Un personnage illustre : Amadou Hampâté BA, gardien de la - TopicsExpress



          

Un personnage illustre : Amadou Hampâté BA, gardien de la tradition orale africaine (Bandiagara 1901 – Abidjan 15 Mai 1991), par Alpha Amadou H BA «En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle » ; cette citation devenue célèbre résume, à elle seule, les brillants travaux d’Amadou Hampâté BA. Maître de la parole et traditionaliste, romancier, conteur, hagiographe, poète, historien, sociologue, chercheur, fonctionnaire colonial et interprète, humaniste et tolérant, diplomate, musulman soufi, de culture peule et bambara, arabisant et d’expression française, Amadou Hampâté BA a vécu, pleinement, cette diversité culturelle et intellectuelle. Amadou Hampâté BA a mené un combat inlassable en faveur de la réhabilitation des traditions orales africaines en tant que source authentique de connaissances et partie intégrante du patrimoine culturel de l’humanité. Confronté à la colonisation et «aux Dieux de la brousse» c’était le surnom des administrateurs coloniaux qui niaient, par essence, les valeurs culturelles africaines, Amadou Hampâté BA a conquis la liberté d’être lui-même ; il a bien résolu la difficile question de l’identité personnelle et affirmé, sans ambiguïté, ses valeurs, et par la même occasion celles du continent noir. «Je suis comme une espèce de chauve-souris, un animal qui peut vivre dans tous les éléments. Je ne me trouve jamais dépaysé dans une situation, j’essaie toujours de m’adapter à la situation, mais en veillant de ne pas cesser d’être moi-même» proclame le Sage de Bandiagara. En effet, Amadou Hampâté BA était un humaniste et un gardien indomptable de la tradition orale africaine fidèlement restituée, revalorisée et revigorée. «Tout parle, tout est parole», dit la vieille Afrique. Amadou Hampâté BA avait une vision apaisée de l’histoire africaine qu’il défendait, sans nier ce que les autres ont de meilleur eux-mêmes. Avec cette grande ouverture d’esprit, il a su reconnaître, à certains administrateurs coloniaux, non seulement des valeurs professionnelles, mais aussi et surtout, des valeurs éthiques et morales qui ont forcé son admiration. «Le regard historique africain ne sera pas un regard vengeur, mais un exercice vital de la mémoire collective qui balaie le champ du passé pour y reconnaître ses propres racines», souligne Joseph KI-ZERBO, un historien burkinabé. Issu d’une famille aristocratique et traditionnaliste, Amadou Hampâté BA y a puisé, dès sa naissance, toutes les sources d’inspiration qui vont guider sa conduite. Il est né vers 1901, à Bandiagara, au Mali, en pays Dogon, dans le Macina. Son grand-père maternel, Paté Poullo, était un berger et un compagnon d’El Hadji Omar TALL (1797-1864) qui avait quitté le Fouta-Toro pour s’installer dans cette région. En 1864, alors qu’El Hadji Omar TALL se trouvait assiégé par les Français, dans la grotte de Déguembéré, au milieu de caisses de munitions, une violente explosion eut lieu. On ne retrouva pas son corps. Amadou Hampâté BA écrira plus tard, un magistral ouvrage, qui n’a pas été réédité depuis 1984 «L’Empire peul du Macina» qui couvrait la période du 1818 à 1853. Cet empire a été fondé par de fils aîné d’El Hadji Omar : Cheikou Amadou, un marabout Toucouleur, qui fixa la capitale à Hamdallahi. Véritable creuset de traditions historiques et culturelles diverses, le Macina résonne de l’écho des guerres qui opposèrent les Peuls, les Toucouleurs et les Maures Kounta. En 1977, Amadou Hampâté BA réussit à réunir les familles des trois clans ennemis héréditaires (Les Cissé, Peuls du Macina, les Tall représentant la famille d’El Hadji Omar et les Kounta de Tombouctou). Ils échangèrent un pardon solennel après avoir récité le Coran et prié toute la nuit. Le père de ce magicien du verbe, Hampâté BA, issu d’une famille peule maraboutique et guerrière du pays