La rançon de l’impuissance Mai 2013 par Eric Zemmour ( - TopicsExpress



          

La rançon de l’impuissance Mai 2013 par Eric Zemmour ( Chronique - Spectacle du Monde ). Le président de la République paye au prix fort son tempérament de socialiste « à l’ancienne » qui n’aura su ni réformer ni rassurer. Si les institutions de la V e permettent de durer, elles déconsidèrent ceux qui ne savent pas s’en montrer dignes. L’ACCÉLÉRATION DE L’HISTOIRE N’EST pas un vain mot. Après une année passée à l’Elysée, François Hollande paraît aussi usé que François Mitterrand au bout… de deux septennats. Sa courbe de popularité est plus basse ; son discrédit, plus élevé. On a l’impression qu’il a, en quelques mois seulement, utilisé et gâché tous les tours et détours de son glorieux prédécesseur : la relance sociale de 1981 (retraite à soixante ans, embauches dans l’Education nationale, emplois d’avenir) ; le virage libéral et européen de 1983 (rigueur budgétaire, rapport Gallois et accord sur la sécurisation de l’emploi) ; les manifestations monstres pour l’école libre de 1984 (contre le mariage gay) ; jusqu’à la crise morale de l’affaire Cahuzac, qui rappelle les rapports troubles de la gauche mitterrandienne, révélés après sa réélection de 1988 (Pelat, Tapie, Urba), avec le monde de l’argent. Quand le candidat Hollande imitait la voix, la posture, les thèmes de campagne de Mitterrand, on n’imaginait pas que le spectacle de music-hall se poursuivrait après son arrivée à l’Elysée. Quand Mitterrand lâchait, dépité, « on a tout essayé contre le chômage », Hollande présente benoîtement « sa boîte à outils » dans une même impuissance désolée. La longévité de Mitterrand avait montré à une gauche qui les avait âprement combattu combien les institutions de la Ve République étaient efficaces et solides. Le corset de fer légué par le général de Gaulle est – déjà — ce qui tient droit un François Hollande dont tout le pays moque la faiblesse et les tergiversations. Mais il devrait se méfier : si la force des institutions permet de tenir et de durer face aux tempêtes, elles déconsidèrent aussi celui qui n’en paraît pas digne : pépère dans le fauteuil de mon général, c’est Louis XVI sur le trône de Louis XIV. Une erreur de casting qui finit mal. On a cru pourtant que l’intervention au Mali transfigurerait le rondouillard et jovial président du conseil général de Corrèze en un redoutable chef de guerre ; Hollande lui-même l’a cru, s’enivrant de l’enthousiasme des populations pour leur « libérateur » ; le pouvoir de tuer sacrant virilement une fois encore l’Homme de pouvoir. Il nous fallut déchanter. Le Mali resterait une exception qui confirme la règle. Ce n’est pas un hasard. Hollande a décidé seul avec son état-major de cette équipée sahélienne. Pas de concertation, pas de négociation ni de médiatisation. Pas d’ONU, ni d’Europe, ni de G20, ni de G8. A l’ancienne. Seul, peut-être, mais souverain. La Ve République est faite pour cela. Elle oblige le président élu à se dépasser, se surpasser, pour devenir le chef de l’Etat, un monarque républicain. Et puis il faut revenir sur terre. Renvoyer l’ascenseur aux lobbys (gays ou élus locaux) qui ont soutenu votre candidature ; négocier avec Bruxelles et Berlin en position de faiblesse ; faire semblant de guerroyer contre la finance et les multinationales pour mieux servir leurs intérêts ; louvoyer pour maintenir l’unité de sa majorité parlementaire. Le tempérament ondoyant d’Hollande met sous une lumière crue la réalité d’un système qui a organisé, institutionnalisé, garanti l’impuissance du politique. Il l’exacerbe, mais ne l’a pas créé. Sarkozy n’était pas plus puissant qu’Hollande ; mais il faisait mieux semblant. Son agitation passait pour de l’énergie ; son bougisme pour du réformisme ; et puis la faiblesse des résultats finit par se voir. Le roi était actif mais nu. Hollande a cru que ce n’était qu’une simple question de personnalité. Il prit le