L’Afrique du XXIème siècle L‘Afrique est entrée dans le - TopicsExpress



          

L’Afrique du XXIème siècle L‘Afrique est entrée dans le 21ème siècle sans que de nombreux problèmes ne soient résolus, notamment les problèmes de pauvreté, d’urbanisation rapide et de gouvernance des villes, la question nationale, l’intégration régionale, l’inégalité entre les genres, l’insécurité alimentaire, les conflits et la violence, et le fait d’occuper une position subalterne, sinon de dominée dans la gouvernance mondiale. Le poids du passé constitue un handicap important pour l’Afrique, notamment celui du colonialisme et du néocolonialisme. Les effets de la traite négrière, de la colonisation et du néocolonialisme que l’Afrique a subi se font encore sentir. La traite négrière, le colonialisme et la domination néocoloniale ont chacun et ensemble eu comme conséquences la suppression des libertés, la violation des droits humains et de la dignité des peuples du continent, ainsi que le pillage des ressources humaines, naturelles et intellectuelles, ce qui a conduit à ce que l’historien panafricaniste Walter Rodney a appelé le « sous-développement » du continent africain. Parmi les grands handicaps du continent, à l’aube de ce XXIème siècle, figurent également le faible niveau d’instruction d’un grand nombre d’Africains, l’absence de techniques modernes de production, de transports, un espace politique fragmenté, et la structure extravertie des économies. Les économies, les institutions d’enseignement supérieur et les cultures des élites ont été fortement marquées, non pas par une philosophie et des stratégies de développement guidées par les intérêts des peuples d’Afrique, mais par des influences, pas forcément libératrices, venant des pays du Nord. Néanmoins, l’Afrique de la fin de la première décennie du 21ème siècle n’est pas exactement la même que l’Afrique du début des années soixante qui venait à peine de se libérer de la domination coloniale. De même, les défis d’aujourd’hui ne sont pas ceux des années 60. Même s’il en existe certains auxquels le continent continue d’être confronté depuis le début des années d’indépendance, ils se posent différemment dans le contexte actuel. Ceci est particulièrement vrai pour les questions de gouvernance et de développement qui, pour la plupart, sont toujours en attente de solutions. Or, tout porte à croire que ces questions ont pris une ampleur et une pertinence particulière. La célébration du 50ème anniversaire des indépendances africaines en 2010 a donné l’occasion aux chercheurs africains de faire le bilan de 50 ans d’indépendance, un bilan somme toute mitigé. Certes, il y a eu de nombreuses réalisations en termes de développement social et économique. Des progrès énormes ont été faits en matière d’éducation et de santé, et certains pays ont réussi à bâtir des systèmes de gouvernance démocratique, notamment après la vague de conférences nationales (en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale) de la fin des années 1980 et au début des années 1990. La chute des régimes autoritaires, la fin de l’Apartheid, l’alternance dans des pays comme le Sénégal, et les mutations profondes intervenues en Tunisie (la Révolution du jasmin), en Égypte et ailleurs en Afrique du Nord, ont rendu les perspectives de démocratisation et de développement de l’Afrique beaucoup plus réelles. Cependant, même avec ces transformations politiques récentes, les questions de gouvernance font toujours partie des grands défis que notre continent doit relever. En effet, l’Afrique vit encore le paradoxe qui consiste à avoir des populations pauvres vivant dans des pays qui regorgent pourtant d’importantes richesses naturelles. La pauvreté est massive et profondément enracinée, et les processus qui mènent vers l’exclusion et la marginalisation de pans entiers des sociétés africaines sont toujours à l’œuvre. Or, l’exclusion et la marginalisation sociale et politique des individus, de groupes et classes sociales entières sont à l’origine de nombreux conflits qui ont ravagé divers pays du continent, aggravant par la même occasion le sous-développement et la dépendance internationale. Certains des « remèdes » à la crise économique et, plus généralement, aux problèmes du sous-développement et de la pauvreté généralisée qui ont été proposés voire imposés à l’Afrique ont, dans certains cas, contribué à l’aggravation des problèmes qu’ils étaient censés résoudre. D’autres, comme le recours aux OGM présentés comme antidote à l’insécurité l’alimentaire ou comme l’aliénation des terres à grande échelle au profit d’entreprises multinationales produisant des cultures vivrières ou des bio-carburants soulèvent d’importantes questions politiques, sanitaires et éthiques, rendant la question agraire encore plus complexe. La marchandisation qui s’impose à presque toutes les sphères de la nature et de la société, y compris pour ce qui touche aux organes humains, aux ressources forestières et aux sciences sociales elles-mêmes, posent d’énormes défis à la science, même si à certains égards, le processus a orienté le flux de précieuses ressources financières et humaines vers certaines questions essentielles ce qui a conduit à des découvertes majeures qui participent au progrès