NOTRE HISTOIRE OCCULTÉE Ferhat Ben Soltane..! Une branche de - TopicsExpress



          

NOTRE HISTOIRE OCCULTÉE Ferhat Ben Soltane..! Une branche de la descendance d’Ali constitue la tendance médiane du mouvement ismaïlite et réussit à mettre en place les fondements de son rêve de domination sur le monde musulman en s’emparant de la Tunisie en 909, où elle remplace un État kharidjite. Elle s’implante ensuite en Égypte (969), une des provinces majeures du califat abbasside, pour y fonder un anti-califat appelé fatimide, de Fatima la fille de Muhammad et femme d’Ali, le lien par excellence qui fonde le dogme et les prétentions ismaïlites. p016 Le califat fatimide constitue la plus grande réussite temporelle du shi’isme extrémiste. Face aux Abbassides affaiblis, cernés de provinces en sécession qui ne gardent que des liens formels avec Bagdad, elle-même soumise à la famille shi’ite des Buwayhides, les Fatimides ont de bonnes raisons de croire à la victoire. La Palestine et la Syrie sont conquises et des lieutenants fatimides se préparent activement pour la révolte finale. Mais État est la mort de l’utopie et les imams fatimides vont vite se retrouver empêtrés dans les intrigues du sérail, comme tous leurs illustres prédécesseurs. Ce rêve millénariste embourbé induit de nouvelles réactions : la tentation de se dégager de l’idée de la fin des temps en déclarant qu’elle est arrivée. C’est chose faite avec al-Hakim (996-1021) qui proclame sa divinité. Mais à sa mort, ou plutôt à sa disparition, État doit continuer à exister, tandis que la foi cherche un point de fixation. Cet avatar a pour effet la naissance de la secte des druzes, laquelle, fidèle à la divinité d’al-Hakim, va se réfugier dans les montagnes du Liban où elle se trouve toujours. Une autre réaction est celle manifestée par les fidèles lointains, notamment ceux de l’Iran qui ont besoin de nouveaux espoirs. Un élément majeur s’introduit entre-temps dans l’islam : l’arrivée des Turcs. Une nouvelle force islamisée — sunnite, et hanéfite de surcroît — l’empire seldjukide, prend sous sa protection le califat abbasside en 1058 et entend combattre tous les hérétiques. Jérusalem et Damas sont conquises et les Fatimides se trouvent enfermés en Égypte. Lorsque les ismaïlites de l’Iran se révoltent en 1090 contre les Seldjoukides et occupent le château d’Alamut dans la chaîne d’Alborz au nord du pays, ainsi qu’une série de places fortes, ils n’attendent qu’un prétexte pour se défaire de la tutelle fatimide. Il leur est donné par une affaire de famille. Nizar, fils du calife fatimide al-Mustansir, mort en 1094, est écarté de la succession par une intrigue de palais. C’est l’occasion pour les ismaïlites de Perse de p017 devenir « nizarites ». Ils prennent aussi sous leur tutelle les ismaïlites de Syrie (les Druzes mis à part) qui se trouvent également en territoire seldjukide et qui sont connus sous le nom célèbre d’« assassins ». Les Fatimides de Égypte survivent encore un siècle pour subir un ultime affront, la première grande agression subie par le monde musulman : les Croisades. Ils s’effacent en 1171 devant Salahaddin Ayyubi, le Saladin des croisés, qui ramène Égypte dans le giron de l’« orthodoxie » islamique. Le reste des sectes fatimides, divisé encore en deux branches, glisse à travers le Yémen vers les nouvelles terres de l’islam et s’implante en Inde où il s’est maintenu jusqu’à nos jours. Ainsi les ismaïlites d’Alamut et leur lieutenant syrien, le légendaire « Vieux de la montagne », vont être les maîtres d’œuvre de l’explosion finale de l’extrémisme shi’ite. Ibn Battûta visite leurs places fortes syriennes, mais c’est Marco Polo qui mentionne celles de l’Iran. Tout en conservant son caractère révolutionnaire dicté par les menaces d’encerclement, la communauté d’Alamut se trouve face au même dilemme de la réalisation de l’utopie. C’est ainsi que Hasan, quatrième seigneur d’Alamut (1162-1166), proclame solennellement l’avènement de la résurrection et par conséquent l’abolition de la loi islamique et la réalisation du paradis sur terre. C’est apparemment à cet événement que fait écho la description par Marco Polo du paradis « assassin ». De ce fait, l’imam se trouvait divinisé, ce qui ne pouvait manquer de poser encore des problèmes de succession. Son successeur sera obligé de revenir en arrière et remettre la fin des temps à sa place. Malgré ces péripéties, la communauté survivra jusqu’à l’arrivée du rouleau compresseur mongol, et Hulagu met fin à l’indépendance politique des ismaïlites en Iran en en massacrant le plus grand nombre. Toutefois, les descendants des imams subsisteront, divisés en deux branches, avec quelques fidèles jusqu’à l’établissement officiel du shi’isme en Iran par les Safavides au p018 xvie siècle. Ils refont surface au xviiie siècle, reçoivent, au siècle suivant, le titre d’Agha Khan et s’établissent en Inde pour se perpétuer jusqu’à nos jours. Les explosions multiples de l’ismaïlisme qui prennent la relève de celles du kharidjisme démontrent l’impossibilité d’une victoire, aussi bien temporelle que dogmatique (les deux termes étant d’ailleurs inséparables, comme on vient de le voir), sur l’islam sunnite, plus formaliste et peut-être plus enclin aux compromis, mais aussi plus pragmatique et jouissant partout de la confiance des groupes dirigeants. Ainsi le déclin du califat abbasside n’empêche pas la progression et la consolidation de l’islam sunnite. Le protectorat seldjukide et le sursaut face à la provocation des Croisades y sont d’ailleurs pour quelque chose. Les madrasas, collèges universitaires, se multiplient dans les capitales d’un islam désormais politiquement éclaté mais toujours en quête de son unité, comme le prouvent, entre autres, les pérégrinations de notre voyageur. Mais, après l’échec sanglant et épuisant de tant de tentatives, le sentiment profond de l’« occasion perdue » persiste, ne pouvant se satisfaire ni de l’aspiration à la réalisation du « Royaume » sur cette terre ni d’une approche intellectuelle et rationaliste, le mouvement mu’tazilite s’étant évanoui dès qu’il fut privé du soutien du pouvoir. Il ne reste donc que la fuite individuelle, la quête personnelle de Dieu, l’étroit chemin qui mène le croyant à l’identification avec la divinité, la tariqa. Le mysticisme se répand, à partir du xie siècle, sous le nom générique de « soufisme » (de souf, manteau de laine porté par ses adeptes) et se fixe ensuite en confréries ou ordres, tariqa. A travers une évolution similaire à celle du christianisme, l’ascétisme individuel fait successivement place aux ordres et aux zawiyas, établissements « conventuels ». Il existe déjà à l’époque d’Ibn Battûta une dizaine de ces ordres et notre voyageur en fait amplement mention en s’affiliant à certains d’entre eux. p019 Il nous reste à rappeler, pour faire la liaison avec cette époque, une autre calamité qui vient secouer le monde musulman : l’arrivée des Mongols, shamanistes à leurs débuts, bouddhistes par la suite, qui conquièrent Bagdad et foulent le dernier calife aux pieds de leurs chevaux. L’islam traverse une crise majeure avec les croisés en Syrie et en Palestine et les Mongols à Damas et aux portes de Jérusalem. Il est sauvé dans un premier temps par les Mameluks Égypte qui arrêtent les Mongols en 1260, et la capacité d’assimilation de la société islamique fait progressivement le reste par la suite. Toutefois, quand Ibn Battûta sillonne ces terres presque un siècle plus tard, les plaies sont encore profondes et loin d’être cicatrisées. État mameluk Égypte apparaît comme le pilier par excellence de l’islam, tandis que l’empire mongol ilkhanide qui vient d’être islamisé est en train de se disloquer. L’insécurité et l’incertitude qui règnent donnent un impact formidable au soufisme qui n’hésite pas à absorber des éléments shamaniques, bouddhistes et même hindouistes pour arriver à égayer les âmes et les corps perdus dans la tourmente. C’est donc dans ce monde que notre homme, musulman sunnite, malikite et maghrébin, va se jeter. Ce dernier qualificatif, dont Ibn Battûta se sert souvent, a son importance dans la vision de l’auteur. Cet « Occident » musulman est souvent vu comme le « nouveau monde » de l’islam. La terre maghrébine avait successivement abrité toutes les dissidences de l’islam. Le premier État kharidjite s’y est implanté ; lui