RAMADAN A SETIF رمضان في مدينة سطيف 12 - TopicsExpress



          

RAMADAN A SETIF رمضان في مدينة سطيف 12 juillet 2013 By Benarab source: Islam et Immigration, page 95, par BENARAB Abdelkader On approche Sétif, cette nuit, en arrivant d’Alger. La ville au loin s’allonge en toute son uniformité. Par cette soirée d’automne précoce, la lune diffuse mollement sa clarté l’unissant aux lumières clairsemées et flottantes. Une belle perspective offerte au voyageur nocturne que cette immensité lumineuse, où scintille une infinité de lumières qui semble s’éteindre puis se rallumer dans un mouvement incessant. La douceur particulière du moment, nimbée de fraîcheur des hauts plateaux, accentue l’émotion de mon collègue à l’approche de sa ville natale. Pâmé d’admiration, il a du mal à détacher son regard de cette apparition soudaine. Brusquement le souvenir de ces terres, comme échappé des brumes qui emprisonnaient depuis si longtemps sa mémoire affective, s’est mis à renaître et à redessiner devant ses yeux les mêmes images… d’il y a cinquante ans. À peine un kilomètre nous sépare de la ville. Noustraversons le pont de Oued Boussellam et Mohamed reconnut sans hésiter cette contrée fabuleuse si riche autrefois, vaste vallée déployée à perte de vue, qu’un paisible ruisseau venait arroser, coulant au milieu des prairies verdoyantes. Une mémoire presque infaillible. On peut apercevoir encore au milieu de ces terres nouvellement infestées de bâtiments modernes, la silhouette échinée de rares hêtres géants, à la surface lisse et blanche, s’élancer vers le ciel, côtoyant quelques frênes séculaires, dont le tronc vermoulu témoigne de leur abandon par le temps. Sur le faîte de ces vieux arbres demeurent comme des guetteurs las et désespérés, hissées sur leurs échasses, des cigognes blanches, mélancoliques et la tête enfouie dans leur litière de chaume. Un chauffeur maladroit venant à vive allure nous dépassa en klaxonnant, arracha mon ami à la profonde rêverie où le souvenir du passé l’entraînait. La ville était coupée en deux par la grande route nationale sur laquelle nous étions engagés. Un véritable charivari de klaxons et de cris surprit mon collègue habitué au calme provincial du sud de la Méditerranée. Natifde Sétif, il y a une cinquantaine d’années, ce fils du pays revenu visiter les lieux, était tel un revenant remuant les ombres d’une cité perdue. Fantôme rôdeur flairant les gens et les quartiers, à la recherche d’une réalité ou de quelque innocence perdue, formulées dans les songes des souvenirs d’enfance. Nous sommes au cœur de la ville. Unefoule immense sortait de la mosquée après les prières de Tarawih et se dirigeait en tous sens. Des rires fusent, des cris, des embrassades chaleureuses et les échanges de paroles résonnent dans l’air dans un formidable vacarme. Tout le monde est dans la rue, après la rupture du jeûne et les repas confortables du Maghrib. Toutes les rues vivent les mêmes réjouissances du Ramadan. Autour des mosquées, des marchands ambulants débitent des quantités de fruits et légumes à bon marché, à côté d’autres vendeurs de toute sorte. Les rez-de-chaussée des anciennes maisons sont tous transformés en magasin de tissus, de prêt-à-porter et bien d’autres marchandises, encombrant les trottoirs et obligeant les passants à utiliser la rue. Devantles boutiques, le stationnement est toujours difficile, chaque marchand se réservant le droit de conserver une place devant chez lui. D’autres sortent simplement leurs chaises qu’ils installaient à même la chaussée, formant ainsi des groupes bruyants, gênant la circulation et bavardant des heures entières. Nous nous trouvons le long de la rue Vallée, grouillante et étroite, et les places sont rares pour se garer. Un jeune homme accourt vers nous et nous propose de stationner à l’angle de la rue. Faisantoffice de gardien, moyennant quelques pièces de dinars, il nous a aidés à trouver un stationnement tout en surveillant notre véhicule. C’est un travail de vacation pour des jeunes sans emploi. Mon camarade s’extirpe péniblement de la voiture, sans doute anéanti par tant de changement et dérouté par cette nuée de gens allant et venant, se pressant, se bousculant. C’est une animation houleuse qu’il a du mal à comprendre, elle traduit tant de vivacité et de scènes de la vie quotidienne. Nous traversons la rue et nous nous dirigeons vers la sous-préfecture qu’il reconnut sans peine, car elle est restée intacte me confia-t-il. C’est un moment crucial. Il avait depuis très longtemps attendu cet instant pour revoir les