RADIO RULALE DE GUINEE Atelier régional de concertation - TopicsExpress



          

RADIO RULALE DE GUINEE Atelier régional de concertation entre traditionalistes mandingues et communicateurs des Radios Rurales (Kankan du 02 au 12 mars 1998) LA CHARTE DE KURUKAN FUGA Version : Française et Caractères harmonisés Maninka AVANT PROPOS La charte de Kurukanfuga 2 Est-il encore besoin de parler de l’importance et du rôle de la tradition orale dans la reconstitution ou de la réécriture de l’histoire africaine ? Des spécialistes comme Joseph KIZERBO en ont largement fait l’apologie même s’ils reconnaissent par ailleurs qu’elle doit être traitée avec discernement et circonspection. L’Afrique noire étant par essence le continent de l’oralité, elle donne à la parole la même valeur que d’autres peuples à l’écrit. D’ailleurs l’écrit ne dérive-t-il pas de la parole ? Le Coran et la Bible pour ne citer que ceux-là n’ont-ils pas été révélés oralement avant d’être transcrits ? Ceux qui en Afrique sont les dépositaires de la mémoire collective, suffisamment conscients de la mission qui est la leur, se sont toujours efforcés de transmettre les traditions archives telles qu’ils ont reçues, sans rajouts, ni surenchères. C’est grâce à une poignée de cette génération de traditionalistes que nous avons pu reconstituer aujourd’hui une partie de l’histoire de l’Afrique médiévale, l’empire du Mali à travers l’un des épisodes les plus significatifs de sa fondation : la constitution de l’empire Mandingue ou « la Charte de Kurukan Fuga ». A la faveur de l’atelier organisé par Intermédia Consultant S.A et la Radio Rurale de Guinée en mars 1998 à Kankan (République de Guinée), les communicateurs des radios rurales de la sous –région Ouest Africaine ayant en commun les langues Bambara et Maninka, des chercheurs de Guinée et du Sénégal se sont penchés sur le rôle que les Nouvelles Technologie de l’Information pouvaient jouer en faveur du monde rural. C’est à cette occasion qu’est apparue la nécessité de l’archivage de la tradition orale. Dans ce contexte, l’histoire de l’Empire du Mali a été ciblée comme pouvant fournir des éléments de culture d’une valeur inestimable. La charte de Kurukanfuga 3 La constitution de l’empire du Mali consacrée par une Charte de 44 articles devrait servir de tremplin à ce programme d’archivage. Or, les auteurs qui ont écrit sur l’histoire de l’empire du Mali ont souvent effleuré la Charte sans l’approfondir. Le Professeur Djibril Tamsir NIANE dans son titre célèbre « l’ Epoque Mandingue» a parlé de « Kurunkan Fuga ou le Partage du Monde », traduisant ainsi son informateur. Les grandes idées de la Charte y sont émises pour la première fois mais le lecteur reste sur sa faim. Pour une fois donc, un groupe de traditionalistes a réussi à reconstituer la Charte avec la contribution non moins importante des communicateurs des radios rurales et des chercheurs ci haut référencés. Confrontée plus tard à la version du Chef des traditionalistes du Mali, M. Bakary SOUMANO et à celle de M. Abdoulaye KANOUTE, traditionalistes émérite à Tambakounda (Sénégal), la version issue de l’atelier de Kankan à laquelle M. KANOUNTE a d’ailleurs participé, se trouve être la plus complète, étant l’œuvre d’un groupe. Les grandes déclarations du monde sont presque toujours consécutives à des grandes révolutions : la Déclaration française des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 a eu lieu au lendemain de la prise de la Bastille. La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de décembre 1948 a réuni les Nations Indépendantes du monde après la deuxième guerre mondiale, etc. La Charte de Kurukan Fuga (Cercle de Kangaba en République du Mali) a été convoquée en 1236 après que le Manding se fut libéré du joug du roi sorcier Soumaro KANTE. Kurukan Fuga a posé les grands principes devant régir la vie du grand peuple manding dans toutes ses composantes et sur tous les aspects : organisationnel, économique, culturel, juridique, environnemental, etc. Cette Charte mieux que les déclarations qui lui sont postérieures, a la particularité d’avoir résisté au temps et aux vicissitudes de l’histoire (traite des noirs, colonisation...). En effet, la Charte de Kurukan Fuga continue de régir de nos jours tous les peuples ayant appartenu au grand manding, du moins en ce qui La charte de Kurukanfuga 4 concerne l’organisation de la société, la division du travail, la gestion des conflits, l’hospitalité, la coexistence pacifique et la tolérance. Convoqué au lendemain de