contre-pied systématique de son prédécesseur ; pépère remplaça l’agité. Un an après, sa personnalité n’est toujours pas devenue antipathique aux Français ; mais sa compétence est sévèrement mise en cause. Affolé, Hollande tente d’imiter celui qu’il a tant brocardé ; mais il le fait mal. L’amateurisme de ses interventions télévisées est criant. Si Sarkozy a pu faire un temps illusion, c’est qu’il y avait adéquation entre son tempérament, son physique et l’idéologie bonapartiste dont il incarnait une résurgence parodique. Hollande vient d’une autre famille, d’une autre tradition, cette deuxième gauche qui, laissant les apparences du pouvoir aux vieux lions mitterrandiens, avait pris en mains la machinerie idéologique et politique de la gauche française pour l’adapter aux modèles libéraux qui dominaient lors des années 1980. Cette école delorienne, et doloriste, a fait du politique un Gulliver enchaîné, au nom de l’Europe, des droits de l’homme, de la liberté des échanges, de l’abolition des frontières, de la décentralisation aussi. Venue du christianisme social, elle remplaça tout uniment la volonté par la vertu : ce fut l’invention de « la gauche morale ». La greffe prit lentement. La France savait de toute éternité que la vertu politique n’était pas forcément la vertu du politique. La France était certes le pays de Robespierre, mais aussi (et surtout) de Richelieu, Mazarin, Colbert, Talleyrand. La France n’était ni l’Amérique ni la Suède. Pourtant on finit, à force de propagande médiatique, par convaincre la jeunesse ingénue, particulièrement déculturée et désidéologisée, de cette illusion moralisante. C’est pourquoi l’« affaire Cahuzac » a pris une telle ampleur. Il y a quelques décennies, un compte en Suisse d’un ministre – même du Budget — n’aurait sans doute pas autant scandalisé. Mais cette gauche morale avait tout misé sur la probité de ses membres ; elle concédait qu’elle n’avait pas de mains, mais arborait fièrement ses mains blanches. Des rumeurs bruissent autour des comptes à Singapour de Jérôme Cahuzac, dont les avoirs s’élèveraient à 15 millions d’euros et constitueraient le trésor de guerre de la campagne présidentielle de Michel Rocard, prévue originellement pour 1995, avant que l’ancien Premier ministre ne renonce. Rocard, le héraut de la deuxième gauche dans les années 1980 et 1990… HOLLANDE paie au prix fort cette Histoire et ces histoires. Il doit accepter tout l’héritage. Sa faiblesse soudaine a réveillé l’agressivité de l’ancienne gauche étatiste et sociale, qui avait depuis longtemps ployé le genou. Les Montebourg, Hamon, Bartolone, Lienemann relèvent la tête ; Mélenchon vitupère pépère ; on donne le Premier ministre partant, un remaniement est annoncé. On rejoue – jusqu’à plus soif — le psychodrame de 1983 sur l’« autre politique », lorsque Mitterrand songeait à quitter le SME – ancêtre de l’euro — pour conduire une politique économiste volontariste. Trente ans plus tard, l’industrie française est en miettes, mais, si la pièce a changé d’acteurs, elle n’a pas modifié sa trame. Hollande est plus que jamais un social-libéral, qui appelle « social-démocratie » sa soumission aux forces du marché. Comme Mitterrand, il ne peut s’arracher à sa loi d’airain pour ne pas renoncer à l’objectif d’Europe fédérale, qui demeure son Graal politique. Y penser toujours, n’en parler jamais, Hollande, à sa manière inimitable de premier secrétaire du Parti socialiste qui fit la gloire ambiguë de Guy Mollet, louvoie, ondoie, dissimule, pour mieux faire avaler cette amère potion à une gauche rétive et rebelle, mais minée par le carriérisme, le clientélisme et l’angélisme, son cosmopolitisme de pacotille, sa sociologie de fonctionnaires et de bobos, son progressisme sociétal et son incompréhension teintée de mépris des classes populaires. Hollande est finalement tout ce qu’elle mérite.
Posted on: Sun, 04 Aug 2013 10:29:36 +0000

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