La date de 1986 est fondamentale, car elle marque en France le - TopicsExpress



          

La date de 1986 est fondamentale, car elle marque en France le début de l’ère dans laquelle nous baignons toujours, celle du capitalisme financiarisé. Dès 1984, une première loi Delors avait déréglementé le métier bancaire, ouvrant la voie notamment à l’émergence des grandes banques universelles. Deux ans plus tard, la loi Bérégovoy de 86 sur la dérèglementation financière (dérèglementation, désintermédiation, décloisonnement) achevait le travail, notamment en supprimant le monopole de la Banque de France sur la fixation des taux d’intérêt, en autorisant les banques normales à exercer les métiers de banques d’investissement, ou en supprimant l’encadrement du crédit. C’est également sous Bérégovoy qu’a été créé le second marché, permettant aux entreprises de taille moyenne d’être cotées en Bourse, et c’est Bérégovoy toujours qui a créé en février 1986 le Matif (marché à terme des instruments financiers), dédié à la spéculation financière pure sur les obligations, les bons du Trésor ou les devises. J’aime beaucoup rappeler cette loi de déréglementation financière dont je soutiens qu’elle est l’évènement peut-être le plus important qu’ait connu la société française dans le demi-siècle écoulé. Lorsque cette loi est votée on change de monde. Alors évidemment, à l’époque personne ne s’en est aperçu mais en fait c’était la première étape d’une transformation de première grandeur, qui allait emporter toute la société française, et aussi tout les sociétés occidentales, et qu’on a résumée sous le nom de « déréglementation financière ». Ca a entraîné la libéralisation d’une des puissances du capital qui maintenant a le pouvoir de faire valoir ses exigences sans qu’on puisse lui opposer la moindre résistance ». A signaler aussi le commentaire intéressant de Chevènement, qui était à l’époque Ministre de l’Industrie et tentait de s’opposer à cette vague de libéralisation financière : « Même si l’environnement international n’était pas favorable, rien n’obligeait les socialistes français à aller aussi loin : l’Etat pouvait garder la maîtrise de quelques mécanismes de régulation essentiels. L’idéologie néolibérale a fait admettre comme vérité d’évangile que, grâce à la désintermédiation bancaire, les entreprises s’alimenteraient à plus faible coût sur les marchés financiers. Tout cela a été conçu par des gens qui savaient où ils allaient et qui étaient décidés à se faire un allié de la puissance des marchés. Très peu de gens dans l’administration, en dehors de ceux qui étaient avec moi à l’Industrie, s’opposaient à ce courant dominant. Il y avait une sorte de frénésie idéologique qui voulait que plus on libéralisait, plus on était “moderne”. Delors jouait dans les médias le rôle de saint Sébastien, criblé de flèches par ses camarades de parti, alors qu’il organisait le désengagement de l’Etat et la désintermédiation bancaire. Mystification conceptuelle qui conduisit en fait à l’explosion des revenus financiers. Mais je ne crois pas qu’il ait bien vu monter le capitalisme financier à l’horizon de la société. » A signaler parmi les architectes de ces réformes dont parle Chevènement, dans les cabinets de Delors et Bérégovoy ou à Bercy en 84-86 : Jean Charles Naouri, qui créera ensuite un fonds d’investissement, rachètera Casino et deviendra milliardaire, mais aussi Jean-Claude Trichet et Pascal Lamy qui feront aussi de belles carrières… Quoi qu’il en soit, juste après cette vague de dérèglementation financière, la gauche perd les élections législatives et débute un moment inédit, la cohabitation entre Mitterrand et Chirac. Selon Cusset, c’est une droite nouvelle qui entre en scène, d’inspiration reaganienne et donc ultralibérale, qui fait l’éloge des privatisations, de la Bourse, de l’actionnariat populaire avec le petit porteur qui devient la nouvelle figure de la démocratie française, devant le citoyen et l’électeur. Pour Halimi, la vague de privatisations lancée dès le début du mandat de Chirac a constitué une surprise historique, car la droite rompait alors avec sa tradition colbertiste. Elle n’avait pas ou peu privatisé de 58 à 81, et beaucoup d’entreprises avaient été nationalisées par De Gaulle à la Libération. Pour Lordon, la privatisation est la forme la plus pure de l’économisme, doctrine stipulant que pas une activité ne saurait échapper au marché. C’est le refus dogmatique que l’on puisse accepter des coûts économiques pour des objectifs qui ne le sont pas : permettre un accès à des soins de qualité, créer des soupapes d’emploi sur un marché tendu, aménager le territoire de façon équilibrée, sécuriser des installations à risque, etc… Le message de la privatisation est que la logique économique doit passer avant toutes les autres logiques sociales, qui devront s’ajuster. Dérèglementation des marchés financiers puis vague de privatisation, ce cocktail toxique va exploser dès octobre 1987, suite au Krach boursier intervenu à Wall Street et qui impacte aussi Paris. Lordon rappelle que la vague de privatisations avait propulsé des milliers de petits épargnants, à qui on avait promis l’eldorado, sur des marchés dont la plus grande propriété est l’extraordinaire instabilité. Sur ce, la Bourse de Paris perd 20% en une seule journée, et la pédagogie du réel qui va être administrée à ces petits épargnants va être cuisante. On va renouer à compter de 1987 avec ce genre de crises financières historiques que l’on n’avait plus connues depuis 1929. Il y en aura effectivement beaucoup d’autres ensuite, dont 2001 et 2007 pour les plus récentes, en vertu selon Lordon de la logique assez simple selon laquelle les mêmes causes entrainent les mêmes effets…
Posted on: Sat, 17 Aug 2013 11:13:57 +0000

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