Poromani, mourut alors qu’il n’avait que deux ans. Sa mère, Khadidja, fille de Paté Poullo, épousa en secondes noces, Tidiane Amadou Ali THIAM, chef de la province de Louta, déchu de son titre, et exilé à Bougouni. Il ne reviendra, à Bandiagra, qu’en 1908, après la mort d’Aguibou TALL, roi de Bandiagara. Tidian, son père adoptif, était entouré d’une véritable cour de plus de 50 personnes, en raison de sa naissance, de ses hautes qualités morales et religieuses, ainsi que de sa générosité. De ce fait, dès sa jeunesse, Amadou Hampâté BA reçut une solide éducation de sa famille traditionnaliste, et grâce à différentes rencontres qui ont illuminé sa vie. «Nous portons tous en nous, longtemps, longtemps, la nostalgie du temps rond et lumineux des premières rencontres », selon Jacques Salomé. Amadou Hampâté BA a puisé dans ses souvenirs de jeunesse pour nous restituer, très fidèlement, les différents témoignages des Anciens. Le souvenir est bien une rencontre, et il doit, à ce titre, son goût pour la tradition africaine à un conteur peul qui fréquentait sa famille, Koullel, un ami de son père. Amadou Hampâté devint le conteur pour sa classe d’âge regroupant plus de 70 enfants. « C’est lui qui m’a inculqué cette volonté de connaître et de comprendre. Il avait tellement assimilé les contes de Koullel qu’on avait fini par le surnommer «Amkoullel», c’est-à-dire «petit Koullel». Les deux tomes des mémoires de Amadou Hampâté BA, «Amkoullel, l’enfant peul», et «Oui mon commandant», feront une référence à ce généalogiste et conteur hors pair. Jusqu’en 1921, Amadou Hampâté BA se contente d’enregistrer et de graver dans sa mémoire, les récits et contes qui résonnent, chaque soir, dans la cour familiale. Ainsi dans son livre « Kaïdara », il décrit un voyage initiatique de trois compagnons, à travers un pays souterrain, parsemé de rencontres symboliques et mystérieuses, vers la demeure du « lointain et bien proche Kaïdara », Dieu de l’or et de la connaissance. Sur le chemin de retour, un seul sortira victorieux de toutes les épreuves. Dans son ouvrage, « Njeddo Déwal », mère de la calamité, aux premiers âges du peuple, apparut une terrible sorcière (Njeddo Déwal, mère de toutes les calamités), envoyée par Dieu lui-même pour punir les Peuls de leurs pêchés. Au fil de multiples aventures féériques et mystérieuses, seul Bâgoumâwal, enfant miraculeux pourra, finalement, triompher de la puissance maléfique de cette sorcière. « Petit Bodiel » conte drolatique peul, retrace l’histoire d’un lièvre malicieux qui, ayant obtenu de Dieu lui-même le don de la ruse pour compenser sa petite constitution, entreprend d’abuser, sans vergogne les plus respectables personnages de la brousse pour en tirer profit, jusqu’au jour où il dépassera les limites. Amadou Hampâté s’est servi, en partie, de sa prodigieuse mémoire pour écrire un roman remarquable qui a été primé, «L’étranger destin de Wangrin » Ce roman n’est pas une autobiographie, Wangrin a bien existé ; il s’appelait, en fait, Samba Traoré. Selon Hélène HECKMANN, assistant d’Amadou Hampâté BA dès 1966 et exécutrice testamentaire de son œuvre littéraire, Amadou Hampâté BA et Wangrin s’étaient déjà rencontrés, une première fois, en 1912. Wangrin, interprète de François-Victor EQUILBECQ, commis des affaires indigènes, fut chargé par le Gouverneur de recenser les contes populaires de l’Ouest-africain. Amadou Hampâté BA qui était à bonne école avec Amkoullel, fut missionné par Wangrin de lui recueillir, directement, les contes. Amadou Hampâté eut alors l’occasion d’enrichir sa collection de contes. EQUILBECQ qui a apprécié cette collaboration, dira, en 1913, dans la préface de son livre intitulé : «Essai de la littérature merveilleuse des Noirs, suivi de contes de l’Ouest-africain» : «pour bien connaître la race humaine, pour apprécier sa mentalité, pour dégager ses procédés de raisonnement, pour comprendre sa vie