l’historique bataille de Kirina qui a vu la victoire de Soundiata KEITA sur Soumaoro KANTE, la Charte de Kurukan Fuga s’est tenue sous l’égide de Kamadjan CAMARA, roi de Sibi. Les délégués convoqués pour la Charte étaient les représentants des tribus qui devaient plus tard constituer les douze provinces de l’empire. Les femmes n’étaient pas en reste dans le rassemblement parce qu’elles y prirent une part à travers leurs représentantes. La Charte dura douze jours et la séance était présidée par Samadi Bobo, roi des Bobos. Le premier acte de l’assemblée de Kurukan Fuga après le cérémonial d’ouverture fut le serment d’allégeance de douze chefs de provinces à Soundiata KEITA qui fut proclamé Empereur du grand manding. La première fédération des peuples noirs venait de naître : l’Empire du Mali. Après cette proclamation, des discussions furent ouvertes à l’issue desquelles une Charte de 44 articles fut adoptée. Aucun domaine de la vie ne fut occulté : l’organisation sociale, les droits et devoirs de la personne, l’exercice du pouvoir, les droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux, la place des femmes dans la société, la famille, la culture de la tolérance, la gestion des étrangers, la préservation de la nature, la conservation et la transmission de l’histoire, la gestion des conflits, tout y passa. Telle est la quintessence de l’atelier de Kankan sur ce chapitre consacré à la Charte de Kurukan Fuga. En remerciant très vivement les traditionalistes et autres chercheurs qui y ont pris une part active, nous espérons que les recherches vont continuer pour parfaire cette œuvre. La charte de Kurukanfuga 5 Nos remerciements s’adressent également au Centre d’Etudes Linguistique et Historique de la Tradition Orale (CELHTO) à Niamey (Niger) et plus particulièrement à son Directeur M. Mangoné NIANG pour son appui à l’édition de cet ouvrage en français et en caractères harmonisés qui, nous l’espérons, comblera un certain vide dans la connaissance de notre histoire. A tous les membres du Réseau des Radios Rurales (RER), nous exprimons notre profonde gratitude. Que dire de M. Bernard FELLER, Directeur de Intermédia Consultants S.A : sans lequel rien de tout cela n’aurait été possible ? Que nous lui assurons de notre infinie reconnaissance et notre disponibilité à poursuivre notre collaboration au bénéfice du monde rural. Conakry, le 30 septembre 1999 Siriman KOUYATE Conseiller à la Cour d’Appel de Kankan République de Guinée. La charte de Kurukanfuga 6 LA CHARTE DE KURUKAN FUGA Les représentants du Mandé traditionnel et leurs alliés, réunis en 1236 à Kurukan Fuga actuel cercle de Kangaba (République du Mali) après l’historique bataille de Kirina ont adopté la charte suivante pour régir la vie du grand ensemble mandingue. I. DE L’ORGANISATION SOCIALE Article 1er : La société du grand mandé est divisée ainsi qu’il suit : • Seize (16) « Ton ta djon » ou porteurs de carquois ; • Quatre (4) Mansa si » ou tribus princières ; • Cinq « Mori Kanda » ou classes de marabouts ; • Quatre (4) « Nyamakala » ou classes de métiers. Chacun de ces groupes a un rôle et une activité spécifiques. Article 2 : les « Nyamakala » se doivent de dire la vérité aux Chefs, d’être leurs conseillers et de défendre par le verbe, les règles établies et l’ordre sur l’ensemble de l’Empire. Article 3 : les « MoriKanda » sont nos maîtres et nos éducateurs en islam. Tout le monde leur doit respect et considération. Article 4 : la société est divisée en classes d’âge. A la tête de chacune d’elles est élu un chef. Sont de la même classe d’âge les personnes (hommes ou femmes) nées au cours d’une période de trois années consécutives. Les « Kangbé » (classe intermédiaire entre les jeunes et les vieux) doivent participer à la prise des grandes décisions concernant la société. Article 5 : chacun a le droit à la vie et à la préservation de son intégrité physique. En conséquence, tout acte attentatoire à la vie d’autrui est puni de mort La charte de Kurukanfuga 7 Article 6 : pour gagner la bataille de la prospérité, il est institué la « Könögbèn Wölö » (un monde de surveillance pour lutter contre la paresse et l’oisiveté). Article 7 : il est institué entre les « Mandenkas le Sanankunya » (cousinage à plaisanterie) et le « Tanamanyöya » (forme de totémisme). En conséquence, aucun différend né entre ces groupes ne doit dégénérer, le respect de l’autre étant la règle. Entre beaux-frères et belles-sœurs, entre grands-parents et petitsenfants, la tolérance et le chahut doivent être le principe. Article 