En 2013, la France va atteindre une dette publique record à 95% - TopicsExpress



          

En 2013, la France va atteindre une dette publique record à 95% de sa richesse nationale, soit environ 2000 milliards deuros. Le pays confirme ainsi année après année son incapacité à juguler sa fuite en avant budgétaire. Derrière cette somme abstraite il y a des réalités pratiques que les dirigeants politiques feignent dignorer. Le ministère de lÉconomie et des Finances à Bercy (crédit: Minefi) Par Sylvain Fontan - «LÉconomiste» En effet, si le pays donne encore limpression de maîtriser son destin cest avant tout grâce à des conditions exceptionnelles et indépendantes de la France. Ces conditions ne dureront pas éternellement et si rien nest fait pour remédier à ce phénomène cest la souveraineté même de la France qui pourrait être remise en question. Des implications pratiques Le montant de la dette publique française renvoie à une réalité implacable. En effet, un taux dendettement à 95% du PIB, soit 2000 milliards deuros, implique que la France doit trouver quotidiennement 800 millions deuros par jour à emprunter pour répondre aux impératifs de financement (salaire des fonctionnaires, allocations chômage, pensions de retraites...). Sur ces 800 millions deuros, 200 millions proviennent de prêteurs français mais les 600 millions restants proviennent de prêteurs étrangers. Dès lors, la dépendance de la France aux marchés financiers est évidente car sans le soutien de ces derniers le pays ne pourrait pas faire face à ses engagements financiers et elle ne pourrait pas continuer à vivre au-dessus de ses moyens comme elle le fait depuis maintenant environ 35 ans. La réalité des enjeux financiers quotidiens est incontournable. De façon très pratique, si la France narrive pas un jour à trouver les 800 millions deuros dont elle a quotidiennement besoin, cela implique le fait que le lendemain son besoin sera de 1600 millions deuros (800 millions deuros multiplié par deux) et ainsi de suite. Un des problèmes de ce phénomène est que plus le montant à trouver est élevé, plus il devient cher de se financer. Dès lors, la somme que la France devra rembourser suite à cet emprunt sera plus élevée car le taux dintérêt demandé sera lui aussi plus élevé, soutenant ainsi un phénomène de cercle vicieux. La charge du remboursement de la dette pèse sur les finances publiques. En effet, la France emprunte en moyenne à 2,3% sur lannée 2013. Autrement dit, la France affecte 2,3% de son PIB (richesse nationale produite) aux frais financiers. Or, avec une croissance économique nominale (prise en compte de linflation) proche de 1% en 2013, le différentiel fait que le montant de la dette augmente mécaniquement. En dautres termes, la dette publique ne peut quaugmenter car la charge de la dette (2,3%) est plus élevée que le rythme daccumulation des richesses (1%). Limportance majeure du niveau du taux demprunt de la France Le taux demprunt de la France renvoie à deux notions : Tout dabord, les OAT à 10 ans (Obligations Assimilables au Trésor) renvoient au taux de référence en ce qui concerne les emprunts dEtat de la France. Le pays peut sendetter à plus ou moins longues échéances, mais cest le taux à 10 ans qui sert généralement de référentiel car la majeure partie de la dette est émise à cette échéance temporelle. Ensuite, lAgence France Trésor (AFT) est lorganisme public chargé de gérer les émissions de dette de la France au mieux des intérêts du pays. Elle le fait dailleurs remarquablement bien et les personnes en charge de cette mission sont unanimement reconnues pour leur compétence et leur habileté à placer la dette française auprès des investisseurs français et internationaux. Le taux demprunt de la France est la clef de voute de lédifice financier français. En effet, bien que ce taux soit rarement mis en avant, il constitue pourtant, avec celui de la croissance économique, lindicateur clef à partir duquel il convient danalyser la viabilité du budget de la France et la soutenabilité de sa dette. Si le taux est faible, alors les intérêts que la France devra à ses créditeurs seront faibles. Inversement, si le taux est élevé, alors les intérêts dont la France devra sacquitter seront élevés. Les projections de taux demprunts prennent une importance capitale. En effet, le seul remboursement de la dette (appelée service de la dette), autrement dit le remboursement du capital emprunté plus le paiement des intérêts, représente à lui seul le premier poste du budget de lEtat (hors dépenses de sécurité sociale), devant léducation nationale, les retraites et la défense nationale, qui sont les trois postes de dépenses les plus coûteux après les engagements financiers de lEtat. Dans ce cadre, une