Ce sont les deux derniers chefs dÉtat africains à avoir été - TopicsExpress



          

Ce sont les deux derniers chefs dÉtat africains à avoir été reçus à lÉlysée, en novembre, et ils en sont tous deux conquis. Le Togolais Faure Gnassingbé et le Guinéen Alpha Condé, à linstar de la plupart de leurs pairs dAfrique subsaharienne, estiment que François Hollande sort à son avantage de la comparaison avec son prédécesseur : les entretiens sont plus longs - de quarante à cinquante minutes en moyenne, au lieu des vingt minutes montre en main accordées par Nicolas Sarkozy - et le président français, qui écoute plus quil ne parle, sabstient de donner des leçons. Cette différence de style, appréciée de ses interlocuteurs, nest évidemment pas la seule. La cellule africaine de lÉlysée a disparu et les fameux réseaux aussi. Certes, dans le grand bureau avec vue sur jardinet du no 2 de la rue du même nom, Hélène Le Gal et son adjoint, Thomas Mélonio, continuent de maintenir la tradition dune adresse un peu à part. Les deux conseillers Afrique du président, sils reçoivent beaucoup - avec une prédilection décomplexée pour les acteurs de la société civile, les ONG et les opposants -, voyagent très peu sur le continent et ne parlent jamais au téléphone avec les chefs dÉtat, contrairement à une habitude françafricaine ancrée chez leurs prédécesseurs. Pas question dempiéter sur le territoire des diplomates du Quai dOrsay, lesquels, profitant du peu dappétence africaine de Laurent Fabius, ont repris sur les dossiers continentaux une emprise quils avaient perdue depuis des lustres. À une nuance près : beaucoup sont désormais des swahilisants, qui ont fait leurs classes en Afrique de lEst ou en Afrique australe. Leur ministre de tutelle ayant décidé que la diplomatie économique devait être une priorité, ils ont une forte tendance à orienter leur activité en direction des pays anglophones ou lusophones émergents - Afrique du Sud, Nigeria, Kenya, Ghana, Éthiopie, Angola, Mozambique -, au détriment dun ex-pré carré francophone qui ne représente que 19 % du PIB de lAfrique subsaharienne. François Hollande à la découverte de lAfrique Ce qui reste de relations personnalisées avec les chefs dÉtat revient donc à François Hollande. À cet égard, le président français a incontestablement évolué. Pendant sept mois, jusquau déclenchement de lopération Serval au Mali, le 11 janvier 2013, il se tient à distance dune Afrique quil connaît mal, où il na ni amis ni intérêts et dont il se méfie, quitte à faire preuve, comme lors du sommet de la Francophonie à Kinshasa, en octobre 2012, dune froideur frisant la désinvolture. Sa brusque transformation en général en chef sur le front de la lutte contre le terrorisme, ses déplacements à Bamako et à Tombouctou où il a limpression de marquer lHistoire, louvrent sans transition aux réalités du continent. Physiquement, il découvre des sensations inconnues, tout comme il prend langue avec des alliés plus complexes quil ne le croyait et qui nétaient pas a priori sa tasse de thé : Idriss Déby Itno, Blaise Compaoré, Alassane Ouattara, Faure Gnassingbé... En tête à tête ou au téléphone, Hollande consulte volontiers Mahamadou Issoufou, Goodluck Jonathan ou Mohamed Abdelaziz. Les exigences de bonne gouvernance seffacent peu à peu devant la nécessité dinclure le maximum de pays dans une vaste coalition antijihadiste. Résultat : les exigences de bonne gouvernance seffacent peu à peu devant la nécessité dinclure le maximum de pays dans une vaste coalition antijihadiste, dautant que les États-Unis, leaders en ce domaine ailleurs dans le monde, ont en quelque sorte sous-traité ce rôle à la France dans toute la zone sahélienne. Les prises dotages au Cameroun et le chaos centrafricain ont par ailleurs remis dans la course, aux yeux de lÉlysée, le rôle indispensable dun Paul Biya ou dun Denis Sassou Nguesso, un peu vite relégués au rang despèces en voie de disparition. Idem pour le Djiboutien Ismaïl Omar Guelleh, le maintien de la base française sur les rives du golfe dAden étant plus que jamais considéré comme stratégique. Perte dexpertise sur lAfrique francophone Le vent de realpolitik africaine qui souffle désormais sur lÉlysée socialiste, au détriment des préoccupations droit-de-lhommistes du début du quinquennat, nest donc pas dû à des considérations commerciales ou à lobligation de protéger des amis de la France, mais à des motifs essentiellement sécuritaires. Le rôle et linfluence de larmée, qui a la haute main sur le traitement de la crise malienne (et demain centrafricaine), sont ainsi essentiels auprès de François Hollande, soit directement via son chef détat-major particulier, le général Benoît Puga, soit indirectement via le ministère de la Défense, que dirige le très proche Jean-Yves Le Drian. Cela induit un évident tropisme dans lapproche des dossiers, comme le traduit lintitulé du prochain sommet de Paris sur la paix et la sécurité en Afrique, mais ne fixe pas pour autant une politique africaine globale dont on attend toujours la définition et lidentification autour dune ou de deux personnalités capables, en dehors du président, de larticuler clairement. Les consommateurs africains sont en effet un peu privés de mode demploi : à quelle porte frapper dans la mesure où à lhydre des réseaux sest substitué le maquis des centres de décision autonomes ? Au ministère des Affaires étrangères, où lon délaisse les vieilles relations sans en faire exister de nouvelles, la perte dexpertise sur lAfrique francophone est frappante. La ministre déléguée à la Francophonie, Yamina Benguigui, donne limpression de jouer les bons flics - avec des moyens plus que limités - auprès de chefs dÉtat que son collègue du Développement, Pascal Canfin, et la garde des Sceaux, Christiane Taubira, semploient à agacer - si ce nest à fragiliser - en ne cachant guère la sympathie que leur inspirent les procédures en cours sur les biens mal acquis. Sans compter Bercy, où Pierre Moscovici joue sa partition, lIntérieur, où Manuel Valls sest découvert une urgence africaine, et même la présidence de lAssemblée nationale, où Claude Bartolone, sous couvert de sa bonne ville de Noisy-le-Sec, dépêche parfois de discrets émissaires en Afrique centrale. Ce qui est en jeu pour la France, ce nest pas dhabiller de mots le processus continu de retrait de lAfrique entamé il y a presque vingt ans, mais den inverser la courbe. Si François Hollande a prononcé quelques beaux discours africains depuis son arrivée au pouvoir, lesquels tranchent assurément avec les leçons de Nicolas Sarkozy, la ligne politique censée les relier au quotidien demeure donc à tracer. Ce qui est en jeu, en effet, pour la France, ce nest pas dhabiller de mots le processus continu de retrait et de désinvestissement de lAfrique entamé depuis la dévaluation du franc CFA, il y a presque vingt ans, mais bien den inverser la courbe. Face à des interlocuteurs africains désormais portés par leurs taux de croissance à se montrer de plus en plus rugueux et exigeants, prompts, aussi, à faire jouer la concurrence et les rapports de forces, Paris a perdu de ses attraits et de son influence. Lillusion dun sommet, si fréquenté soit-il, ne doit pas faire oublier cette douloureuse réalité.
Posted on: Thu, 05 Dec 2013 07:40:24 +0000

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