8 : la famille KEITA est désignée famille régnante sur l’Empire. Article 9 : l’éducation des enfants incombe à l’ensemble de la société. La puissance paternelle appartient par conséquent à tous. Article 10 : adressons-nous mutuellement les condoléances. Article 11 : quand votre femme ou enfant fuit, ne le poursuivez pas chez le voisin. Article 12 : la succession étant patrilinéaire, ne donnez jamais le pouvoir à un fils tant qu’un seul de ses pères vit. Ne donnez jamais le pouvoir à un mineur parce qu’il possède des biens. Article 13 : n’offensez jamais les « Nyaras » (paroliers attitrés). Article 14 : n’offensez jamais les femmes nos mères. Article 15: ne portez jamais la main sur une femme mariée avant d’avoir fait intervenir sans succès son mari. Article 16 : en plus de leurs occupations quotidiennes, les femmes doivent être associées à tous nos Gouvernements. Article 17 : les mensonges qui ont vécu et résisté 40 ans doivent être considérés comme des vérités. Article 18 : respectons le droit d’aînesse. La charte de Kurukanfuga 8 Article 19 : tout homme a deux beaux-parents : les parents de la fille que l’on n’a pas eue en mariage et la parole qu’on a prononcée sans contrainte. On leur doit respect et considération. Article 20 : ne maltraitez pas les esclaves, accordez-leur un jour de repos par semaine et faites en sorte qu’ils cessent le travail à des heures raisonnables. On est maître de l’esclave mais pas du sac qu’il porte. Article 21 : ne poursuivez pas de vos assiduités les épouses : du chef, du voisin, du marabout, du féticheur, de l’ami et de l’associé. Article 22 : la vanité est le signe de la faiblesse et l’humilité le signe de la grandeur. Article 23 : ne vous trahissez jamais entre vous. Respectez la parole d’honneur. Article 24 : ne faites jamais du tord aux étrangers. Article 25 : le chargé de mission ne risque rien au Mandén. Article 26 : le taureau confié ne doit pas diriger le parc. Article 27 : la jeune fille peut être donnée en mariage dès qu’elle est pubère sans détermination d’âge. Le choix de ses parents doit être suivi quel que soit le nombre des candidats. Le jeune garçon peut se marier à partir de 20 ans. Article 28 : la dot est fixée à 3 bovins : un pour la fille, deux pour ses père et mère. Article 29 : le divorce est toléré pour l’une des causes ci-après : • l’impuissance du mari ; • la folie de l’un des conjoints ; • l’incapacité du mari à assumer les obligations nées du mariage. Le divorce doit être prononcé hors du village. Article 30 : venons en aide à ceux qui en ont besoin. Article 31 : respectons la parenté, le mariage et le voisinage. La charte de Kurukanfuga 9 Article 32 : tuez votre ennemi, ne l’humiliez pas. Article 33 : dans les grandes assemblées, contentez-vous de vos légitimes représentants et tolérez-vous les uns les autres. II. DES BIENS Article 34 : il y a cinq façons d’acquérir la propriété : l’achat, la donation, l’échange, le travail et la succession. Toute autre forme sans témoignage probant est équivoque. Article 35 : tout objet trouvé sans propriété connu ne devient propriété commune qu’au bout de quatre ans. Article 36 : la quatrième mise bas d’une génisse confiée est la propriété du gardien. Article 37 : un bovin doit être échangé contre quatre moutons ou quatre chèvres. Article 38 : un œuf sur quatre est la propriété du gardien de la poule pondeuse. Article 39 : assouvir sa faim n’est pas du vol si on n’emporte rien dans son sac ou sa poche. III. DE LA PRESERVATION DE LA NATURE Article 40 : la brousse est notre bien le plus précieux, chacun se doit de la protéger et de la préserver pour le bonheur de tous. Article 41 : avant de mettre le feu à la brousse, ne regardez pas à terre, levez la tête en direction de la cime des arbres. Article 42 : les animaux domestiques doivent être attachés au moment des cultures et libérés après les récoltes. Le chien, le chat, le canard, et la volaille ne sont pas soumis à cette mesure. La charte de Kurukanfuga 10 IV. DISPOSITIONS FINALES ARTICLE 43 : Balla Fassèkè KOUYATE est désigné grand chef des cérémonies et médiateur principal du mandéen. Il est autorisé à plaisanter avec toutes les tribus, en priorité avec la famille royale. Article 44 : tous ceux qui enfreindront ces règles seront punis. Chacun est chargé de veiller à leur application sur l’ensemble du territoire impérial. Transcrit par : Monsieur Siriman KOUYATE Conseiller à la Cour d’Appel de Kankan
Posted on: Wed, 26 Jun 2013 01:29:42 +0000

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