hausse des taux viendrait compromettre léquilibre financier de la France. En effet, une hausse de seulement 100 points de base (pbs), autrement dit une hausse de seulement +1% du taux demprunt de la France, se traduirait immédiatement par la nécessité de trouver au minimum 5 milliards deuros supplémentaires rien quau titre des intérêts. Depuis le mois de mai, cette dynamique est déjà entamée avec une hausse de 70 pbs (+0,7%). Situation exceptionnellement favorable mais intenable La France bénéficie de conditions de financements très favorables. En effet, alors que le taux demprunt de la France sur le long terme se situe aux alentours de 5%, la France emprunte en moyenne sur lannée 2013 à 2,3%, alors même que les projections initiales pour lannée 2013 étaient plus pessimistes et sélevaient à 2,9%. Grâce à cette performance meilleure que prévue, la France a engagé des frais financiers moindres quinitialement anticipés. Toutefois, ce résultat exceptionnel ne reflète pas une situation favorable de léconomie française, mais il renvoie à un contexte international particulièrement favorable. Le gouvernement français se félicite des conditions favorables de financement du pays. Il lie le fait que les taux actuels sont historiquement bas à ses décisions de politique économique alors même quavant son arrivée au pouvoir il accusait les marchés financiers dêtre en partie à lorigine des problèmes de la France. Si ces déclarations sont le lot habituel du jeu politique il nen demeure pas moins que la réalité économique est différente. Les conditions favorables de financement sont largement indépendantes de la France. En effet, au regard des fondamentaux économiques français et des politiques mises en œuvre, le taux normal de financement devrait être de lordre de 4%, et pas de 2,3% comme cest le cas actuellement. Les raison qui expliquent de tels niveaux sont le résultat dune combinaison dévènements favorables à la France : La politique monétaire menée par les grandes banques centrales (FED aux Etats-Unis, BoJ au Japon et BCE en Europe) ont conduit à injecter dénormes quantités de liquidités dans le système financier. Dès lors, il fallait un réceptacle à toutes ces liquidités pour quelles puissent se placer. Dans le même temps, en Zone Euro, et à lexception de lAllemagne, les deux seules autres grandes dettes ayant la capacité dabsorber ces quantités de liquidités étaient les dettes espagnoles et italiennes. Or, il se trouve que les craintes concernant la capacité de ces pays à honorer leurs engagements financiers limitaient lappétence des investisseurs internationaux. Dès lors, dans ces conditions particulières, la dette française a pu se révélé intéressante. En effet, la dette française présente plusieurs caractéristiques spécifiques : (1) elle est liquide, cest-à-dire quelle séchange très facilement, (2) la France à une capacité avérée à lever limpôt si nécessaire pour honorer sa dette, (3) sauf à revenir très loin dans lhistoire (révolution française) les prêts ont toujours été remboursés, (5) lépargne des français est très élevée et lEtat pourrait le cas échéant être tenté de piocher dedans, et enfin (5) les besoins de financement de la France sont tels quelle a la capacité dabsorber de grandes quantités de capitaux qui cherchent à se placer dans un pays relativement peu risqué au regard des autres pays présentant des caractéristiques similaires. Les conditions de financement sont appelées à se dégrader. En effet, le choix des marchés de placer leurs capitaux en France plutôt que dans dautres pays sapparente plus à un pis-aller quà un choix par conviction. La dette française se distingue des autres uniquement grâce à des conditions bien particulières et pas du fait de performances économiques exceptionnelles. De plus, le fait que le taux soit historiquement bas induit nécessairement quil ne peut quaugmenter. Dailleurs, les récentes prévisions de taux dintérêt pour 2014 de lAgence France Trésor indiquent un taux moyen de 3,3% en 2014 contre 2,3% en moyenne pour 2013. A ce titre, il convient dindiquer quavec la fin programmée des politiques monétaires accommodantes et la reprise économique qui se dessine progressivement en zone euro, dune part, les liquidités qui chercheront à se placer seront moindres et seront plus regardantes et, dautre part, la meilleure santé relative des pays du Sud de lEurope fera que la dette émanant de ces pays sera plus attractif pour les investisseurs. La dégradation des conditions de marché sera dautant plus forte que la France na pas réalisé les réformes nécessaires. En effet, les seules réformes qualifiables de structurelles qui sont potentiellement susceptibles daméliorer la croissance française, et donc qui réduirait