2 juin 1953 : le couronnement d’Élisabeth II, à Londres, est le premier événement de la télé mondiale. Il est retransmis par cinq pays, dont la France. Mais la France télévisuelle, à l’époque, se limite à Paris et Lille. À Strasbourg, des privilégiés suivent la cérémonie depuis le bar des représentants du conseil de l’Europe : ce récepteur est branché sur des antennes allemandes… Au moment où la reine est sacrée à Westminster, le centre de télévision de la rue Lauth, à Strasbourg (à côté de la place de Bordeaux), est encore en construction, sur le site des anciennes fortifications. La télévision française n’arrivera en Alsace qu’à la fin de l’été. « En septembre 53, on a d’abord diffusé une mire , raconte Georges Traband, 73 ans, qui fut directeur de France 3 Alsace entre 1983 et 1991 après avoir débuté comme technicien en 1961. Ensuite, en octobre, des films ont été diffusés à titre expérimental. » Les infos par train, avec un jour de retard La saga ne débute vraiment que le 3 novembre 1953 : ce jour-là, en soirée, une petite foule de Strasbourgeois vient regarder une télé installée dans le hall des DNA. C’est la première édition d’un programme qui sera diffusé chaque jour de 20 h 30 à 21 h 30. Après Lille en 1950, l’Alsace devient le deuxième pôle régional desservi, avant Lyon et Marseille. C’est un événement considérable, mais son impact réel est à relativiser… Car, d’abord, il y a très peu de téléspectateurs. L’antenne provisoire de la place de Bordeaux, haute d’une quarantaine de mètres (l’actuelle, qui culmine à 112, ne sera opérationnelle que fin 54), n’arrose que l’agglomération strasbourgeoise. Et il y a très peu de postes dans les foyers. Pour acquérir un tel engin, il fallait débourser l’équivalent d’au moins un millier d’euros aujourd’hui… Ensuite, ce programme d’une heure n’était qu’une sélection de films venus de Paris. « Il n’y avait pas encore de liaison hertzienne. Ces programmes arrivaient donc par train ! » À Strasbourg, on regardait le journal télévisé national avec un jour de retard… Ce système (une heure quotidienne de télé venue en train depuis Paris) a duré jusqu’à Noël. Le grand cadeau de cette année, fut l’achèvement de cette liaison : onze tours, tous les 60 ou 80 km, depuis la capitale de la France jusqu’à celle de l’Europe. Et le 24 décembre, Strasbourg capte enfin en temps réel l’unique chaîne nationale. Hasard ou clin d’œil ? Le programme, ce soir-là, comprend une messe de minuit en l’église Sainte-Odile de Paris. La liaison hertzienne comme cadeau de Noël Mais on n’en est toujours pas aux programmes régionaux, même si quelques séquences locales (comme la commémoration de la Libération de Strasbourg, le 26 novembre 1953) pouvaient être insérées dans l’heure de télé vespérale. Le premier « décrochage » régional date du 11 avril 1954. Et la première vraie émission régionale régulière débute le 8 mai suivant : c’est un magazine d’actualité intitulé « Images d’Alsace » et proposé le samedi à 13 h 15. Suivront « Elle tourne M. Galilée », « Rendez-vous à la winstub » (les deux avec Germain Muller), « Alsace Actualités », « Télé-Départs », etc. Et le Haut-Rhin dans tout ça ? Il prend son mal en patience… ou regarde côté allemand (sachant que la norme technique là-bas n’était pas la même qu’ici). Après avoir inauguré le centre de télévision de Strasbourg, le 29 janvier 1954, le secrétaire d’État à l’information Émile Hugues file à Mulhouse pour repérer le site du Rebberg. On doit y construire l’émetteur « le plus puissant de France ». Relié à Strasbourg (et donc Paris) via les émetteurs du Schaaflager, près de Sélestat, il sera opérationnel le 19 mai 1956. C’est ainsi que, sur le programme national, la France des téléspectateurs a pu, le 21 mai de cette année-là, découvrir un reportage sur le zoo de Mulhouse. Mais il faudra encore attendre la lente mise en place de tout un réseau de réémetteurs pour que tous les Alsaciens qui le souhaitent puissent devenir téléspectateurs.
Posted on: Sat, 14 Sep 2013 07:36:10 +0000
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