Ils ont 24, 22 et 21 ans et sont assis au bord du vide. Hier, Yvon Calvet, l’avocat général, au terme d’un réquisitoire pesé au trébuchet, a requis 25 années de réclusion criminelle à l’encontre de Jérémy Colin et 30 ans pour Rémy et David, ses deux aînés. Pour lui, la fratrie est responsable des agressions qui avaient mis « la cité en émoi », durant l’hiver 2009-2010, avec quinze attaques ultra-violentes dont une avait coûté la vie à Grégory L’homme, à 6h10, le 3 janvier. « C’était lors d’une période de fêtes, à Noël, quand les familles se retrouvent », a souligné l’avocat général. Yvon Calvet admet que les Colin « n’avaient pas le monopole des agressions mais cela n’enlève rien à leur culpabilité ». Il énumère les actes, souligne « leur organisation, quasi-militaire, leur préméditation, leur gratuité, leur lâcheté ». Le magistrat détaille les charges : la basket, tâchée du sang de Serge P. et Grégory L’homme, retrouvée au pied de Rémy Colin, les portables de ces deux mêmes victimes, vendus à des receleurs par David et Rémy, et les alibis à géométrie variable délivrés par Jérémy, le benjamin. Pour le magistrat, les agresseurs de Serge P., fracassé quelques heures avant Grégory L’homme, sont les mêmes. « Quatre pour Serge P. donc quatre pour Grégory L’homme. Ils ne se sont pas séparés. Si les deux témoins de l’agression de Grégory ne parlent que de deux ou trois hommes, c’est qu’ils n’ont qu’une vision partielle de la scène. Pour moi, il y avait trois agresseurs et un guetteur. » L’eau sur les plumes d’un canard Plus tôt, et alors que le président venait inexplicablement de balayer d’un revers de manche une ultime prise de parole des accusés, Roland L’homme s’était exprimé : « Mon fils a été condamné à mort par ces barbares. J’aurais aimé comprendre ici ce qui s’est passé. Mais je suis d’accord avec eux : ceux qui ont fait ça méritent la perpétuité… » Fidèles à l’image donnée depuis le début des débats, les trois frangins n’ont pas cillé pendant les plaidoiries des parties civiles. Coudes sur les genoux, mains sous le menton, ils ont écouté les attaques virulentes des robes noires. Mais les piques ont semblé glisser sur eux comme l’eau sur les plumes d’un canard. « Vous avez déshumanisé les victimes ! Vous avez transformé leurs boîtes crâniennes en boîtes à musique ! », a relevé, pugnace, Me Christophe Sgro. « Le décès de Grégory L’homme est tout, sauf un accident. Ce qui est miraculeux, c’est qu’il n’y en ait pas eu d’autres. » « Vous êtes des lâches ! », a tancé Me Karine Laprévotte. « On attendait la vérité et, en fait, on a eu le bal des faux-culs. » Me Bouthier, lui, a fustigé « les mensonges jetés au visage des parties civiles, des jurés ». L’avocat a rappelé les rires, lors des agressions, le plaisir évident des trois frères, la photo prise, telle un trophée de chasse, avec le portable d’une victime, mais aussi « le bruit musical des coups de pied dans les têtes » qui ravissait Rémy. « Imaginez le bruit des suppliques de Grégory ! », supplie le conseil. « Qu’il résonne encore longtemps dans vos têtes. Comme va résonner encore longtemps le bruit des verrous et des trousseaux… » « Vous êtes l’incarnation moderne de la banalité du mal », a avancé Me Raoul Gottlich, pour les parents de Grégory L’homme. L’avocat n’a cure que les accusés ne soient pas passés aux aveux lors de ce procès. « Le dossier est parfaitement ficelé, la science vient au secours de la bêtise et de la lâcheté. On peut parfaitement se passer de vos aveux. Si vous êtes utiles dans la mort, ici, vous êtes inutiles… Vous n’avez offert que silences et froideur. Je vous souhaite de vivre très longtemps. Pour que, chaque matin, à 6h10, vous vous rappeliez ce qui est arrivé à Grégory. Pour que, chaque matin, vous vous rappeliez que la mort est au bout du chemin… » Défenseurs des frères Colin, Mes Rui Manuel Pereira et François-Xavier Koehl plaident ce matin, à neuf heures. Ils avaient la nuit pour trouver un trèfle à cinq feuilles.
Posted on: Wed, 03 Jul 2013 08:30:54 +0000
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