Les macoutes à l’assaut de la démocratie à Grand-Goâve Je - TopicsExpress



          

Les macoutes à l’assaut de la démocratie à Grand-Goâve Je reviens d’un périple de trois jours en Haïti qui m’a conduit à Grand-Goâve, ma ville natale. J’y ai vu une communauté dont le présent est hanté par les fantômes du passé. J’y ai vu la répression politique, la division, la misère et autres péripéties liées à l’absence de légitimité, au sen sens wébérien du terme. [1] Pourtant, cette année ramène le 350 ème Anniversaire de la fondation de Grand- Goâve par les boucaniers français en 1663. [2] La crise politique larvée qui mine cette commune, depuis environ huit (8) mois, non seulement interdit toute idée de célébration, mais aussi menace l’existence même de cette communauté et la citoyenneté démocratique qui lui sert de socle. Rappelons pour mémoire que Grand-Goâve, sous l’impulsion de l’organisation populaire Konbit Kòmilfo, a été à l’avant–garde des luttes démocratiques menées en Haïti au tournant de 1986 pour l’établissement d’un État de droit, le respect des droits humains et la démocratie participative. Aujourd’hui ces luttes et les pratiques collectives qu’elles ont engendrées sont mis à mal par la violence des macoutes locaux inféodés au régime « apre nou se nou » de Mr. Martelly. 1. Genèse d’un Chaos Tout a débuté à l’expiration du mandat du Maire Joseph Jean-Pierre Salam, élu aux dernières élections municipales de Décembre 2006. Le Gouvernent en place, comme pour signifier la fin de la démocratie dans les communes d’Haïti et un retour aux pratiques anciennes, a pris la décision de remplacer les maires élus par des agents exécutifs intérimaires à la solde de son pouvoir. Il est dit que l’objectif de cette manœuvre est le contrôle des espaces publics dans la perspective des prochaines élections. Aussi, des officiels du régime-dont le Ministre de l’intérieur, Major David Basile, le Délégué Départemental de l’ouest, M. Gonzague Day et un Conseiller Juridique du Président, M Georges Sassine, tous très liés au duvaliérisme, donc à l’extrême droite locale, ont-ils tout entrepris pour mettre en place une commission communale formée exclusivement de gens proches des macoutes. Allié du président Martelly, le Député Frank Laporte (Ansanm Nou Fò), a remué ciel et terre en vue d’intégrer ses partisans dans la Commission Communale qui dirigera la commune jusqu’aux prochaines élections municipales. Il a été ridiculisé et mis en minorité par l’extrême droite duvaliériste dont les représentants exercent un grand nombre de fonctions électives, dans tout le pays, sans qu’ils aient sollicité préalablement le suffrage des mandants. 2. Quand la violence paramilitaire et institutionnelle s’impose Rivés à leur fixation passéiste, les duvaliéristes s’imaginent que les décrets et les arrêtés inconstitutionnels de M. Martelly suffisent à assurer leur hégémonie politique. A Grand-Goâve, cette stratégie autoritaire de reconquête du pouvoir a été mise en échec par les réalités démocratiques locales. Conséquemment, ils ont eu recours, comme toujours, à la violence paramilitaire et institutionnelle pour imposer leur point de vue. A titre indicatif, le 4 avril 2013, une commission communale composée de Jackson Myril, Marie Clodyane Laguerre et Jean Claudy Jean a été installée sous forte escorte d’un contingent de l’Unité Départementale de Maintien de l’Ordre (UDMO). Le nouveau Maire a prononcé son premier discours dans les locaux flambants neufs du Commissariat de Grand-Goâve, lequel est, à date, la seule réalisation du Gouvernement Martelly-Lamothe à Grand-Goâve. Un peu plus tard, soit le 1ermai, l’assassinat de Obama Moreau (35 ans), agent de sécurité de la Mairie, a donné lieu à une campagne de répression menée contre les habitants du quartier de bord-mer où se concentrent les partisans du Député Laporte et de l’ancien maire déchu de ses fonctions. Bilan : au moins deux personnes blessées par balles et plusieurs maisons incendiées. Nombreux sont les jeunes qui, depuis ces événements, fuient la ville ou se cachent pour échapper à la répression policière. Les informations qui circulent à Grand-Goâve laissent croire que les agents de l’Unité Départementale de Maintien de l’Ordre (UDMO) qui y ont été déployés sont sous le plein contrôle du secteur politique lié à la mairie. A preuve, il assure(rait) la restauration de ces policiers à hauteur de dix mille gourdes (10.000) par jour. Est-on en train d’assister à une sophistication de la force répressive en Haïti dans des proportions qui rappelleraient celles de la satrapie duvaliériste ? 