Turquie : la place Taksim n’est pas la place Tahrir ANALYSE - - TopicsExpress



          

Turquie : la place Taksim n’est pas la place Tahrir ANALYSE - Il est tentant de pronostiquer une révolution quand des jeunes se révoltent. Pour autant, la place Taksim, à Istanbul, n’est pas l’équivalent de la place Tahrir, au Caire. Le « printemps turc » s’il prend de l’ampleur, serait fondamentalement différent du « printemps arabe ». Premier constat : la misère ou le chômage ne joue aucun rôle dans la révolte turque, à l’inverse de ce qui avait mis le feu aux poudres en Afrique du nord il y a deux ans. Le niveau de vie en Turquie a doublé en dix ans et se trouve aujourd’hui deux à trois fois plus élevé que celui des Egyptiens, Libyens ou Tunisiens. Dans un pays bénéficiant de la plus forte croissance de l’OCDE, les jeunes manifestants à Istanbul ou Ankara ont des perspectives d’emploi sans commune mesure avec celles offertes au petit vendeur de légume ambulant dont le suicide avait déclenché la révolte tunisienne début 2001. Les Arabes luttaient en 2011 pour la chute de régimes dictatoriaux, terriblement corrompus et s’appuyant sur l’armée. L’Egypte était alors en état d’urgence depuis trente ans, et les opposants en Libye ou Tunisie étaient souvent enlevés, torturés et exécutés. Rien de cela en Turquie, où le gouvernement islamo-conservateur est au contraire en conflit larvé avec une armée très laïque. S’ils réclament la démission du Premier ministre, revendication assez banale dans un cortège, les manifestants turcs n’ont pas pour objectif la chute du régime tout entier. La corruption en Turquie, incontestable, s’avère bien moindre que sous le règne du tunisien Ben Ali ou de l’égyptien Moubarak. Si Recep Erdogan a un style arrogant, qui révulse de plus en plus de Turcs, son pays demeure une démocratie, avec des scrutins libres et transparents depuis vingt ans. La police turque réprime actuellement les manifestations avec gaz lacrymogènes et canons à eau et non à balles réelles, comme les polices des régimes d’Afrique du nord l’ont fait il y a deux ans. Le régime turc, enfin, s’avère bien plus sensible à sa réputation que Kadhafi ou Ben Ali ne l’étaient ; c’est un membre de l’OTAN et un candidat à l’Union européenne. Dernière différence, sans doute la plus importante : les manifestants turcs ne risquent pas d’être « récupérés » ou débordés par les islamistes, puisque ces derniers figurent plutôt dans le camp d’en face. Les manifestants qui brandissent une canette de bière en criant « A ta santé Tayyip » (le Premier ministre vient de faire voter en urgence une loi interdisant la vente d’alcool partout entre 22 h et 6 h, après avoir qualifié d’alcooliques les buveurs de vins) protestent contre un pouvoir voulant notamment enserrer la société dans une camisole d’obligations tirées du Coran. Ils sont d’ailleurs soutenus par de nombreux musulmans pratiquants, qui contestent eux aussi le style autoritaire et paternaliste du pouvoir. S’il faut chercher un parallèle il serait plutôt du côté du Mai 68 français. Sous réserve que le bras de fer entre manifestants et policiers ne dérape pas.
Posted on: Tue, 11 Jun 2013 15:35:30 +0000

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