Mais qui est donc Khalimadiakhaté Kala ? Khalimadiakhaté kala - TopicsExpress



          

Mais qui est donc Khalimadiakhaté Kala ? Khalimadiakhaté kala est né en 1835, mort en 1902. Il est le fondateur du village de keur Makala, qui porte son nom, situé à quelques encablures de Thilmakha M’bacol, le cœur du Cayor, dans la région de Thiès au Sénégal. C’est un érudit téméraire, écrivain de premier plan, poète, maîtrisant parfaitement la grammaire arabe et le wolof, il fut juge dans la cour de Lat Dior N’goné Latir Diop, dernier Damel du Cayor, mort en 1886 à Dékheulé. Non moins directeur de conscience qui lui valut le peu de disciples par rapport à ses pairs. Mis en résidence surveillée plusieurs fois pour ses prises de position, il fut un combattant de la liberté. De Touba à Tivaoune, il est la colonne vertébrale et le pilier de ses deux confréries, quoiqu’on puisse dire. Pourtant, aujourd’hui, il demeure le parent pauvre de l’historiographie des Grandes figures. Un paradoxe qui ne dit pas son nom ! Dans Ethiopiques numéro 57-58 revue semestrielle de culture négro-africaine er et 2e semestres 1993,Cheikh Aliou Ndao écrit, je le cite : « C’est pourquoi, je voudrais vous parler d’un écrivain bien de chez nous, d’un auteur très peu connu de la jeunesse. Pourtant, il s’agit d’un homme dont les oeuvres devraient être étudiées non seulement par le département d’arabe de la Faculté des Lettres, mais par tous les étudiants de littérature africaine. Je veux parler de Khali Madiakhaté Kala (1835-1902). Citoyen du Cayor, du village de Kala à quelques kilomètres de Ngaay Mexe sur la route de Thilmakha. Grand érudit, de son vrai nom Moussa, il fut nommé dans les fonctions de Cadi, c’est-à-dire de juge des affaires musulmanes par le roi du Cayor Lat Dior Diop. La prononciation wolof a donné Xaali et l’on a ajouté le nom de son village Kala, d’où Khali Madiakhaté Kala. En relation avec tous les grands de son époque, aussi bien les marabouts que les souverains, cet érudit a été revendiqué à la fois par les lettrés et les hommes du peuple. Ce qui est rare. Ses contemporains ont retenu l’image du Cadi dont les jugements s’enracinaient dans l’esprit du terroir. Il a tenté de réconcilier le côté positif de la coutume et l’essence du droit musulman. Mais Xaali est passé à la postérité grâce à la poésie. Maître de la versification en arabe avec toutes ses règles, ses nuances, ses difficultés, il a formé d’éminents poètes à son école. Composant aussi bien en wolof qu’en arabe, Xaali a défié les meilleurs poètes de son temps dans des sortes de joutes qui étaient à l’honneur à l’époque. La versification ne l’éloignait pas pour autant de l’enseignement des autres matières, ni de ses occupations de juge et de secrétaire du Damel Lat Dior. Il est bon de s’intéresser au personnage. Khali Madiakhaté Kala symbolise l’écrivain conscient de son rôle dans sa société, un homme libre mais aussi un homme des libertés. Rien n’arrêtait Xaali. Sa plume n’a jamais hésité dans la diffusion de ses idées. Quelles que soient les circonstances, aussi bien devant le Damel du Cayor, que devant le Gouverneur français de l’époque, il a fait preuve de courage politique, de sincérité et de franc parler. Il est vrai que certains pourraient lui reprocher une ou deux de ses attitudes considérées comme une espèce de compromis trop proche de la compromission. Cela étonne de la part d’un écrivain qui se dit libre. C’est vite oublier le but poursuivi par Khali. Il semble que sa vie durant, il a surtout essayé de sauvegarder sa liberté de manoeuvre pour mieux se consacrer à sa création. Il ne dévie pas de la voie choisie. Fondamentalement Khali Madiakhaté Kala est resté un homme libre, un écrivain qui a essayé de ne pas biaiser avec la vérité. Ce ne fut pas facile. Pensez à l’époque. Nous sommes au 19è siècle, période des bruits de guerres coloniales, de conquête et de résistance. C’est