Une justice de gestionnaires, hiérarchisée, soumise à - TopicsExpress



          

Une justice de gestionnaires, hiérarchisée, soumise à ladministration, inadaptée aux besoins des justiciables ? Ou un projet pragmatique qui suscitera lindispensable débat que mérite la réforme du pouvoir judiciaire ? Les dés sont jetés. La grande gagnante de la refonte proposée est la commission de gestion, à qui reviennent les pouvoirs de veiller au bon fonctionnement des tribunaux, de surveiller les activités accessoires exercées par les magistrats et de nommer – sujet hautement sensible – les greffiers de juridiction (qui seront appelés directeurs de greffe). Un rôle qui irait bien au-delà de ses missions organisationnelles et budgétaires. Le procureur général lui-même gagne des galons. Il deviendra officiellement – ce qui ne change pas beaucoup la pratique – le représentant de la commission de gestion. Il pourra aussi, selon ce projet, désigner lui-même ses premiers procureurs après consultation de la plénière. Cette disposition, qui avait été vivement combattue et même abandonnée par le parlement lorsqu’il s’était agi d’organiser le nouveau grand Ministère public de 2011, est paradoxalement peu décriée, du moins au sein même du parquet. Le départ du très controversé Daniel Zappelli, une démystification du rôle de ces premiers procureurs ainsi qu’un système un peu boiteux de nomination par un collège mixte expliquent sans doute cette résignation. Quelques rares voix s’élèvent tout de même discrètement pour demander une inversion du mécanisme afin de privilégier une désignation par la plénière, sur proposition du procureur général. Depuis une semaine, les plénums des différentes juridictions se réunissent pour discuter de ce projet. «Il n’y a pas une seule remarque favorable», relève un juge, qui parle même de «junte des colonels» pour déplorer la philosophie trop militariste de cette gouvernance. Jeudi soir encore, l’association des magistrats a tenu une assemblée générale durant laquelle les mêmes reproches ont été formulés. Le champ de tension déjà existant avec une commission de gestion – souvent perçue comme une hydre tentaculaire – risque bien de s’accentuer. «L’administration doit être au service de la justice et pas le contraire», explique un magistrat. Les plus modérés trouvent que ce projet manque d’envergure, n’identifie pas les problèmes et ne résout rien. Amenés quotidiennement à rendre seuls des décisions dans des affaires difficiles, les juges supportent mal cette volonté de verticalisation et de déresponsabilisation. «Au sein des juridictions, la recherche d’un consensus est toujours bénéfique. Ce qui est imposé est souvent critiqué.» La révolte gronde, mais personne ne s’exprime ouvertement. Pour l’instant du moins. La consultation est interne et la discrétion généralement de mise dans la magistrature. Certains indices laissent toutefois penser que le climat est tendu et les craintes de s’exposer assez fortes. Au sein du Tribunal pénal, par exemple, les juges ont demandé que le procès-verbal du plénum soit refait afin d’anonymiser leurs interventions. «Je suis conscient que ce projet suscite de vives réactions car il touche des points sensibles», souligne de son côté Olivier Jornot. Ce dernier se déclare tout de même surpris de la tournure que prennent les discussions: «On parle beaucoup de mes pouvoirs alors que ce projet m’en fait perdre au niveau de l’organisation administrative du Ministère public.» Le procureur général et président de la CGPJ rappelle aussi que ce travail a été entrepris de façon à mettre en œuvre les recommandations de la Cour des comptes. Il n’en dira pas plus pour l’instant. «La consultation est en cours jusqu’au 15 décembre. La commission de gestion fera l’analyse des résultats en janvier et décidera des suites à donner. Toutes les options sont encore possibles.» Si son but était d’engager un débat animé, l’exercice est réussi.
Posted on: Fri, 22 Nov 2013 08:20:31 +0000

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