Minute... Parler de Minute. Simplement écrire ces six lettres - TopicsExpress



          

Minute... Parler de Minute. Simplement écrire ces six lettres me coûte. Ces racistes. Ces salopards. Immondes un jour, immondes toujours. Alors que Christiane Taubira avait décidé de ne pas faire de publicité à ces ignobles, ce matin, tout le monde sempresse de défendre la ministre et le premier ministre a décidé dagir en Justice. Voilà qui change, en tous cas, de ces derniers jours où beaucoup regardaient leurs pompes. Il faut pourtant prendre le temps de réfléchir et dépasser Minute. Des unes de Minute à gerber, jen ai lu des dizaines et des dizaines, dans le cadre de mes travaux universitaires sur le Front national. Pendant plus de quinze ans, mon ordinaire fut la lecture de Minute, National Hebdo, Présent, Rivarol, Le Choc du mois et compagnie. Jai vu passer des centaines de dessins racistes odieux : des noirs aux narines épatées, des juifs au nez crochu, des arabes barbus au regard fourbes. Les plus jeunes dentre vous ne savent probablement pas quon y traitait Anne Sinclair de charcutière casher... Certains de ces immondices sont reproduits dans ma thèse. À lépoque, ces caricatures abjectes circulaient très peu. Il fallait être abonné (je létais) ou fréquenter les arrière-salles des librairies dextrême droite, comme je le faisais, pour les consulter, sous le manteau. Mais tout a changé. Le progrès, la vitesse... Internet, les réseaux sociaux, linformation en continu, la télévision qui saute sur tout ce qui buzze et qui buzze sur tout ce qui saute. Alors hier, lorsque un premier internaute a tweeté la une du torchon, jai eu un premier réflexe, un peu lâche. Je me suis dit que jallais couper, décrocher, sauter en marche. Je ne joue pas... Je savais que trente secondes plus tard, des poignées dinternautes citeraient Pierre Desproges : Au lieu de vous faire suer à lire Sartre, vous achetez Minute vous avez à la fois La nausée et Les mains sales Que dautres allaient sindigner et réexpédier immédiatement le petit paquet de merde, bien ficelé à leurs voisins. Que dautres leur diraient de ne surtout pas le faire, de ne pas contribuer à la contagion. Que des pourris prendraient plaisir à se vautrer dans cette fange et à la partager; Javais anticipé (pas besoin dêtre bien malin, hein) que sur le Web, grâce au Web, à cause du Web, le petit colis merdeux allait tourner toute la journée et atteindre des dizaines de milliers dinternautes qui, avant, nétaient jamais pollués par cette marée noire. Le piège piteux est là. Le dilemme est devenu quotidien ; presque permanent depuis que des journaux papiers, prêts à tout pour sadapter au rythme dément et à lexpression libérée du net, tentent de vendre un numéro de plus, en utilisant systématiquement la viralité explosive des réseaux sociaux. Et pas que des journaux fascistes, hein ! Doit-on reprendre, relayer, diffuser chaque saloperie que lon voit passer ? Doit-on détourner le regard, éviter de favoriser leur multi-diffusion numérique ? Certains jours, je suis tellement révolté par ce que je vois que jappuie sur le bouton de partage et je fais passer à mon voisin. Certains autres, je suis tellement las, tellement écœuré, que je zappe et du coup, hier, jai juste écrit cela... Cest que chaque fois, désormais, la même question se pose et elle va se poser de plus en plus. La même petite embuscade minable, tendue par ceux qui ont décidé dutiliser le meilleur (le réseau), pour diffuser le pire (la haine) et parvenir à contaminer le plus de gens possibles. Jai longtemps pensé, écrit, dit et défendu que lavantage dInternet cest quil contient à la fois le poison et lantidote. Mais ce matin, je doute. Je nai pas de solution rationnelle face au racisme dément qui explose sur les écrans à la gueule de ceux qui nont rien demandé à personne. Jécoute ceux qui critiquent déjà les poursuites, une interdiction éventuelle et brandissent le flambeau de la liberté dexpression. Je soupèse la sincérité de ceux qui exigent des poursuites. Je mesure le caractère contreproductif de toute interdiction. Je sais, surtout, que, malheureusement, dès demain, nous passerons en cortège la saloperie suivante. Je repense, alors, à ces mots dAlbert Camus, dans La Peste : La bêtise insiste toujours. Faut-il insister pour lui répondre ? BIRENBAUM
Posted on: Wed, 13 Nov 2013 09:34:11 +0000

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