le temps des nominations et des destitutions de damels selon la volonté du Gouverneur français installé à Ndar. C’est le moment du refus populaire, des incendies de villages. C’est l’époque des convocations de dignitaires à Saint-Louis d’où la plupart ne sont jamais revenus. Khali lui-même a été obligé d’exercer les fonctions de Cadi au nom de l’occupant, pendant quelques années. Même si cela n’a pas duré longtemps, même si l’érudit du Cayor a tout fait pour contrecarrer le projet, il faut quand même le souligner. Convoqué plusieurs fois à Saint-Louis, Khali y fut maintenu en résidence surveillée par le Gouverneur français. Nous reviendrons sur ces moments douloureux de sa vie. Il faut dire que Khali était à la fois adulé et craint par le pouvoir colonial. Connaissant sa vaste audience auprès du public, il voulait s’attacher les services de l’érudit. Les poèmes satiriques de Xaali en wolof faisaient le tour du pays. Ses dits devenaient aussitôt des proverbes. Que va faire un tel écrivain ? Le Damel Lat Dior jaloux de son pouvoir ne veut pas que l’érudit s’éloigne de lui. Non seulement il le maintient dans ses fonctions de Cadi, mais il s’attend à ce qu’il se comporte comme tout le monde face à son gouvernement. Alors que Khali Madiakhaté Kala va se conduire en homme libre, en écrivain des libertés. Il se voyait comme un témoin de l’histoire. Cette conception de son rôle va lui attirer quelques ennuis de la part de son souverain. Le 12 janvier 1864, le Damel Lat Dior est battu par les français à la bataille de Loro. Voici le poème qu’écrivit Khali au sujet de cet événement. Disons qu’il s’agit de quelques extraits. « Lat Dior est-il sincère quand il prétend avoir embrassé la religion ou bien n’est-ce là qu’une façon habile de retrouver son trône du Cayor ? Comme preuve à l’appui de sa foi islamique, Lat Dior s’est fait raser la tête. Est-ce qu’on doit recevoir l’ordre de se raser en dehors du pèlerinage ? Les deux armées se sont rencontrées, les Français ont tiré, ont tiré encore (des boulets) de canon, alors l’armée de Lat Dior s’est débandée, taillée en pièces... » On ne mesure la témérité de l’écrivain Khali Madiakhaté Kala qu’en se rappelant la puissance du roi du Cayor à l’époque. Cependant, le poète a voulu donner une relation fidèle comme un reporter. Il profite de l’occasion pour mettre en doute l’orthodoxie de l’obligation faite à un nouvel adepte de l’Islam de se raser la tête. En fait, la question s’adresse à Maba Diakhou puisque selon la rumeur, c’est le marabout de Nioro qui aurait demandé cela à Lat Dior. Voilà un comportement qui pourrait surprendre si on ne connaît pas Khali Madiakhaté Kala. En fait, bien qu’il ait reçu la même formation que les autres dans les sciences de la religion musulmane, il ne s’est jamais considéré comme un directeur de conscience. Ce qui l’intéresse, c’est le savoir en tant que tel, surtout son aspect libérateur. C’est peut-être ce qui explique que Khali Madiakhaté Kala n’ait pas eu de disciples permanents accrochés à lui, contrairement à ses pairs. Il s’est contenté de dispenser un enseignement qui devait atteindre tous les coins du terroir. Esprit ouvert, cet écrivain n’a dédaigné aucun aspect de la vie. Son jugement sur les événements de son époque s’est voulu froid et sans complaisance. Lorsque son poème satirique parvint à Lat Dior, celui-ci n’a pas apprécié. Bien au contraire. N’oubliez pas qu’à l’époque, un morceau de ce genre était aussitôt appris et récité dans les daara par les taalibé. Aussi le même Khalife écrivit il un autre poème. « ...Vas-tu te mettre en colère pour ce poème que j’ai composé sous la menace des ennemis ? Le coupable n’est-il pas excusable ? Je ne sais pas si je suis un bouc entre les griffes d’un fauve ou bien un moineau empoigné par un enfant ». AHMADOU DIOP
Posted on: Mon, 16 Sep 2013 22:00:00 +0000

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