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youtube/watch?v=bRzKUVjHkGk Le grand cri Une fraction de seconde de pause avant le refrain final de With a Little Help from My Friends, le temps s’est arrêté. À 400 000 dans le grand demi-cercle d’humanité compacte, souffles retenus. Tout en bas de l’amphithéâtre naturel que les organisateurs avaient déniché sur les terres de Max Yasgur, il était là, défait comme un pantin aux fils pendants, bottillons par en dedans, presque en déséquilibre dans son t-shirt tie-dye qui semblait irradier de lui, continuant de faire semblant de jouer de la basse avec les mains, incapable de contrôler son corps. Et puis il a crié. « Aaaaaarrrggggggggggg ! » Et la musique et le refrain ont suivi, immenses, presque méconnaissables par rapport à la version originale des Beatles (pas plus radicale réappropriation imaginable !), et Joe Cocker devint immortel. Et condamné. À reproduire pour le reste de sa vie, dans tous les shows (chez nous souvent), ce moment. Le cri qui tue. Le cri d’appel d’une génération. Bien sûr, après cette fois-là au festival qu’on appela simplement Woodstock, il y aura une carrière, des disques, et des tournées, d’abord la fameuse, celle de Mad Dog and Englishmen, tournée de tous les excès, avec Leon Russell et la ribambelle de ces forains de musique, dont on fera un road movie documentaire : imaginez une commune hippie sur la route, avec un chien fou qui rigole en douce. Et pousse son cri. Joe Cocker aura été le gentil furieux de la musique pop-rock britannique, hors norme, avec cette voix qui n’était pas une voix de gars de groupe, une sorte d’anti-Tom Jones dans le timbre, mais égal dans la puissance. À ses débuts, dès 1964, l’irrépressible Cocker s’essayait déjà à chanter du Beatles, mais I’ll Cry Instead, façon Mersey Beat, le gardait prisonnier de la mélodie comme un chien enragé qu’on aurait muselé. C’est pourtant par les mêmes Beatles qu’il trouva sa voie et sa voix, finalement sans aide de ses amis : en s’extirpant le cri du fin fond de lui. Il vociférera pareillement le Feelin’ Alright de Traffic, et encore du Beatles (She Came in Though the Bathroom Window), et trouvera son hymne à l’amour en You Are So Beautiful, entre autres appropriations totales et définitives, mais c’est toujours ce moment-là qu’on attendra, et qui le définissait et nous soulevait : son grand cri libérateur. Qui résonne encore, et résonnera. « Do you need anybody ? », demandaient les Beatles. On aura eu besoin que Joe Cocker hurle l’amour, à la vie à la mort. Sylvain Cormier - Le Devoir - 23 décembre 2014
Posted on: Tue, 23 Dec 2014 14:13:52 +0000

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