intellectuelle et morale, il n’y a rien de tel que d’étudier son folklore». La tradition orale africaine venait de gagner ses premières lettres de noblesse alors qu’Amadou Hampâté Ba n’avait que 13 ans. Wangrin, qui jouait des «tours carabinés» au colonisateur, Amadou Hampâté BA le retrouva une seconde fois, en 1927, à Ouagadougou, en Haute-Volta. Wangrin se fondant sur l’extraordinaire talent de conteur d’Amadou Hampâté lui demanda d’écrire un livre sur lui, après sa mort, et sous réserve d’utiliser un nom d’emprunt, afin de « divertir les hommes et leur servir d’enseignement ». Et, dès lors, chaque soir, après le dîner, Wangrin, dans une langue bambara, d’une grande beauté, raconta à Amadou Hampâté BA sa vie, tandis que son griot, Diéli Maadi, jouait doucement de la guitare pour accompagner ses paroles. Il recueillit des renseignements complémentaires et, pendant son séjour en Haute-Volta, Amadou Hampâté BA, eut la chance d’être affecté partout où était passé Wangrin qui avait laissé des souvenirs vivaces. Bandiagara a été conquis par l’Armée française en 1893. C’est donc logiquement, qu’Amadou Hampâté BA fut inscrit, comme fils de chef à l’école française, à titre d’otage. Sa mère voulait l’empêcher de fréquenter l’école française, de peur qu’il ne devienne «un infidèle». Mais Thierno Bokar incita Amadou Hampâté à aller à l’école en rappelant un Hadith du Prophète Mohamed : « La connaissance d’une chose est préférable à son ignorance». Les deux premières années, il fréquenta l’école de Bandiagara et fut, par la suite, envoyé à Djenné. Il logea à Djenné chez Amadou KISSO, un grand chef peul ; ce qui lui permit de compléter ses connaissances. Il dira à ce sujet « C’est chez Amadou KISSSo que j’ai recueilli beaucoup de renseignements sur les Bozos, les Songhaïs, les Bambaras et bien sûr les Peuls». Pendant, les vacances scolaires, il revenait à Bandiagara pour suivre une éducation religieuse, chez le marabout Thierno Bokar Salif TALL, appelé « la lessive des âmes ». Thierno Bokar deviendra, plus tard, son guide spirituel dans le domaine du soufisme ; Thierno Bokar était également un éminent traditionnaliste africain doublé d’un polyglotte. Ce marabout parlait l’arabe, le maure, le haussa, le bambara, et, naturellement, le peul. Thierno possédait une vaste connaissance des traditions propres aux peuples dont il parlait la langue et a transmis sa passion à Amadou Hampâté BA. Suivant Thierno Bokar, « Dieu est Amour et Charité » et la vie s’appelle « lâcher ». On ne doit pas s’attacher aux choses matérielles. Amadou Hampâté BA apprit alors à pratiquer le détachement sur cette terre où tout est éphémère. Amadou Hampâté BA écrira, par la suite, un remarquable ouvrage intitulé : «Vie et enseignement de Thierno Bokar, le Sage de Bandiagara». Il le guidera sur la voie religieuse et spirituelle, et lui enseignera la tolérance, l’amour et le respect de tous les êtres. «C’est lui qui m’a inculqué cette volonté de connaître et de comprendre, de ne jamais parler d’une chose que je ne connais pas, de n’avoir jamais peur d’entrer dans n’importe quelle réalité, pourvu que j’en sois respectueux et que cela n’ébranle pas ma foi », dit Amadou Hampâté BA. Cette rencontre avec Thierno Bokar a profondément marqué la personnalité et l’œuvre d’Amadou Hampâté empreinte d’humanisme et de spiritualité. En effet, pour Amadou Hampâté BA, la perte des repères culturels et l’incompréhension entre les peuples sont les principales sources de conflits entre les Hommes. Il prône la tolérance et milite pour la rencontre des religions et des croyances, ainsi que celle des peuples. Cette démarche est au cœur même de sa pensée et de sa philosophie. Il le souligne dans son ouvrage : «Jésus vu par un musulman», véritable invitation au dialogue religieux, à la tolérance et à l’écoute de l’autre. * En 1915, Amadou Hampâté BA s’évada de l’école pour aller rejoindre ses