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Voyage dans la France qui doute Christian LOSSON, Antoine GUIRAL, Pascale NIVELLE, René SOLIS et Violette LAZARD 28 novembre 2013 à 11:19 Phlippe Pasquet, agent de développement culturel, dans la cité Thiers de Bruay-sur-lEscaut (Nord). (Photo Aimée Thirion) TÉMOIGNAGES De Béziers à Valenciennes en passant par lAnjou, la Bretagne et la Moselle, «Libération» est allé ausculter la France en crise. Paroles dhabitants. Sur le même sujet • TÉMOIGNAGES Voyage dans la France qui doute Par Christian Losson, Antoine Guiral, Pascale Nivelle, René Solis et Violette Lazard • Entendez-vous dans nos campagnes ? Par Matthieu Ecoiffier et Pascale Nivelle • INTERVIEW «Les villes sans réel passé industriel s’en sortent mieux» Par Jonathan Bouchet-Petersen «Les gens votent FN parce qu’il n’y a pas de débat» Philippe Pasquet, agent de développement culturel à Bruay-sur-Escaut, dans le Nord «Les gens qui votent FN, nous, on s’occupe de leurs gosses. Qu’est-ce qu’on devrait faire : leur cracher à la gueule ? Les traiter de racistes ? Des racistes, il y en a à droite et à gauche, et moi je ne vois pas les gens qui votent Front national d’abord comme des racistes. Quand on discute avec eux, on voit bien qu’il y a la peur de l’autre, le repli sur son territoire. Mais quand on leur parle, on peut dépasser ça. Ils votent FN parce qu’il n’y a pas de débat, pas d’accès à la culture. Quand il y a échange, ça change tout. Je ne crois pas que la France soit raciste. D’ailleurs, les gens qui votent FN, c’est loin d’être tous des Français de souche. Ici il n’y a que des immigrés, et le FN fait quand même des scores… Les gens en ont marre de se faire traiter de fachos, et c’est aussi pour ça qu’on les sort de chez eux, qu’on discute, qu’on les amène voir des artistes étrangers.» Lire le reportage «A Valenciennes, un théâtre pour faire le lien» «Tout contribue à nous décourager d’entreprendre» Jean-Michel Martin, 47 ans, dirigeant d’une fabrique de menuiserie de 25 employés à Montilliers, dans le Maine-et-Loire «Quand j’ai commencé mon apprentissage d’ébéniste à l’âge de 15 ans, le directeur de mon collège voulait me dissuader. Mais j’aime le bois, c’est ma passion. Aujourd’hui, chef d’entreprise, je ne touche plus un morceau de bois, et ça me manque, même si je suis fier d’avoir grimpé tous les échelons pour arriver où je suis. Aujourd’hui, je gagnerais plus en étant employé ailleurs. Depuis six mois, je suis très inquiet. On n arrive plus à suivre entre les impôts, les nouvelles normes, et toutes les réglementations qu’on ne sait pas comment appliquer. Le coût de la paperasse est énorme pour nos entreprises, nos marges sont en baisse et nous sommes découragés : tout contribue à nous décourager d’entreprendre ou de prendre le moindre risque. Le malaise est très profond dans le bâtiment. Et nous ne savons plus à qui nous adresser. Les politiques, de droite ou de gauche, sortent tous de l’ENA ou de Sciences Po, ils ne nous représentent plus. Et ils n’ont d’ailleurs plus aucun pouvoir. Comment se projeter dans l’avenir dans ces conditions ? Il ne reste qu’à manisfester, comme on l’a fait déjà deux fois cette année. J’ai bien peur que plus personne ne vote à l’avenir. Ou alors que les gens votent Front national, on n’entend que ça. Pour dire merde, c’est tout ce qu’il leur reste, comme solution. Moi, je ne le ferai pas : on est là pour construire, pas pour détruire.» (Photo Franck Tomps) Lire le reportage «Près d’Angers, artisans sans foi ni cap» «Il faut descendre dans la rue pour mettre le holà aux politiques» Samuel, 37 ans, chômeur à Saint-Avold, en Moselle «Je suis au chômage depuis deux ans, mais je ne trouve rien. Le pire, c’est qu’avec mes indemnités, je n’ai aucun intérêt à retravailler... Avec le chômage, je touche environ 1 000 euros pour le moment. J’ai trouvé il y a quelques mois un emploi de serveur, mais à trente kilomètres de chez moi, et avec deux