3. Les marques symboliques de la violence instituée Serait-ce un hasard qu’au nombre de ceux qui vivent dans le maquis à Grand-Goâve, se détache la figure de Paul Jean Mario (46ans), journaliste, écrivain et militant politique ? Celui-ci a été incarcéré durant le coup d’état de septembre 1991 et violemment battu. Il a reçu, en 1992, le prix Louis M. Lyons pour la conscience et l’intégrité dans la pratique du journalisme, décerné par l’Université de Harvard. Rentré au pays suite à des démêlées avec la justice américaine, il dirige une organisation démocratique locale. Comme par le passé, il est obligé de se terrer pour ne pas faire les frais de la répression politique qui sévit à Grand-Goâve. De même, j’ai rencontré Darline Laviolette (40 ans). Elle vit avec sa fille Dartilza (3 ans), sans avoir les nouvelles de son mari Arthur Saint Surin (39 ans), lequel a gagné le maquis pour se protéger. M. Saint Surin est membre du bureau politique de l’ancien Député Marcel Lumérant. L’ancien Maire de la ville, M. Joseph Jean-Pierre Salam, s’est mis à couvert suite à une perquisition fracassante de son domicile qui été endommagé en la circonstance. Un ancien responsable local nous a confié sous le couvert de l’anonymat que le ministre de l’intérieur a(urait) déclaré qu’il ne lésinera pas sur les moyens pour installer les nouveaux maires parce qu’il est un ancien militaire. Au vu de la situation qui prévaut actuellement à Grand-Goâve, il a tenu sa promesse. Un rapport du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), daté du 6 Mars 2013, a dressé comme suit le bilan suivant des violations des droits humains perpétrés à Grand-Goâve, peu avant le déploiement des agents de l’UDMO : • Deux (2) Morts ; • Quatre (4) blessés par balles ; • Treize (13) véhicules incendiés ; • Huit (8) maisons incendiées, une (1) saccagée et trois (3) autres criblées de balles. [3] Ce qui est frappant, dans cette affaire : les victimes de l’actuelle répression à Grand-Goâve se rencontrent majoritairement dans les secteurs qui ont toujours été dans le collimateur des régimes anti-démocratiques du passé tandis que ceux qui orchestrent la répression sont les anciens affidés locaux du FRAPP ou les suppôts des dictatures duvaliériste et militaire. Ces concurrences insupportables à l’utopie démocratique et républicaine nous amènent à mous demander : S’agit-il d’une dérive autoritaire du régime de Martelly ou de l’exécution d’un agenda politique fascisant sciemment planifié ? Le psychologue Abraham Maslow (1908-1970)- surtout célèbre pour ses travaux sur la motivation humaine- semble nous apporter une explication fort judicieuse : « Lorsque votre seul outil est un marteau, vous avez tendance à traiter tous les problèmes comme un clou ». [4]4. Le Peuple Haïtien réclame des solutions novatrices Le Président Martelly, en s’entourant principalement d’anciens cadres de la dictature duvaliériste, emprunte leur vision nihilo-fasciste du monde, laquelle sous-tend une démarche d’oppression et de répression : abolition de la démocratie, limitation ou annulation des libertés humaines, considérées comme des principes abstraits etc. Que ce choix soit accidentel ou planifie importe peu ! Ce qui importe, c’est que Mr. Martelly est en train de puiser ses recettes à une idéologie politique qui a conduit le pays à une effroyable hécatombe humaine. Ce qui importe, c’est que Mr Martelly se contente de recycler des idées anciennes pour solutionner les problèmes cruciaux du présent et de l’avenir. Si Mr. Martelly est à cours d’idées et de solutions novatrices pour résoudre les problèmes pluridimensionnels auxquels le pays est confronté, qu’il nous le dise ! Les fanfaronnades, quoiqu’habilement orchestrées, la prétention et la déformation n’arrivent pas à dissimuler la routinisation et l’inertie du « pouvoir Tètkale », rebaptisé à bon escient « pouvoir Kaletèt » par la sagesse populaire. La misère ravage le pays dont les consuls sont chargés de pourvoir aux besoins publics !
Posted on: Wed, 17 Jul 2013 14:29:50 +0000

Trending Topics



Recently Viewed Topics




© 2015