parents qui étaient à KATI, à 500 km. Pris, par la suite, de remords, il retourna à l’école en 1918 pour passer le certificat d’études primaires et fut affecté à Bamako. En 1921, il est admis à un concours, qui lui donne accès l’école normale de Gorée. Mais sa mère s’opposa à son départ pour le Sénégal. Pour Amadou Hampâté BA : « En Afrique traditionnelle, on ne désobéit jamais à un ordre de sa mère, car tout ce qui vient de la mère est sacré». Le Gouverneur, pour le punir de cette seconde escapade, l’affecta en Haute-Volta, actuel Burkina Fasso, non pas en qualité de « commis expéditionnaire », mais comme «écrivain auxiliaire temporaire, à titre essentiellement, révocable». Pour rejoindre son poste. Il marcha une bonne partie du trajet à pied, escorté d’un garde pour le surveiller. Cette carrière de fonctionnaire, exercée de 1922 à 1932, en Haute-Volta, a également été une opportunité de rassembler différentes traditions locales. En effet, il retrouva dans cette contrée un oncle, Babaly BA, un grand traditionnaliste musulman qui s’était réfugié à la cour du Moro Naba, l’Empereur des Mossis, dont il était le conseiller. Amadou Hampâté BA obtint un congé de 8 mois en 1932 et se rend à Bandiagara, auprès de son marabout Thierno Bocar, pour suivre un enseignement intensif ésotérique supérieur de la voie Tidjaniya, le Soufisme. Thierno Bokar qualifié par Théodore MONOD «d’homme de Dieu » ou de «Saint-François d’Assise africain » par Marcel CARDAIRE, prêchait l’Amour et la tolérance pour tous les hommes quels qu’ils soient, et le respect de toutes les différences : «L’arc-en-ciel, rappelait-il, ne doit-il pas sa beauté à la variété de ses couleurs ? ». Lors de ce séjour de 11 ans, en Haute-Volta, Amadou Hampâté BA commence à tout noter, dans son journal, en français, en peul ou en bambara, tous les renseignements sur la tradition orale. C’est le début de la création d’un prodigieux stock sur toutes les matières qui va constituer son fonds d’archives, recensé en grande partie, par Alfa Ibrahim SOW en 1970. Le récit de ce voyage, ainsi que le séjour en Haut-Volta fut relaté dans l’ouvrage autobiographique intitulé «Oui, mon commandant» et paru, à titre posthume, avec les soins d’Hélène HECKMANN, gardienne de la tradition littéraire d’Amadou Hampâté BA. Contrairement à certains commis noirs qui ont été parfois plus méchants que les «Dieux de la brousse », Amadou Hampâté BA souvent utilisa sa position de commis, en faveur de la justice et de l’équité. Il sortit des difficultés des personnes victimes de cabales ou de mépris. Cette bienveillance, dans un contexte difficile, traduit la grande et profonde humanité de l’auteur. En 1933, Amadou Hampâté BA est affecté à Bamako en qualité de «commis expéditionnaire de 1ère classe» pour exercer les fonctions d’interprète particulier du Gouverneur, puis de premier secrétaire à la mairie de Bamako. Il poursuit sa collecte de traditions orales, particulièrement en milieu bambara. Un vent de liberté avait soufflé, en 1936, sur la France et ses colonies, avec le gouvernement socialiste du Front Populaire de Léon BLUM. Mais très vite, les années noires, avec l’Occupation, prirent le dessus sur l’espoir, et la chasse aux sorcières repris de plus belle. En dépit, de ces moments sombres et de sa condition de fonctionnaire subalterne colonisé, Amadou Hampâté est toujours resté lui-même, et a suivi les enseignements de son maître spirituel. Ce qui lui a valu des difficultés à Bamako. En effet, son maître spirituel, Thierno Bokar, était un fervent adepte du Tidianisme dirigé, à l’époque, par Cheikh HAMALLAH. Les deux leaders spirituels n’ont jamais accepté de collaborer avec l’administration coloniale. Cheikh HAMALLAH, constamment persécuté, plusieurs fois exilé et ses biens confisqués, murut en France en 1943, à Montluçon où il fut enterré. Sous l’impulsion de Théodore MONOD, une tentative de réhabilitation