social. Cependant, selon toutes les indications, à l’exception de quelques-uns, les pays du Sud sont toujours, dans la relation globale qui existe derrière ces processus, dans la position de receveurs/consommateurs, ou au mieux dans le rôle du « passager » au lieu d’être dans celui du « conducteur » dans le processus de mondialisation. La réflexion devrait également explorer des pistes telles que la mobilité des populations africaines, ses conséquences en termes de citoyenneté et de droits, ses répercussions sur les rapports de genre ; la question des changements climatiques, la gestion des ressources naturelles et le problème de la sécurité alimentaire ; la problématique récurrente de l’intégration africaine avec la mise en exergue de la question de la monnaie et celle des frontières ou encore la gouvernance des villes africaines, dès lors que nombre d’études prospectives identifient l’urbanisation comme une tendance lourde de l’évolution du continent. Ces éléments semblent être des points qui continueront à déterminer l’évolution de l’Afrique. Il reste qu’une attention particulière doit être portée à l’enseignement supérieur pour l’importance, sans équivalent, que constitue le savoir et surtout pour sa capacité à influer sur l’ensemble du système. La « vulnérabilité » de l’Afrique ne résulte-t-elle pas de sa place marginale dans l’économie du savoir ? Avec les changements en cours dans l’enseignement supérieur dans le monde et l’affaiblissement de nombreuses universités africaines comme résultat de vingt années de programme d’ajustement structurel (PAS), de fuite des cerveaux et de pure négligence de la part de l’État, la recherche africaine rencontre d’énormes difficultés dans ses tentatives d’étudier et d’interpréter ces phénomènes et d’autres encore. Les nouvelles technologies, notamment les TIC, jouent un rôle des plus cruciaux dans le développement social, économique et politique du continent. Le téléphone mobile et les stations de radios FM ont joué un rôle important dans les mouvements politiques et sociaux qui ont conduit à l’alternance qui a marqué la fin de 40 ans de règne du parti qui a gouverné le Sénégal depuis son indépendance. Face aux restrictions imposées aux débats politiques dans de nombreux pays comme la Tunisie, on a vu l’importance qu’a pris l’Internet, et notamment les médias sociaux basés sur l’Internet tels que Facebook et Twitter en tant qu’espaces de luttes démocratiques. La gouvernance de l’Internet, espace géré pour l’essentiel par des entreprises multinationales privées d’un nouveau type (Facebook, Twitter, Google, Youtube, etc.), reste cependant une question à résoudre. Dès lors la question est la suivante : ce siècle sera-t-il celui de l’Afrique, comme cela est parfois avancé ? Une meilleure façon de poser plus ou moins la même question est de se demander : comment l’Afrique peut-elle prendre son avenir en main et faire de ce siècle celui de sa renaissance ? Mais que signifie faire du 21ème siècle le siècle de l’Afrique et qu’est-ce que cela implique ? Quels sont les principaux défis que le continent, ses peuples et ses diasporas devront surmonter dans les prochaines décennies ? Comment les sciences sociales et humaines seront-elles capables de relever les défis que nous connaissons déjà, et quels types de développement les systèmes africains d’enseignement supérieur et de recherche entreprennent-ils afin d’être capables de préparer l’Afrique à relever les défis auxquels elle devrait faire face dans les prochaines décennies de ce siècle ? Quel est le rôle des intellectuels en général et du CODESRIA en particulier face à ces défis ? Les enjeux théoriques sont très importants. La construction d’une science autochtone tournée vers la compréhension des réalités sociales africaines a toujours été l’ambition du CODESRIA et de tous les grands intellectuels du continent. La lutte contre les conséquences intellectuelles de la domination occidentale est cependant loin d’être gagnée. La division scientifique du travail dans laquelle l’Afrique est encore principalement perçue comme pourvoyeuse de matériaux brut et inutiles à la transformation des sociétés africaines est toujours en vigueur. L’agenda épistémologique du continent doit encore inclure la transformation de l’ordre épistémologique dominant, qui favorise l’Occident et pénalise le Sud, et l’Afrique en particulier. La valorisation des acquis intellectuels des grands penseurs africains et de la Diaspora tels que Ibn Khaldoun, Ibn Batouta, El-Bekri, Al Idrissi, Ahmed Baba, Marcus Garvey, WEB Du Bois, Léopold Sédar Senghor, Cheikh Anta Diop, Frantz Fanon, Aimé Césaire, Joseph Ki-Zerbo, Ruth First, Chinua Achebe, Ngugi wa Thiong’o, Wole Soyinka, CLR James, Abdul-Rahman Babu, Sembène Ousmane, Fela Kuti, Tajudeen Abdul-Raheem, Archie Mafeje, Bernard Magubane, Samir Amin, Claude Ake, Ali El-Kenz, Fatima Mernisi, Mahmood Mamdani, Amina Mama, Souleymane Bachir Diagne, Paulin Hountondji, Jean-Marc Ela, Thandika Mkandawire, Fatou Sow, Issa Shivji, Ifi Amadiume, Oyeronke Oyewumi et Omafume Onoge (la liste est longue) doit continuer à faire partie de nos priorités, tout comme le dialogue Sud-Sud et Sud-Nord.
Posted on: Tue, 17 Sep 2013 16:26:12 +0000

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