Harana Paré est professeur dhistoire-géographie et militant au - TopicsExpress



          

Harana Paré est professeur dhistoire-géographie et militant au MRAP, à lAFASPA (Association française damitié et de solidarité avec les peuples dAfrique) et au Collectif Communiste-POLEX (Politique extérieure). Militant anti impérialiste, internationaliste et anticapitaliste, il revient pour nous sur les origines et enseignements du mouvement démancipation noir américain. ---- AL : Peux-tu te présenter pour les lecteurs et lectrices dAL ? ---- Harana Paré : Je suis originaire du Burkina-Faso. Après des études secondaires, je poursuis mes études à Oran (Algérie) en 1975-76. Je suis dune génération qui a admiré la lutte armée de décolonisation en Algérie. Au lycée, on était sensibles à lanti-impérialisme et à linternationalisme. On lisait Fanon, Césaire, Nkrumah, Anta-Diop... Jexerce de 1980 à 1985 comme professeur à Bobo-Dioulasso (Burkina Fasso). La République démocratique populaire (RDP) de Thomas Sankara bat alors son plein, le pays connaît de grandes mobilisations populaires enthousiastes. Sankara est assassiné en octobre 1987 : les pressentiments dune telle évolution mont poussé à lexil en France bien avant, en octobre 1985, où depuis je vis, travaille et milite. AL : Quelle est la situation des minorités aux USA aujourdhui ? Harana Paré :En Amérique du Nord, lÉtat est caporalisé par loligarchie et par le complexe militaro-industriel et bancaire. Les Noirs et les Indiens restent encore dans leur grande masse confinés dans la misère des ghettos et des réserves. Les classes moyennes frappées par le chômage, la précarité, penchent pour lémergence dun Etat sécuritaire et antidémocratique ; ce qui classiquement place lAmérique en phase avec le vieux fond du racisme esclavagiste qui la fonde. Il ne faut pas oublier que celui-ci sest historiquement développé à partir dune accumulation primitive servie par un colonialisme exterminateur dAmérindiens et un esclavagisme de traite négrière. Ce sont ces économies esclavagistes aux USA et au Brésil qui servent de point de départ à la formation du grand capital dans les Amériques. Lélément Blanc, en Amérique ou ailleurs, parce que socialement ou illusoirement intégré au processus de domination raciale, a généralement accepté le système et sy est même identifié. AL : Comment a émergé le mouvement démancipation noire ? Harana Paré : La résistance au racisme par les minorités a toujours eu lieu aux États-Unis. Dabord les résistances amérindiennes contre lextermination et lexpropriation coloniales, et longtemps par la suite les luttes passives puis radicales des noir-e-s à partir des années 1960-1970 avec les Black Panthers ou le Mouvement des droits civiques. Avant les luttes, lédification dune identité noire de race et de classe superposée serait restée impossible, en ce sens les Noir-e-s sont longtemps restés enfermés dans linvisibilité sociale. Cest la révolte qui a fait exister les Noir-e-s en Amérique, au prix de milles astuces et ruses sociales qui les sortiront de la condition de nègre-objet. Lesclave noir réalise par la suite lélaboration dune culture-expression de lExodus et du lien à lAfrique (gospel), et la réécriture-réévaluation de son histoire sur les deux continents. Très tôt des femmes noires au prix de leur vie ont combattu le viol systématique quelles ont longtemps subit par les maitres blancs, elles ont fui la plantation pour éviter la vente-séparation avec leur enfant... Dans le mouvement ouvrier, après labolition de lesclavage, les Noirs, exploités et non intégrés au système par les lois ségrégationnistes, se structurent en communautés ; cest dans ces ghettos que mûrissent les émeutes qui mettent le système à mal et doù partiront dans les années 1960-1970 la lutte des Black Panthers. Le BPP se voudra révolutionnaire, de classe et identifié à la cause noire. Il prône la lutte contre lEtat américain et le racisme systémique de la société américaine. Naturellement une telle orientation fait doublement ou triplement des