succéda le premier État ismaïlite. Idris fut le premier Alide à régner sur un royaume qu’il avait fondé au Maroc à partir de 788, celui des Idrisides. Mais la grande masse de la population reste sunnite, devient malikite, et le Maghreb, après la faillite du puritanisme révolutionnaire, se transforme en terre de la pureté « orthodoxe ». Le mouvement almohade prend le pouvoir au Maroc à partir de 1121 p020 au nom de l’orthodoxie et du retour aux sources pures de l’islam. Ibn Djubair, le voyageur andalou, maître en quelque sorte d’Ibn Battûta, qui visite Égypte en 1183, tout en exprimant sa reconnaissance envers Salahaddin Ayyubi, fléau des croisés, répète plusieurs fois son souhait que le mouvement almohade puisse gagner les terres centrales de l’islam afin de les purifier. A la disparition du califat abbasside en 1258, le souverain Hafside de Tunis s’empresse de s’arroger le titre de calife, soutenu par l’émir de La Mecque. Le sultan marinide de Fez, Abu Inan, contemporain et protecteur d’Ibn Battûta, porte aussi ce titre. Notre auteur part ainsi à la découverte du monde islamique avec le sentiment, qui transparaît par endroits à travers le texte, d’une certaine supériorité. Au-delà des traits appartenant à son époque, nos connaissances sur le personnage se limitent à la description que lui-même en donne dans son récit. On possède à peine deux éléments supplémentaires : la date de sa mort, qui est le seul fait nouveau contenu dans sa notice biographique figurant dans un dictionnaire du xve siècle, 1368-1369 (l’année 770 de l’Hégire), et un passage d’Ibn Khaldoun mentionnant l’incrédulité suscitée par les récits du voyageur à la cour de Fès. Ainsi des biographes se sont ingéniés à glaner les éléments autobiographiques du récit afin de reconstituer le caractère du personnage. Nous pensons que c’est un travail superflu. Le lecteur aura le plaisir de découvrir le caractère de l’auteur, pittoresque dans son pragmatisme et suffisamment pharisaïque dans son formalisme. On pourrait alors se limiter ici à une biographie succincte qui constitue en même temps la trame du récit. Ibn Battûta, d’origine berbère, est né à Tanger en 1304. Il quitte cette ville avec l’intention de faire le pèlerinage de La Mecque à vingt et un ans en 1325. Il visite Égypte et une partie de la Syrie et fait son premier pèlerinage en 1326. Ensuite, dans une série de voyages p021 rapides il rayonne vers Ispahan et Chiraz, Tabriz et Mossoul, tout en visitant l’Irak entre deux voyages, et revient à La Mecque pour le pèlerinage de 1327. Il y reste, d’après ses dires, pendant les trois années suivantes pour partir juste après le pèlerinage de 1330. Il visite cette fois-là le Yémen, descend la côte orientale de l’Afrique, longe ensuite la côte méridionale de l’Arabie ainsi que le golfe Persique avec probablement une excursion dans la région du Lar en Perse, et il revient encore à La Mecque pour le pèlerinage de 1332. Ensuite c’est le grand départ qui le mène à travers Égypte et la Syrie aux côtes anatoliennes. Il y reste près de quatorze mois en parcourant dans tous les sens l’Asie Mineure. Il s’embarque par la suite, pour les steppes russes, revient vers le Khorasan et descend vers l’Inde, probablement en 1335. Il vit à la cour du sultan de Dihli, pendant sept ans, sans apparemment trop s’éloigner. Parti en juillet 1342, il descend la côte occidentale de l’Inde pour devenir cadi (juge) des Maldives. Ensuite c’est Ceylan, la côte orientale de l’Inde, le Bengale et la descente à travers les îles Andaman vers Sumatra. A partir de là, le récit se brouille. Ibn Battûta parle bien d’un voyage en Chine et d’une remontée jusqu’à Pékin, mais les informations paraissent suspectes. De toute façon, il est de retour au Moyen-Orient au printemps de 1347, traverse le sud de l’Iran, l’Irak et la Syrie pour aboutir au Caire, d’où il refait le pèlerinage de La Mecque en 1348. Il rentre finalement à Fez en novembre 1349. De là, il effectue encore un voyage en Espagne musulmane et un autre au Soudan, ce dernier en 1352-1353. Il dicte enfin son récit en 1355.
Posted on: Tue, 29 Oct 2013 10:06:35 +0000

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