lieux de son enfance, dut-il ne jamais y retourner. Depuis bien longtemps, il était en proie à une espèce de nostalgie lancinante et des regrets mélancoliques ne cessaient de le ronger secrètement chaque jour. Je l’observe qui s’approche d’une vieille maison, le corps pantelant et la raison presque stupéfaite. C’est ici qu’il habitait avec ses parents. Je l’observe encore à la dérobée, son visage prenant une expression triste pendant que ses yeux s’embuent. Il fait quelques pas puis s’arrête juste au croisement de ce qui avait été autrefois « la cité judiciaire » : le tribunal, la prison et la brigade de gendarmerie. Les larges trottoirs sont toujours bordés des mêmes platanes majestueux et séculaires, dont les hautes branches alourdies par le temps retombent vers le sol. Elles forment un ciel de feuillage réuni en tonnelle qui plonge le quartier dans une voluptueuse pénombre. Quelques volets clos laissent tomber de minces filets de lumière, de la façade de cette même maison à l’angle de la rue et qui retient l’attention de mon ami. C’était là qu’il est né : une grande bâtisse qui s’élève sur deux étages. La porte principale à deux battants est tellement grande qu’une voiture peut s’y engouffrer sans mal. Sa façade grise et décrépie, ornée de moulures en relief était dans le style le plus représentatif des anciennes demeures. Un balcon court sur toute la longueur et se dégage de l’édifice reposant sur des consoles de métal en forme de « S ». La balustrade en fer forgé représente des motifs en volute et dans sa partie supérieure pointent des fleurs de lys. Je l’encourage à aller voir de plus près mais il s’y refuse. Une sensation étrange, comme si elle m’était transmise par ces choses du passé, m’a soudain envahi et, pour ne pas ajouter à l’émotion de mon compagnon, je l’invite, juste à quelques pas d’ici, au café « Tandja », où une grande agitation règne parmi les consommateurs. Nous avons pris soin de passer en face, chez Kamel, un ancien marin, qui avait transformé un kiosque de jardin en véritable sanctuaire de la gourmandise. Un riche éventaire de halwâ, de nougat blanc, de galette amalgamée de noisette et de noix, à côté des traditionnels qalb ellouz, les doigts de la mariée, chébakiya, des losanges de pâte d’amande et mille autres friandises au goût exquis font le bonheur des acheteurs. On nous a servi de grandes tasses de thé à la menthe que nous accompagnons de succulents morceaux de z’labia. L’émotion passée, l’ami dépaysé se laisse aller à cet air de fête qui lui est devenu presque familier. Nous reprenons la voiture pour rejoindre la rue de Constantine. Au milieu de la clameur des automobilistes, nombreux à cette heure-ci, on essaie de rejoindre péniblement l’ancien collège colonial, à présent Lycée Kairouani. Je me range le long du trottoir et le laisse descendre tout seul, aller vers l’établissement où il a fait une partie de ses études. Imposant par sa taille et son emplacement stratégique, une majesté dans les formes symétriques indique l’ordre et la rigueur qui règnent sur l’extérieur de ce vieux lycée. Sa grande façade donnant sur le boulevard principal se dresse sur toute sa hauteur, abritant au-dessus d’un immense portail en bois, la grande baie vitrée du bureau du proviseur. Deux grandes ailes latérales s’étendent sur toute la longueur alignant de part en part, les salles de cours, les dortoirs et différents services. Sous la toiture presque plate, en tuiles rouges, des caractères gigantesques en béton composent le mot Lycée dont la proéminence des lettres forme un fronton expressif. Mohamed s’enfonce un peu plus dans cette allée large qui divise en deux un charmant jardin où demeurent répandues et inextricables les tresses de feuillages d’un vieux saule pleureur. Mais cette belle bâtisse appartient déjà au temps, promise à une irréversible et longue décrépitude, en dépit de velléités passagères de restauration de ce monument, au mépris de l’esthétique et de la grâce qui sont la marque des artistes véritables. Je discerne, tel un pèlerin se rapprochant de ma voiture, la silhouette de Mohamed. Il s’avance vers moi montrant une mine empreinte à la fois de joie et de mélancolie. Je me surpris rêvant moi-même en regardant sa silhouette ballante s’avancer pesamment, comme si ce face-à-face intime qu’il vient d’avoir avec son passé, a créé au fond de lui une alliance avec les objets, qui a suffi à satisfaire quelque communion secrète. Pr. BENARAB Abdelkader
Posted on: Mon, 29 Jul 2013 22:37:43 +0000

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