Black Panthers des ennemis de lintérieur en tant que Noir-e-s, communistes, et révolutionnaires. AL : Que dire du black feminism ? Harana Paré : Le développement au sein de ces mouvements du black-féminism, dorientation prolétarienne, est en rupture avec le féminisme bourgeois qui prévalait dans les milieux blancs et qui, jusquici, sétait satisfait du racisme. Cest donc dire quen dernière analyse, cest le féminisme radical des afro-américaines qui historiquement porte les grandes perspectives démancipation relatives à la question féministe dans les Amériques. Dès le départ, les femmes noires, offensées et humiliées au quotidien, se sont investies, pour une question de survie, dans un matriarcat né dans les conditions mêmes de léconomie esclavagiste ; là où justement la Blanche de son maître restait tenue par loisiveté permanente. En échappant à la plantation pour lusine ou latelier, les femmes Noires sont restées confrontées à la monoparentalité récurrente ; un legs de lesclavage où la fondation dune famille stable restait impossible pour tout esclave. Un legs qui force à ne compter que sur soi, et à prendre conscience de son exclusion des circuits matrimoniaux garants de rentes. Parties de rien, elles ne sont pas des héritières, ce sont des femmes de luttes. De ce point de vue, leurs expériences et les exemples quelles illustrent peuvent servir et inspirer toujours les luttes des femmes de par le monde. AL : Quels enseignements tirer pour aujourdhui en France ? Harana Paré : Le problème des luttes actuelles en France, et en Europe de façon générale, cest labsence dune perspective commune crédible. Les seules avancées semblent dordre sociétal ; toute chose qui complait totalement à la social-démocratie qui préfère des avancées socio-économiques inoffensives. Devant les carences du mouvement social, la bourgeoisie exporte la guerre sociale contre les masses dans les lieux de relégation sociale, doù lémergence de ces concepts épouvantables de racisme anti-blanc, de « sauvageons de la république », de communautarisme... Bref, des constructions sociopolitiques que nous peinons à analyser comme des données nouvelles de la lutte des classes en France. Sinon, lenseignement principal est la nécessaire articulation des luttes. On découvre quelles sont en liaison entre elles, à différentes échelles locales et globales. Cela nous fait dire que ce qui se passe en Afrique, en Asie ou Amérique, ne relève pas dun ailleurs exotique, mais constitue plutôt un aspect contextuel de la même réalité. Cest en ce sens quil faut analyser et comprendre toutes les luttes, celles des femmes, des racisé-e-s, des migrants, de la classe ouvrière et des paysans. Il importe également dinscrire toutes ces luttes dans le champ de la lutte de classe et dun point de vue internationaliste. La domination et lexploitation sont multiformes et non équivoques : cest en ce sens que par aliénation et intérêts secondaires étroits ou mesquins, des dominés acceptent lexploitation, la domination, les inégalités sociales et applaudissent la criminalisation des luttes par lordre dominant. Autre enseignement : ne pas se méprendre sur les processus dintégration institutionnelle, porteurs dillusions démocratiques et véritablement destinés à élargir le marché, à approfondir et à intensifier lexploitation. Propos recueillis par Tony Montana Sommaire du dossier : - Aux racines du racisme : De lesclavage au ghetto - Mouvement ouvrier : Noirs ou Blancs, toujours prolétaires - Malcolm X : une vie en noir et blanc - Malcolm X : construire un pouvoir noir - Les Black Panthers au-delà du mythe - Le Black Feminism : à la croisée des oppressions - DRUM : Les Noirs en lutte sur le lieu de travail - Mouvements noirs réformistes : Les écueils des stratégies bourgeoises - Harana Paré (historien) : Cest la révolte qui a fait exister les Noirs dAmérique - Une Black Revolution reste à faire _________________________________________________
Posted on: Sun, 20 Oct 2013 13:35:35 +0000

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