de Thierno Bokar fut engagée. L’administration française qui l’accusait d’être antifrançais, s’aperçut trop tard de son erreur. Thierno Bokar, assigné à résidence, décéda en 1940, dans le plus grand dénuement et l’isolement le plus complet. En 1942, grâce à Théodore MONOD (9 avril 1902 à Rouen – 22 novembre 2000 à Versailles), fondateur de l’IFAN (Institut Fondamental d’Afrique Noire), Amadou Hampâté BA est placé «hors cadre» de l’administration. Il est affecté à cet Institut, à Dakar, pour se consacrer, exclusivement, à la recherche. Amadou Hampâté BA acquiert, avec son entrée à l’IFAN, de réelles méthodes de travail et de conduite d’enquêtes systématiques. Au sortir de l’école coloniale, il n’avait que le certificat d’études primaires. L’auteur précise ceci : « auparavant, je recueillais tout ce qui se présentait, sans poser de questions systématiques. A partir de mon entrée à l’IFAN, j’ai appris à questionner, et surtout j’eus accès à une documentation considérable, puisque toutes les archives de l’Afrique Occidentale Française se trouvaient à l’IFAN». Il intégra la section d’ethnologie en qualité de préparateur, puis d’agent technique. Le rôle de préparateur est d’aller récolter des renseignements sur le terrain, puis de remettre son travail aux agents techniques qui le finalisaient. Amadou Hampâté BA avait déjà un fonds important personnel. Il va désormais, plus librement, l’enrichir avec la collecte des traditions orales, dans différents pays, notamment en Guinée, au Niger, en Haute-Volta, en Mauritanie, au Nigéria, au Ghana et en Côte-d’Ivoire. L’auteur participe aux fouilles de Koumbi Saleh, capitale de l’Empire du Ghana à partir du IVème siècle qui a été localisée dans le Sud de l’actuelle Mauritanie. Au cours d’une de ses tournées, dans le Ferlo, à N’Dila, cercle de Linguère, Amadou Hampâté BA rencontre Ardo Dembo, un Saltigui peul, grand maître d’initiation et dépositaire des secrets pastoraux. C’est à partir de ses confidences qu’Amadou Hampâté BA a écrit, en 1961, son ouvrage intitulé «Koumen», grand texte symbolique et initiatique peul. Il rencontre également dans le Ferlo, un éminent généalogiste peul Molom Gaolo, auprès duquel il recueille une collection unique d’arbres généalogiques de toutes les grandes familles peules du Fouta-Toro et du Fouta-Djalon. De 1952 à 1954, Amadou Hampâté BA est affecté à l’antenne de l’IFAN à Diafarabé, au Mali, sous la direction de Jacques DAGET ; ce qui lui permet de compléter ses travaux sur l’Empire du Macina et sur l’Empire toucouleur d’El Hadji Omar. En 1951, et avec l’appui, de Théodore MONOD, il eut une bourse pour venir en France, pour la première fois. Il se consacra à la recherche, et profitant de ses « quartiers libres » il allait dans les bibliothèques de son choix. Il profite de ce séjour pour fréquenter les cours du Collège de France, et se rendre à la Bibliothèque des langues orientales et au Musée de l’Homme à la section «Afrique Noire». C’est à cette époque, qu’il noue des relations d’amitié avec le professeur orientaliste Louis MASSIGNON du Collège de France (25 juillet 1883 Nogent sur Marne – 31 octobre 1962, à Pordic, Côtes-d’Armor), et avec les principaux anthropologues africanistes, comme Marcel GRIAULE (16 mai 1898 à Aisy-sur-Armançon, Yonne – 23 février 1956 à Paris), ethnologue, professeur à la Sorbonne et auteur de l’ouvrage «Dieu de l’eau» sur les Dogon au Mali, et, surtout, Germaine DIETERLEN (15 mai 1903 à Valleraugue, Gard – 13 novembre 1999 à Paris), ethnologue qui a travaillé sur les Dogon et les Bambara, avec qui il publiera, son ouvrage intitulé «Koumen». En 1957, Amadou Hampâté BA fut nommé Directeur de la radiodiffusion française dans les territoires d’Outre-mer. En 1958, il fonda à Bamako, l’Institut des sciences humaines du Mali. En 1962, Amadou Hampâté BA est membre fondateur de la Société Africaine de Culture. La même année, il est