plages horaires le midi et le soir. Donc, si je calcule avec le prix de l’essence pour les 120 kilomètres quotidiens que je serais obligé de faire, ça ne vaut pas le coup. Pourtant, ça me rend fou de ne rien faire, je vais au turbin tous les jours depuis que j’ai 20 ans, ce n’est pas une situation qui me convient. Manifester, me battre ? Oui, je suis pour les bonnets rouges, mais sans la casse. Maintenant qu’ils ont commencé, ce serait bien de continuer, de descendre dans la rue pour mettre le holà aux hommes politiques qui font n’importe quoi. Il faudrait baisser les charges, et augmenter les salaires. Comment peut-on vivre avec deux smic et deux enfants ? Avec à peine plus de 2 000 euros par mois à 4, on ne peut rien faire. Moi, j’ai toujours voté à droite, mais je ne sais pas si je vais continuer à aller aux urnes. Ce n’est plus le président qui gouverne, c’est l’Europe. Il faudrait en sortir.» Lire le reportage «A Saint Avold, la résignation des vaches à lait» «J’ai l’impression de payer pour tout le monde» Luc Cabaret, vigneron à Saint-Chinian, dans l’Hérault «Quand je regarde le journal télé, j’ai envie de jeter ma godasse dans le poste. Les cotisations n’arrêtent pas d’augmenter : cette année, j’ai payé 1 800 euros de CSG en plus. Oui, il faut participer à la collectivité, aider les autres mais moi jai limpression de payer pour tout le monde ! Sans toutes ces charges, j’aurais deux ou trois salariés. J’en ai un. Je rêverais de faire 40% de black comme en Italie du sud... Le social, j’en fais en donnant du boulot aux gars du village dans la dèche. Ma trésorerie est en permanence hyper tendue car je suis payé à six ou sept mois par les cavistes et les restaurateurs. Alors je vends beaucoup à la grande distribution car il n’y a qu’eux qui paient à 45 jours. Pendant les vendanges, je vomissais tous les matins à cause de mes problèmes de trésorerie. Les politiques ont perdu le sens des réalités et ne connaissent rien des difficultés que nous avons avec les banques ou des hypothèques pour avoir un prêt. Qu’ils viennent faire un tour dans les vignes…» (Photo Gilles Favier.Vu) Lire le reportage «A Béziers, la jeunesse sacrifiée» «La perte des commerces de proximité me désole» Carole Le Jeune, 52 ans, maire (PCF) de Callac, dans les Côtes-d’Armor «Ici, on n’est pas touché de plein fouet par la crise, même si ça licencie beaucoup autour, et que des entreprises sont en difficulté. On est une petite commune vieillissante de 2 500 habitants, 6 000 sur le canton, qui bénéficient de plus en plus d’arrivants, parfois des mères célibataires, venus d’Ile-de-France en quête de loyers très peu chers. Une maison, ici, c’est autour de 80 000 euros, il y a une gare, un collège. Le problème, c’est la mobilité et l’emploi. Des familles arrivent parfois, et n’ont rien, même pas un lit. La précarité gagne du terrain, et les associations caritatives sont très sollicitées. Dans les petits bourgs, les agriculteurs souffrent en silence et, à la retraite, vendent leurs fermes pour payer les maisons de retraites. La quête d’accès à la santé est un autre enjeu, crucial pour conserver la population sur notre territoire. Deux médecins ont arrêté l’an passé pour raison de santé, un autre exerce toujours à 92 ans; un jeune vient d’arriver de Brest, d’accord pour s’installer comme médecin de campagne. On se bat aussi pour maintenir le service à la Poste alors qu’ils voulaient supprimer un demi-poste. Ce qui me désole, c’est la perte des commerces de proximité ; il nous reste quand même un Casino et un Intermarché. Alors, avec un animateur économique, on va chercher des entreprises pour les motiver à s’implanter sur notre commune. Mais c’est un combat de tous les instants» Lire le reportage «La Bretagne se replie sur l’entraide» Recueilli par Antoine GUIRAL, Violette LAZARD, Christian LOSSON, Pascale NIVELLE et René SOLIS
Posted on: Thu, 28 Nov 2013 13:50:45 +0000

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