Prière pour Anton Anton Kouznetsov, Saratov (URSS) 20 juillet - TopicsExpress



          

Prière pour Anton Anton Kouznetsov, Saratov (URSS) 20 juillet 1967 Limoges (France) 11 juin 2013. À Yvan, Vera, Nelly, Vous savez, la peau comme le plomb, les os, les tibias, le cou, les cheveux de plomb. La mort est une figure de la gravité. La mort est une chute, on tombe, on s’effondre, rien de nous soutient plus, on l’écroule, on est anéanti. Plombé. Anton, quarante-cinq ans. Yvan fils d’Anton né en Novembre. Vera, femme d’Anton, loin très loin déjà dans la douleur, déjà dans le souvenir. Le 20 juillet, Anton aurait accompli un nouveau tour de cadran. Il s’est arrêté à moins cinq. Nelly, maman jettera un rameau de bouleau ou de tremble dans la Volga, depuis la rive, en bas du conservatoire, à Saratov, la ville où son fils est né. On entend sûrement le glas maintenant à Saratov, dans ces villes aux mémoires troublées. Un bourdon, comme celui que Boriska parvient à fondre dans les neiges de Souzdal où passe Andreï Roublev. Les oreilles bourdonnent. Le sang fait un drôle de raffut sous la peau. Le sang bout. On tourne en rond. On cherche à comprendre. Injustice ou la résignation ? Désastre. On mesure l’ immensité de la tâche pour faire repartir la vie. Comment recoller un rire brisé. Comment recoller cette vie explosée en plein vol. Comment recoller un poète, jeune, beau, doué pour la vie, généreux, fou, intrépide. Un enfant. Un enfant soviétique parti à l’aventure, explorer la terre avec sa montre, son canif, trois livres, un bâton de pain noir, un flacon de vodka, serrés dans un mouchoir à franges rouges et noires au bout d’une canne de jonc. Les pieds dans la Volga à quinze ans, la tête à Leningrad à vingt, le coeur en passant à Strasbourg à vingt-cinq puis à nouveau la grande terre russe, seul et plein de courage. Revenir au galop parce qu’il y a du grabuge là-bas dans la steppe. Quoi ? L’injustice, la jeunesse, la catastrophe, la rage de l’impuissance, l’inachevé. L’inachevé. C’est ça. Il n’a pas eu le temps de... Anton planait au-dessus de l’Europe comme les amoureux de Chagall, comme le forgeron de Gogol sur le dos du diable, il volait libre, au-dessus d’une Europe ancienne de la Volga à la Seine, quatre mille verstes tout de même en saluant Kiev, Prague et Venise. Les frontières n’avaient pas de sens pour lui. Il ne dressait pas comptabilité des pays qu’il avait traversés. Ni les morts ni les quintaux de blés, ni les barils de pétrole, tout au plus, la liste des poètes. Pouchkine, le premier d’entre eux, Tchekhov, le premier d’entre eux, Marina Tsvetaeva, le premier d’entre eux... Gogol... un italien. Généreux, il regardait le monde sans le découper avec la liberté à l’Ouest et le soleil à l’est. Il y avait le monde d’avant, Saratov en U.R.S.S et le monde d’après, l’ailleurs, simplement ailleurs. Pourquoi pas le Limousin, Limoges, une école de théâtre. Avant de repartir comme les amoureux de Chagall. Patrick Sommier Un hommage lui sera rendu Vendredi 21 juin (horaire à confirmer) mc93/fr/edito/priere-pour-anton
Posted on: Fri, 14 Jun 2013 08:28:32 +0000

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