élu au Conseil exécutif de l’UNESCO, mandat qu’il conservera jusqu’en 1970. L’UNESCO se préoccupait, à juste titre, de sauver des monuments historiques, comme les monuments de Nubie à la suite de l’édification du barrage d’Assouan. Amadou Hampâté BA a saisi cette opportunité pour lancer un vibrant appel au sauvetage, de cette vaste culture orale traditionnelle africaine menacée de disparition. Cette culture fait partie intégrante du patrimoine de l’humanité et avec la disparition des Anciens, de vastes connaissances risquent de disparaître avec eux. En 1966, pour attirer l’attention de l’opinion publique, il lance cette phrase devenue célèbre qui a été légèrement déformée : «En Afrique, chaque fois qu’un vieillard traditionnaliste meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ». Cette phrase est devenue un proverbe africain : « En Afrique, chaque fois qu’un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle». De 1962 à 1966, Amadou Hampâté BA est nommé ambassadeur du Mali en Côte-d’Ivoire. Le Mali, pays enclavé, a perdu l’accès au port autonome de Dakar, à la suite de l’éclatement de la Fédération du Mali. Au cours d’une mission privée, en Côte-d’Ivoire Amadou Hampâté BA obtient du président Félix HOUPHOUET-BOIGNY (18 octobre 1905 à Dia-Houphouët – 7 décembre 1993, à Yamoussokro), la libre disposition du port d’Abidjan pour le Mali. Le président ivoirien demande à Modibo KEITA, de désigner, dès lors, Amadou Hampâté BA comme ambassadeur, et personne d’autre. Il est vrai qu’Amadou Hampâté BA est un sympathisant du RDA et un ami personnel du président HOUPHOUET-BOIGNY. A partir de 1970, Amadou Hampâté BA cesse toutes fonctions officielles pour se consacrer, exclusivement, à ses travaux personnels de recherche. En 1974, il est élu membre de l’Académie des Sciences d’Outre-mer, à Paris et en 1979, membre de la Société des gens de lettres, à Paris. Amadou Hampâté BA a reçu diverses distinctions honorifiques ; il est commandeur de l’Ordre national de Côte-d’Ivoire, Etoile Noire du Bénin, et en France, il est médaille d’honneur du travail, officier des Palmes académiques, Chevallier de la légion d’honneur et officier des arts et lettres. Le 2 novembre 1986, une lettre d’Hélène HECKMANN fait état, à un éditeur nigérian, « d’événements graves depuis un an » : Amadou Hampâté BA est malade ; en juillet 1986, il est frappé d’une hémiplégie du côté droit, avec aphasie. Le «grand fleuve de la parole» qu’il était, est devenu un fleuve aux eaux presque silencieuses. Il meurt le 15 juin 1991, dans son quartier de Marcory, à Abidjan en Côte-d’Ivoire. En définitive, la contribution d’Amadou Hampâté BA, à la valorisation de la tradition orale africaine, a été plus que déterminante. En effet, pour certains Occidentaux, l’écrit prime sur l’oralité, le livre étant le principal véhicule du patrimoine culturel. Pour eux, les peuples sans écritures sont des peuples sans culture. Selon eux, tout le problème est de savoir si l’on peut accorder à l’oralité la même confiance qu’à l’écrit pour témoigner des choses du passé. Pour Amadou Hampâté le problème est ainsi mal posé. Le témoignage, qu’il soit écrit ou oral, reste finalement un témoignage humain. Il vaut ce que vaut l’Homme. L’oralité est la mère de l’écrit. Un document écrit n’est pas à l’abri de falsifications ou d’altérations volontaires ou involontaires. Ce qui est en cause derrière le témoignage, c’est la valeur même de l’homme qui témoigne. En un mot, le lien entre l’homme et la Parole. Je ne peux que souscrire à cette savante démonstration d’Amadou Hampâté BA. En effet, ce lien entre l’Homme et sa parole est particulièrement distendu lorsque l’hypocrisie et le mensonge sont fréquents. L’hypocrisie étant, en fait, une marque de finesse, elle est au cœur de certaines cultures ; elle engendre, très souvent des mensonges, par omission, grands ou petits. Le mensonge, comme d’ailleurs