Est-ce une hérésie de manifester contre la pédophilie, par - TopicsExpress



          

Est-ce une hérésie de manifester contre la pédophilie, par Taoufiq Bouachrine La confusion est le maître-mot pour qualifier la gestion de l’affaire du pédophile de Kenitra par l’Etat marocain. Bien qu’il ait mis les points sur les « i », le communiqué du palais royal a établi que la grâce contestée était bien une erreur due à un manque de vérification des noms portés sur la liste remise au Roi la veille de la fête du Trône ; il a montré aussi que la grâce n’est en rien un acte diplomatique qui fait peu de cas des enfants de ce pays ou de leur dignité. La réaction du palais est cependant intervenue tardivement, car elle aurait dû tomber mercredi ou jeudi et non dans la soirée du samedi, après la sortie de plusieurs manifestations dans plusieurs villes du royaume. Ensuite, le communiqué aurait été meilleur s’il avait comporté des excuses, et non seulement en revenant sur les tenants et les aboutissants de cette affaire. Il n’y aurait eu aucun mal à cela et des excuses n’auraient en rien entamé l’aura du Roi qui a montré à maintes reprises qu’il savait agir en être humain et en père bien plus qu’en monarque ou en chef d’Etat, surtout après qu’il ait admis qu’il n’avait pas été informé des détails de la liste et des noms qui y figuraient. Mais en tout état de cause, reconnaître l’erreur du cabinet royal, constituer une commission d’enquête sur la chose, s’engager à sanctionner ceux qui doivent l’être sont des indicateurs fort positifs sur le fait que ceux qui sont sortis manifester dans la rue, que ceux qui ont sentis cette humiliation et l’ont exprimé de diverses façons, que ceux qui n’ont rien dit… ont été entendus par le Roi. Les gens attendent donc les résultats de cette enquête et veulent savoir comment sera corrigée la faute qui a été commise. Le ministère de la Justice et avec lui le gouvernement et son chef sont les seconds perdants de cette affaire de grâce d’un pédophile qui a entre temps quitté le pays avec un passeport périmé… En effet, Mustapha Ramid, le ministre de la Justice, avait publié un jour avant le palais son communiqué à lui, dans lequel il expliquait que l’élargissement de Daniel Galvan répondait à des considérations d’intérêt national, alors même que la réaction du palais n’a pas essayé de justifier quoi que ce soit, ni de mettre cet acte de grâce dans le cadre de la logique d’Etat ; bien au contraire, le palais a considéré cette affaire comme une erreur, l’a regrettée et tient à punir son auteur et responsable. Que dit le communiqué du ministère de la Justice, en substance ? « La grâce de citoyens espagnols est intervenue dans le cadre des relations entre deux nations amies, liées par des intérêts stratégiques ; elle a été accordée dans le contexte de la visite rendue par le souverain espagnol à notre pays, qui a occasionné les actes de courtoisie habituels. Il s’agit donc d’une décision royale dictée, sans aucun doute, par l’intérêt national ». Il s’agit là, on le voit bien, d’une contradiction flagrante dans la politique du pays et sur un sujet particulièrement sensible. Ainsi, si Ramid a eu le cran de publier un communiqué aux premières heures de la crise, y affirmant que son ministère n’avait rien à voir avec la grâce, que la décision a été prise au cabinet royal et non à la chancellerie, son empressement à justifier cette grâce a été une erreur, de même que la liaison établie entre la libération de Galvan et les intérêts supérieurs de la nation est un mépris pour tous ces parents qui ont senti que l’Etat, au nom de ses intérêts, était disposé à vendre non seulement les grands mais aussi les petits. Quel est donc cet intérêt qui puisse autoriser en droit, en logique et même moralement que l’on puisse s’en prendre aux corps de nos petits ?! Le ministre de la Justice doit présenter des excuses pour son communiqué, des excuses à l’opinion publique, de même qu’il doit engager des poursuites contre ceux qui ont donné l’ordre d’agiter le gourdin contre les manifestants ces vendredi et samedi derniers, puisque le ministre de l’Intérieur a nié avoir donné des ordres dans ce sens à ses troupes. Des gens ont en effet été blessés, et l’auteur de ces lignes fait partie des journalistes qui ont eu leur lot de coups, et il a aussi entendu les ordres des officiers guidant leurs hommes et leur enjoignant de tabasser un(e) tel(le), d’y aller modérément avec d’autres et d’ignorer une troisième catégorie, avec des termes et dans un vocabulaire que par respect, je ne peux rapporter ici. Ramid devrait faire auditionner ces officiers à partir du moment où Laenser a déclaré qu’il allait ouvrir une enquête sur ces actes qui ont envoyé 60 personnes aux urgences, les crânes fendus par les matraques, en dépit du caractère pacifique de la marche et de l’absence de slogans politiques. Quelle image renvoyons-nous donc du Maroc quand on fait couler le sang de pères et de mères venus manifester pacifiquement contre la pédophilie ? Est-ce bien sérieux ? Est-ce de cette manière que nous « vendons » l’image d’une nation où la pensée religieuse consacre les enfants comme les enfants de Dieu ? Vendredi soir, j’avais honte d’être marocain en voyant le comportement des forces de l’ordre contre les gens, le plus illégalement du monde. J’ai eu honte pour Abdelilah Benkirane, confortablement installé chez lui, à quelques centaines de mètres de ce théâtre de violence aveugle, lui, le chef du gouvernement auquel la constitution a conféré le contrôle total sur l’administration, dont l’Intérieur et la police, lui qui n’a pas bougé un cil face à ce qui se produisait, ni remué une lèvre… j’écris ces lignes en imaginant qu’un de ses enfants ou petits-enfants lui demande : pourquoi ton gouvernement frappe-t-il les pères et les mères qui craignent pour leurs progénitures et qui sont partis manifester en signe de solidarité pour les 11 enfants tombés entre les griffes du monstre appelé Galvan ? Manifester contre la pédophilie est-il donc devenu une ligne rouge dans ce pays ?
Posted on: Tue, 06 Aug 2013 13:36:01 +0000

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