Le vertige autocratique d’Erdoğan The Lost Legitimacy of - TopicsExpress



          

Le vertige autocratique d’Erdoğan The Lost Legitimacy of Turkey’s Prime Minister Pétition publiée par Libération, vendredi 21 juin 2013, p. 17 (« Rebonds ») gitfrance.fr/ Pour signer la pétition, envoyer vos noms et qualités au Groupe international de travail (GIT) « Liberté de recherche et d’enseignement en Turquie » : git.initiative@gmail Published by the newspaper Libération, June 21 2013 If you would like to sign, please send name and academic titles to git.initiative@gmail La nuit du 15 juin 2013 restera dans l’histoire de la Turquie comme le moment d’un basculement tragique, quand les forces de police ont fait preuve d’une violence déchaînée contre les nombreux manifestants pacifiques d’Istanbul. Aux scènes désormais habituelles de nuages de gaz lacrymogènes, de centaines de blessés et de nombreuses arrestations, s’ajoutent maintenant des violations du droit qui ne seraient pas tolérées en état de guerre : le bombardement de gaz dans des espaces fermés, jusque dans les appartements privés et les hôtels touristiques, des hôpitaux pris d’assaut, des centres médicaux mobiles attaqués, des blessés et des médecins arrêtés, des journalistes harcelés, de nombreux cas de brûlures de peau signalés à la suite de l’emploi de substance chimique dans les canons à eau. En plus de cette violence d’Etat, massive et systématique, les manifestations pacifiques sont sous la menace des partisans du parti AKP, prêts au combat de rue, instaurant une ambiance de guerre civile dans les quartiers les plus centraux d’Istanbul. Pourtant, depuis 19 jours, le parc Gezi témoignait d’une expérience singulière de démocratie, où la société civile était présente dans toute sa variété : ainsi, les organisations d’architectes et d’urbanistes qui s’opposaient dès le début à la politique urbaine dévastatrice du Premier ministre Erdoğan et du maire d’Istanbul ont côtoyé les associations d’étudiants ou de féministes, tout comme les habitants mêmes des quartiers populaires menacés de destruction. Il est faux d’affirmer, comme le font certains correspondants de presse, que cette multitude inouïe et populaire ne serait qu’une réaction kémaliste et nationaliste, même si celle-ci a été rejointe par de nombreux groupes d’opposition. Au lieu d’écouter les citoyens protestant avant tout contre sa manière de plus en plus autoritaire de gouverner, demandant tout simplement de participer aux décisions concernant leur espace et mode de vie, Erdoğan a choisi dès le début de les mépriser et de leur forcer la main. Alors que depuis son dernier mandat, l’AKP ne cesse d’attaquer le champ des libertés individuelles et sociales, le Premier ministre préfère la provocation, en qualifiant les manifestants de voyous, d’ivrognes et de terroristes. Or, la société civile manifeste depuis des semaines son indignation envers les violations répétitives de ses droits : le parc Gezi ne fut qu’une étincelle, tant les citoyens de Turquie se sentent ignorés, méprisés et attaqués par le pouvoir actuel, le Premier ministre en tête. La place Taksim interdite aux manifestations politiques et surtout à la célébration du 1er Mai sous prétexte de travaux, les arrestations massives visant à criminaliser toute forme d’opposition, les massacres d’Uludere et de Reyhanlı aucunement élucidés, les principaux droits civiques remis en question (dont le droit à l’avortement), les atteintes multiples à l’environnement, à la culture et à la pluralité des modes de vie avaient déjà créé une atmosphère d’indignation légitime. Refusant un tel climat de répression, les citoyens de la Turquie sont sortis massivement dans la rue et ont affronté sans armes les blindés de la police. Comment qualifier un gouvernement qui a tiré plus de 150 000 grenades de gaz en deux semaines sur ses propres citoyens, blessant plus de 5 000 d’entre eux et en tuant au moins trois, déclarant