l’hypocrisie, ne sont pas toujours considérés comme des défauts, mais comme une qualité pour se protéger. « Les personnes de la personne sont multiples dans la personne » souligne Amadou Hampâté BA. Il existe une multiplicité intérieure et une complexité de chaque personnalité. Mais ce qui fait la spécificité de l’Homme c’est sa parole. Dans la mesure où l’Afrique a été dépourvue de système d’écriture pratique, elle a entretenu le culte de la parole, « du verbe fécondant ». Là où l’écrit n’existe pas, l’homme est lié par sa parole ; il est engagé par elle : « il est sa parole et sa parole témoigne ce qu’il est ». La cohérence de la société repose sur la valeur et le respect de la parole. S’appuyant sur la pensée de Thierno Bokar, Amadou Hampâté pense que le verbe est un attribut divin, aussi éternel que Dieu lui-même. Dans les civilisations orales, la parole engage l’homme ; «la parole est l’Homme». Le verbe est créateur, il maintient l’Homme dans sa propre nature. D’une manière générale, la tradition orale africaine procède, essentiellement, de la parole. Loin de considérer cette situation comme un obstacle à la diffusion de la connaissance scientifique, Amadou Hampâté BA met en valeur les acquis de la tradition orale et affirme que la plus grande partie du patrimoine culturel de son pays, le Mali, est « fondée sur la puissance et la beauté de la parole». Pour lui, donc, la parole n’est ni une tare, ni un pis-aller, mais plutôt un moyen adéquat de transmission du savoir. Amadou Hampâté BA a appris de son maître spirituel, Thierno Bokar que « l’écriture est une chose et le savoir en est une autre chose. L’écriture est la photographie du savoir, mais elle n’est pas le savoir lui-même. Le savoir est la lumière qui est en l’Homme. Il est l’héritage de tout ce que les Ancêtres ont pu connaître et qu’ils nous ont transmis en germe, tout comme le baobab est contenu dans la graine en puissance », «La tradition vivante», in «Histoire générale de l’Afrique » 1980, page 191 et «Aspects de la civilisation africaine», 1972, page 22. Cependant, pour Amadou Hampâté BA, toute tradition n’est pas à conserver « il y a des choses qui doivent être dépassées, et qui sont dépassées », par exemple le droit du chef de famille de disposer de ses femmes et de ses enfants ou le droit du père de famille de donner sa fille en mariage, sans consentement volontaire. Il faut conserver des traditions orales africaines ce qu’il y a de spécifique au continent noir et qui peut servir de référence au reste du monde, comme la place des aînés dans la société, ou la place de l’homme tout court, dans la société. Pour Amadou Hampâté, les mariages mixtes, c’est avant tout une question d’amour. Mais il signale un risque de perte d’un côté ou de l’autre, ou bien une perte de valeurs des deux côtés. Il n’est pas contre les mariages mixtes puisque son fils, qui résidait à l’époque à Toulouse, s’est marié avec une Française, mais s’en l’aviser. Il lui a demandé d’être honnête avec son épouse et de ne pas abandonner ses enfants. « Lorsque j’écris, dit Amadou Hampâté BA, c’est la parole couchée sur le papier ». Même si la colonisation fut blâmable, poursuit-il, «aucune langue africaine n’aurait pu remplacer la langue française». La langue française est un véhicule de pensée, «une langue de communication qui permet de regarder l’extérieur». Amadou Hampâté BA précise qu’il «pense en peul et traduit en français». En utilisant le peul, le bambara ou le français pour restituer la tradition orale africaine, il a non seulement contribué à les conserver pour les générations futures, mais aussi, il a apporté sa touche personnelle, son génie créateur. Curieux de tout, Amadou Hampâté BA se définissait lui-même comme «un éternel élève, toujours avide d’apprendre». Alpha Amadou Hampate BA
Posted on: Sun, 25 Aug 2013 22:12:43 +0000

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