mécaniquement le poids de la dette, sont lANI et le CICE. La première porte sur la flexibilisation du marché du travail et la seconde sur une aide fiscale aux entreprises. Or, il se trouve que ces deux mesures sont encore trop timorées et quelles multiplient les incohérences et les effets pervers. Parallèlement, la réforme des retraites est pour le moins incapable de faire face aux enjeux réels sous-tendus par le problème du déficit de la branche vieillesse de la sécurité sociale, et rien na été entrepris dans les champs pourtant fondamentaux de la fiscalité, de lorganisation de lEtat, du millefeuille administratif, des dépenses sociales et celles des collectivités locales. Dans ce cadre, la crédibilité de la France à tenir ses engagements budgétaires et ses objectifs de croissance semble fortement hypothéquée à court, moyen et long terme : Les investisseurs étrangers pourront ainsi avoir limpression que la France est dans lincapacité de maîtriser sa dette, ce qui les amènera à sen détourner. Pour se financer, la France devra alors accepter des taux dintérêts plus élevés qui viendront encore diminuer la soutenabilité de sa dette jusquà ce quun jour celle-ci soit réellement impossible à financer et que le pays soit obligé de renoncer à des dépenses de manière brutale. Rapports compliqués de la France avec la dette La France sest longtemps accommodée dune dette élevée. En effet, pour se délester du problème de la dette, largement engendrée par des dépenses publiques excessives, la tentation historique naturelle de la France a toujours été de créer de linflation qui diminue mécaniquement et artificiellement le montant de la dette. Or, depuis la création de leuro et de la Banque Centrale Européenne, la France na plus la possibilité de créer de linflation unilatéralement par la création monétaire (monétisation de la dette en faisant marcher la planche à billet). Les seules solutions pour diminuer la dette sont la hausse des recettes ou la baisse des dépenses. Augmenter les recettes renvoie indifféremment à la hausse de la croissance économique (qui accroît mécaniquement les rentrées fiscales liées à la hausse de lactivité) et à la hausse de la fiscalité en générale. Du côté des dépenses, il existe trois types de dépenses quil est possible de diminuer : les dépenses dEtat (ministères, nombre et salaire des fonctionnaires..), les dépenses sociales (chômage, maladie...) et les dépenses des collectivités locales (conseils généraux, collectivités de communes...). Au-delà des aspects fiscaux et de croissance, il convient de sinterroger sur les dépenses publiques. Les dépenses dans lenseignement sont un exemple patent dinefficacité de la dépense publique. En effet, alors que les dépenses denseignement représentent un poste majeur de la dépense publique en France et quil augmente continuellement, la France connaît néanmoins une situation de chômage de masse depuis plusieurs décennies (environ 5 millions de français actifs qui sont actuellement au chômage), et les résultats des écoliers français dans les classements internationaux ne cessent de diminuer malgré des dépenses par élèves parmi les plus élevées du monde. Dès lors, ce simple constat pose la question de lefficacité des dépenses du secteur public. Lensemble des dépenses publiques sont concernées par ce phénomène. En effet, au-delà des dépenses publiques liées à léducation, ce sont plusieurs autres secteurs publics qui sont concernés par des dépenses en constante augmentation et parmi les plus élevées du monde, mais avec des résultats décevant au regard des sommes engagées. La dette publique ne correspond pas à des investissements productifs mais essentiellement à des dépenses sociales utiles mais improductives. En effet, sur ces dépenses sociales, 1/3 renvoient à des dépenses liée à la maladie et 1/3 au financement des retraites. Dans ce cadre, et malgré lutilité évidente de ces dépenses dans labsolu, la dette sert avant tout à payer les dépenses courantes mais pas à investir dans la croissance. La dette contractée dans cette optique nest absolument pas créatrice de richesses, mais entraîne des destructions de richesses. En effet, au lieu dêtre employée à financer des projets créateurs de croissance future (qui pourrait alors justifier lendettement) et qui pourraient ainsi financer ces dépenses sociales grâce à la création de richesses, le creusement de la dette actuelle renvoie en réalité au souci de garantir un niveau de vie supérieur aux moyens réel du pays. De plus, la garantie de ce niveau de vie se réalise au prix dun financement qui pèse sur les générations futures qui nauront pas les moyens dy faire face.
Posted on: Wed, 06 Nov 2013 06:58:33 +0000

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