désormais que tout manifestant allant sur la place Taksim sera tenu pour un terroriste – comme l’a annoncé M. Egemen Bağış, ministre des Affaires européennes – ? Que dire du nouveau projet de loi proposant d’étendre le champ d’action des services secrets qui seraient autorisés à procéder à des arrestations sans l’aval du juge, alors que ce même gouvernement se vantait d’avoir ôté à l’armée ses privilèges sécuritaires ? Comment continuer à prendre comme partenaire légitime un gouvernement qui déclare ouvertement qu’il ne reconnaît plus les décisions du Parlement Européen et qui ne respecte plus les traités internationaux qu’il a signés ? De quelle démocratie parle-t-on dans un pays où les médias sont contraints au silence ; les journalistes tout simplement chassés de leur poste, ou s’infligeant une autocensure de peur de l’être, et les Turcs obligés de regarder les chaînes internationales pour suivre les événements qui se déroulent dans leur propre pays? Dans quel Etat de droit les forces de police arrêtent-elles les avocats contestataires à l’intérieur même du palais de justice et mettent en garde à vue des médecins parce qu’ils ont secouru dans l’urgence hommes et femmes blessés dans les affrontements avec la police ? De quelle légitimité ce gouvernement peut-il encore se prévaloir, lorsqu’il empêche de force, le dimanche 16 juin, le rassemblement des manifestants à Taksim, tandis que la mairie d’Istanbul mobilise massivement ses moyens de transport pour amener gratuitement les partisans de l’AKP au meeting de leur chef ? Face à la paranoïa de M. Erdoğan qui voit des espions étrangers et des complots internationaux partout où son peuple défend pacifiquement ses droits (les vendeurs de bière, les étudiants Erasmus, la « finance internationale », le « lobby juif » et les médias occidentaux qui diffusent librement les informations concernant la violence policière seraient responsables d’organiser les manifestations de centaines de milliers de personnes), la communauté internationale doit agir sans tarder. Le gouvernement de M. Erdoğan perd de sa légitimité à chaque manifestation de la violence policière, à chaque violation des conventions ou des traités internationaux. Tous les amis de la Turquie libre et démocratique doivent agir aux côtés de la société civile de ce pays pour que le vertige autocratique d’Erdoğan n’engendre pas une dictature de plus au Moyen Orient. Deniz Akagul, maître de conférences à l’Université de Lille ; Salih Akın, maître de conférences à l’Université de Rouen ; Samim Akgönül, maître de conférences à l’Université de Strasbourg ; Marc Aymes, chargé de cherchées au CNRS ; Faruk Bilici, professeur à l’INALCO ; Isabelle Backouche, maître de conférences à l’EHESS ; Hamit Bozarslan, directeur d’études à l’EHESS ; Etienne Copeaux, historien de Turquie ; Dominique Colas, professeur à l’IEP de Paris ; Pierre Dardot, philosophe ; Yves Déloye, professeur à l’Université Paris 1 ; Vincent Duclert, chercheur à l’EHESS (CESPRA) ; François Georgeon, directeur de recherches au CNRS ; Béatrice Giblin, professeure à l’Université Paris 8 ; Diana Gonzalez, enseignante au Science-Po Paris ; Ragip Ege, professeur à l’Université de Strasbourg ; Jean-Louis Fabiani, directeur d’études à l’EHESS ; Dalita Hacyan, maître de conférences à l’Université de Paris 1 ; Yasemin Inceoğlu, professeure à l’Université de Galatasaray; Christian Laval, professeur à l’Université Paris Ouest Nanterre ; Monique de Saint-Martin, directrice d’études à l’EHESS ; Ali Oker, chercheur en psychologie ; Emine Sarikartal, éditrice ; Nora Seni, professeur à l’Université Paris 8 ; Hélène Piralian, psychanalyste ; Alican Tayla, chercheur associé à l’IRIS ; Ferhat Taylan, directeur de programme au CIPH ; Sezin Topçu, chargée de recherche au CNRS ; Murat Yıldızoğlu, professeur à l’Université de Bordeaux.
Posted on: Fri, 21 Jun 2013 17:13:07 +0000

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