Il y a une semaine, Courrier international nétait pas dans les kiosques, pour la première fois de sa plus si courte existence. Pour ceux qui nauraient pas suivi toute laffaire, voici un rappel des faits. Et de lhistoire de Courrier, comme on dit en interne. Cest la plus grande crise quait jamais connue Courrier international en 22 ans dexistence. Poussée par le groupe Le Monde, contrôlé par MM. Bergé, Niel et Pigasse et maison mère du titre, la direction de Courrier international entend supprimer pas moins du tiers des effectifs du journal dici à la fin de cette année (26 postes équivalent temps plein, plus 25 pigistes réguliers). Or Courrier International, titre modeste mais néanmoins solide, reste bénéficiaire dans le marché difficile de la presse daujourdhui. Né start-up innovante en novembre 1990, absorbé par la Générale des Eaux devenue Vivendi et intégré au groupe Expansion avant dêtre finalement racheté par le groupe Le Monde en 2001, Courrier international, dépassait déjà à cette date les 100 000 exemplaires vendus. Dès lors, Courrier international a, par les dividendes versés au groupe Le Monde, remboursé le prix de son propre rachat, puis a contribué au redressement du groupe. La success story de la presse française des années 2000 a atteint jusquà 200 000 exemplaires vendus. Le journal vivant alors à 80% de sa diffusion et lauréat de nombreux prix pour ses couvertures. Frappé comme le reste de la presse française, européenne et américaine, par la crise et les baisses de recettes publicitaires, Courrier présente aujourdhui de moindres performances capitalistiques. Mais il est toujours bénéficiaire. Il a toujours ses lecteurs fidèles dont 300 000 qui ne lisent rien dautre, affirment les récentes études publicitaires. Et Courrier international, cest une multitude de compétences diverses. Le concept du journal implique non seulement quun journaliste puisse lire le serbo-croate ou lindonésien, mais quil sache puiser dans les médias dailleurs ce qui peut apporter au lecteur français une compréhension du monde renouvelée, un point de vue décentré. Cest grâce à ce savoir-faire que les lecteurs de Courrier International ont pu lire pendant la première guerre du Golfe des articles de journaux arabes interdits en France, comprendre le putsch de 1991 en Russie, expliqué par des journalistes russes, les élections algériennes vues par la presse arabe, le référendum de Maastricht décrypté par la presse européenne, ou encore soutenir les journalistes haïtiens qui, quelques jours après le tremblement de terre de 2010, ont collaboré, dans les conditions que lon peut imaginer, à un dossier spécial 100% haïtien. Cet hebdomadaire totalement atypique a donné naissance à plusieurs versions étrangères au Japon, au Portugal et aux Pays-Bas. Les lecteurs y trouvent des articles quils ne trouvent pas ailleurs, des reportages, des débats, des points de vue contradictoires, des analyses de lactualité vues de lextérieur. Le reste de la presse française y puise régulièrement des sujets. Et Courrier International permet à nombre de journaux étrangers davoir une visibilité quils peinent malheureusement parfois à trouver chez eux. En mettant en œuvre ce plan – si elle le met en œuvre ! -, la direction de Courrier international imposera à ses lecteurs un appauvrissement du contenu du journal. Cela conduira à une banalisation encore accrue dun titre qui sest donné pour ambition danticiper les bouleversements du monde et de donner à ses lecteurs les clés pour mieux les comprendre. Le cercle vicieux de la réduction du format hier, des effectifs aujourdhui - ne pourra pas assurer un avenir à cette publication dont le concept pourrait pourtant être développé, enrichi, décliné... Si, demain, un tiers des effectifs manquent à l’appel, la pérennité de Courrier international est remise en question. Les salariés qui sopposent à ce plan en ont une conscience aigüe, qui stimule leur détermination.
Posted on: Thu, 24 Oct 2013 15:39:49 +0000
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