l’État, c’est quand le (gouvernement) contraint *99 les négociants à lui céder, moyennant un vil prix, les marchandises qu’ils ont entre les mains et les oblige ensuite à lui acheter d’autres marchandises à un prix élevé. C’est là (ce qui s’appelle en jurisprudence) acheter et vendre par la voie de la violence et de la contrainte. Ils obtiennent quelquefois des délais pour opérer leur payement, en se berçant de l’espoir de pouvoir profiter des fluctuations du marché pour vendre avantageusement les marchandises qu’on les a forcés d’acheter et réparer ainsi leurs pertes. Mais il leur arrive assez souvent que l’administration demande à être payée avant le terme qu’elle leur avait assigné, ce qui les met dans la nécessité de vendre le tout à bas prix, et, par suite des deux opérations, ils perdent une partie de leurs capitaux. Les négociants de toute classe établis dans la ville, ceux qui y arrivent des pays éloignés pour (acheter et vendre) des marchandises, tous les gens qui font le petit commerce au marché, les boutiquiers qui vendent des comestibles et des fruits, les artisans qui fabriquent des outils et des ustensiles de ménage, en un mot les commerçants de tout genre et de toute condition, ont à subir les mêmes avanies. Cela réagit graduellement sur les ventes et ruine les capitaux ; de sorte que les négociants, ayant épuisé leurs moyens pécuniaires dans l’espoir de réparer leurs pertes, n’ont plus d’autre ressource que de fermer leurs magasins afin d’échapper à une ruine complète. La même cause empêche les étrangers de se rendre à la ville pour y faire des ventes et des achats ; le marché chôme, et le peuple, qui ne vit en général que du commerce, n’a plus le moyen de pourvoir à sa subsistance. Le chômage des marchés et la misère du peuple, à qui on a enlevé toute ressource, font diminuer et même dépérir les revenus de l’État, dont la partie la plus considérable, c’est à dire les produits des droits du marché, est fournie par les gens de la classe moyenne et des classes inférieures. Cela conduit l’empire vers sa ruine et nuit à la prospérité de la ville ; mais comme le mal s’y fait graduellement, l’on ne s’en aperçoit pas d’abord. Voici donc ce qui arrive lorsque le chef de l’État emploie de semblables moyens détournés pour s’emparer de l’argent. Mais quand l’administration, cédant à un esprit de tyrannie, porte atteinte, de gaieté de cœur, aux biens des sujets, à leur vie, à leurs personnes , à leur honneur et à celui de leurs femmes, cela ouvre tout de suite une brèche dans (l’édifice de) l’empire et en précipite la chute ; car les esprits s’agitent, et l’on se jette dans la révolte. La loi avait prévu toutes ces causes de ruine, et, pour les écarter, elle prescrivit la bonne foi dans les achats et les ventes, et ordonna de ne pas dévorer, sous des prétextes futiles, les biens du peuple, parce qu’elle avait pour but de fermer la porte aux abus qui privent les hommes de leurs moyens de subsistance et qui amènent des insurrections fatales à la prospérité publique. La cause de toutes ces exactions, c’est la nécessité dans laquelle se trouve le gouvernement ou le sultan d’avoir toujours beaucoup d’argent disponible, afin de pouvoir satisfaire à ses habitudes de luxe et subvenir à toutes ses dépenses. Comme les recettes ordinaires ne suffisent pas pour couvrir ces dépenses, on invente de nouveaux impôts et l’on cherche à augmenter le revenu par toutes les voies, afin d’établir l’équilibre entre les rentrées et les déboursés. Mais le luxe ne cesse d’augmenter et de faire accroître les dépenses ; le gouvernement a de plus en plus besoin de l’argent du peuple, et il en résulte que l’étendue de l’empire diminue graduellement, que le cercle (de ses frontières) s’efface, que son organisation se dérange et que le pays tombe au pouvoir d’un chef qui a attendu l’occasion de s’en emparer. Dieu est l’ordonnateur de toute chose ; il n’y a point d’autre seigneur que Lui.
Posted on: Mon, 21 Oct 2013 21:47:24 +0000

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