« l’éloge de la vieillesse » de Herman Hesse : La vieillesse - TopicsExpress



          

« l’éloge de la vieillesse » de Herman Hesse : La vieillesse est source de bien des douleurs, mais de bien des grâces aussi. Pour nous mettre à l’abri de nos problèmes et de nos souffrances, elle fait naître en nous l’oubli, la fatigue et la résignation. Cela peut prendre la forme de l’indolence, de la sclérose, d’une indifférence atroce ; mais sous l’éclairage légèrement différent d’un autre instant, cela peut apparaître aussi comme de la tranquillité, de la patience, de l’humour, un degré élevé de sagesse, le Tao. La vieillesse aide à surmonter bien des choses. Lorsqu’un vieil homme secoue la tête ou murmure quelques paroles, les uns y voient l’expression d’une sagesse éclairée, les autres un symptôme de vieillissement. Quant à savoir si son rapport au monde résulte de son expérience, de la sagesse qu’il a acquise ou bien simplement des troubles circulatoires dont il souffre, cela reste un mystère, pour le vieil homme aussi d’ailleurs. C’est seulement en vieillissant que l’on s’aperçoit que la beauté est rare, que l’on comprend le miracle que constitue l’épanouissement d’une fleur au milieu des ruines et des canons, la survie des oeuvres littéraires au milieu des journaux et des cotes boursières. Les jeunes accordent à leur propre existence, à la quête qu’ils poursuivent et à leurs souffrances une immense importance, justifiée à leurs yeux. L’homme devenu vieux considère cette quête comme un égarement et la vie entière comme un échec si elles ne l’ont pas amené à vénérer quelque chose d’objectif, au-delà de sa propre personne et de ses soucis, quelque chose d’absolu ou de divin au service duquel il se place, dont le seul culte donne sens à son existence… La jeunesse a besoin de pouvoir se prendre au sérieux. La vieillesse a besoin de pouvoir se sacrifier parce qu’elle prend au sérieux ce qui la dépasse. Je n’aime guère prononcer des articles de foi, mais je crois vraiment que, entre ces deux pôles de la vie, il faut qu’une existence spirituelle se développe, joue son rôle. La jeunesse a pour mission, pour aspiration, pour devoir le devenir; l’homme mûr doit se débarrasser de lui-même ou, comme le disaient autrefois les mystiques allemands, « défaire son être ». II est nécessaire d’être un homme accompli, de posséder une véritable personnalité, d’avoir enduré les souffrances de cette individuation pour pouvoir ensuite se sacrifier soi-même. Vivre devrait ressembler, selon moi, à un acte de transcendance, à une progression étape par étape. Il faut traverser les espaces les uns après les autres en les laissant chacun derrière soi comme le musicien qui écrit, joue, achève puis abandonne les uns après les autres les thèmes et les tempi, sans jamais de lassitude, de repos, toujours vif, pleinement présent. J’ai découvert l’existence de ces étapes, de ces espaces en analysant l’expérience de l’éveil à la nouveauté. J’ai noté par exemple que les instants qui marquent la conclusion d’une période de notre vie ont une tonalité un peu terne, semblent porter en eux le désir de la fin qui incite à passer à autre chose, à s’éveiller, à prendre un nouveau départ.
Posted on: Sat, 17 Aug 2013 23:18:34 +0000

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