La religion dans l’entreprise Paru dans Liaisons Sociales, N° - TopicsExpress



          

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La religion dans l’entreprise Paru dans Liaisons Sociales, N° 168/2013 du 13/09/2013 Bibliothèque : le dossier pratique Rubrique : LIBERTÉS INDIVIDUELLES Port du voile ou de la kippa, absences pour fêtes religieuses, prières dans l’entreprise, refus d’effectuer un travail jugé contraire à la religion…, autant de situations devant lesquelles les employeurs sont souvent bien désarmés. Comment maintenir la cohésion des équipes et la bonne marche de l’entreprise sans pour autant nier les convictions religieuses des salariés ? Comment trouver le juste équilibre entre liberté religieuse et subordination dans l’exécution du contrat ? Le point dans ce dossier, à la lumière notamment de la solution adoptée en mars dernier par la Cour de cassation dans l’affaire de la crèche Baby Loup. 1 Lors du recrutement PEUT-ON MENTIONNER DES CRITÈRES RELIGIEUX DANS UNE OFFRE D’EMPLOI ? La loi interdit de faire référence dans une offre d’emploi aux convictions religieuses des futurs candidats (C. trav., art. L. 5321-2). C’est la conséquence du principe selon lequel aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement en raison notamment de ses convictions religieuses (C. trav., art. L. 1132-1). L’EMPLOYEUR PEUT-IL QUESTIONNER UN CANDIDAT SUR SA RELIGION ? En vertu du principe de non-discrimination, le recruteur ne peut pas questionner un candidat à un emploi, lors de l’entretien d’embauche ou par le biais d’un questionnaire d’embauche, sur ses convictions et ses pratiques religieuses. Cette impossibilité résulte aussi de la nature des informations pouvant être demandées aux candidats à un emploi sous quelque forme que ce soit. La loi prévoit que ces informations ne peuvent avoir d’autre finalité que d’apprécier la capacité du candidat à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles et doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelles (C. trav., art. L. 1221-6). Sauf dans le cas des entreprises dites de tendance(v. l’encadré page 2), la religion n’a donc pas sa place dans les informations pouvant être demandées à un candidat à l’embauche. C’est ainsi que la Halde a considéré que le recruteur d’une association qui organisait une classe de mer ayant pour objet l’initiation des enfants au milieu marin et agricole, ainsi qu’à leurs produits, et impliquant que les animateurs mangent avec les enfants, ne pouvait valablement interroger un candidat sur son régime alimentaire : pour la Halde, cette question porte, indirectement, sur les convictions religieuses(Délib. Halde n° 2008-10, 14 janvier 2008). À NOTER L’employeur qui exige du candidat à un emploi des renseignements sans lien direct et nécessaire avec l’emploi se met en tort. Le salarié ne saurait donc être fautif pour avoir dissimulé des renseignements de ce type lors de son embauche. Un licenciement pour ce motif serait abusif (Cass. soc., 17 octobre 1973, n° 72-40.360P; Cass. crim., 14 octobre 1986, n° 85-96.369P). Il pourrait même être frappé de nullité si l’élément omis ou ayant donné lieu à un mensonge relève, comme la religion, des discriminations prohibées par l’article L. 1132-1 du Code du travail. 2 Dans le règlement intérieur LE RÈGLEMENT INTÉRIEUR PEUT-IL IMPOSER LE PRINCIPE DE LAÏCITÉ ? En principe, non. Contrairement au secteur public, où les agents et fonctionnaires sont tenus à une obligation de neutralité en vertu de l’article 1er de la Constitution, le principe de laïcité ne s’impose pas dans le secteur privé, sauf exception. Selon un arrêt rendu le 19 mars 2013 par la Cour de cassation dans l’affaire Baby Loup (n° 11-28.845), « le principe de laïcité instauré par l’article 1er de la Constitution n’est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public. Il ne peut dès lors être invoqué pour les priver de la protection que leur assurent les dispositions du Code du travail ». Autrement dit, dans une entreprise du secteur privé, le règlement intérieur ne peut imposer aux salariés une obligation de laïcité. Il en va autrement si l’entreprise gère un service public (ce qui n’est pas le cas d’une crèche privée en dépit de sa mission d’intérêt général, a précisé la Cour de cassation dans un communiqué à propos de l’arrêt Baby Loup). C’est ainsi que dans un second arrêt rendu le 19 mars 2013 (n° 12-11.690), la Cour de cassation affirme que les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé (une caisse primaire d’assurance-maladie en l’occurrence). Elle en conclut que ces principes peuvent être opposés aux agents employés par ces organismes, à raison de leur participation au service public, quand bien même ils seraient soumis aux dispositions du Code du travail. À NOTER La solution retenue par la Cour de cassation dans l’affaire Baby Loup rejoint celle qu’avait adoptée en son temps la Halde (à laquelle a été substitué le Défenseur des droits) : en l’absence de disposition législative venant restreindre une telle liberté fondamentale, l’employeur ne peut ériger l’entreprise en lieu neutre ou laïque (Délib. Halde n° 2008-32 du 3 mars 2008). Selon la Haute autorité, un employeur qui invoquerait le principe de laïcité pour limiter la liberté religieuse de ses salariés se rendrait coupable de discrimination (Délib. Halde n° 2011-67 du 28 mars 2011). LE RÈGLEMENT PEUT-IL INTERDIRE TOUTE PRATIQUE RELIGIEUSE ? Si l’employeur veut encadrer dans le règlement intérieur les pratiques religieuses de ses salariés, il doit éviter de formuler des interdits trop généraux. En effet, en application de l’article L. 1321-3 du Code du travail, le règlement intérieur ne peut apporter des restrictions aux libertés individuelles ou collectives que si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Le Conseil d’État juge ainsi invalides les dispositions du règlement intérieur interdisant toute discussion d’ordre religieux (CE 25 janvier 1989, n° 64296) ou qui posent une interdiction générale et absolue (CE 20 juillet 1990, n° 85429). De même, la Halde a rappelé à de nombreuses reprises que les clauses du règlement intérieur visant à interdire de manière générale et absolue la liberté religieuse au travail étaient illicites(v. notamment Délib. Halde n° 2010-82 du 1er mars 2010). Plus récemment, dans l’arrêt du 19 mars 2013, la Cour de cassation a considéré que la clause du règlement intérieur applicable à la crèche Baby Loup, mentionnant que « le respect du principe de laïcité s’applique dans l’exercice de l’ensemble des activités développées, tant dans les locaux de la crèche et ses annexes qu’en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche », instaurait une restriction générale et imprécise ne répondant pas aux exigences de l’article L. 1321-3 du Code du travail. LE RÈGLEMENT PEUT-IL RESTREINDRE LES PRATIQUES RELIGIEUSES ? Si une interdiction générale et absolue à la liberté religieuse n’est pas autorisée, la liberté de manifester sa religion sur le lieu de travail peut être limitée dans certaines circonstances. Dans l’arrêt Baby Loup du 19 mars 2013, la Cour de cassation a précisé que le règlement intérieur peut contenir certaines restrictions à la liberté religieuse, à condition qu’elles soient justifiées par la nature de la tâche à accomplir, qu’elles répondent à « une exigence professionnelle essentielle et déterminante » et qu’elles soient proportionnées au but recherché. Ainsi, les obligations et/ou interdictions instituées dans le règlement intérieur doivent être adaptées en fonction des conditions particulières d’exercice des fonctions et ne peuvent donc concerner que certains emplois déterminés. Le règlement pourra ainsi interdire le port de vêtements ou de signes religieux pour des raisons d’hygiène ou de sécurité, ou pour des raisons liées au bon fonctionnement de l’entreprise (le contact avec la clientèle, par exemple). En cas de contentieux, le juge exigera la justification au cas par cas de la pertinence et de la proportionnalité de la décision au regard de la tâche concrète du salarié et du contexte de son exécution afin de démontrer que l’atteinte portée au droit de manifester sa religion repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (Délib. Halde n° 2009-117 du 6 avril 2009). À NOTER Dans un arrêt du 15 janvier rendu à l’égard de quatre salariés et agents britanniques, chrétiens pratiquants, la Cour européenne des droits de l’homme, tout en réaffirmant la liberté de manifester sa religion sur le lieu de travail, admet que l’employeur puisse y apporter des restrictions lorsque celle-ci empiète sur les droits d’autrui ou contrevient à un impératif de sécurité (CEDH, 15 janvier 2013, n° 48420/10, n° 59842/10, n° 36516/10, Eweida et autres c. Royaume-Uni). 3 Quels sont les droits des salariés ? LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE La liberté de religion et de conviction est un droit fondamental reconnu par le Code du travail (C. trav., art. L. 1132-1), mais également par la Déclaration universelle des droits de l’homme (art. 7 et 18), par la Convention européenne des droits de l’homme (art. 14) et par le traité instituant la communauté européenne (art. 13). LA PROTECTION CONTRE LES DISCRIMINATIONS La loi interdit formellement de sanctionner ou de licencier des salariés en raison de leurs convictions religieuses. De même, est totalement interdite toute mesure discriminatoire en matière de rémunération, d’intéressement, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat fondée sur ce motif (C. trav., art. L. 1132-1). Ces mesures encourent la nullité et exposent l’employeur à de lourdes sanctions pénales. LA LIBERTÉ D’EXPRESSION La liberté d’expression est consacrée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. À ce titre, l’expression religieuse dans l’entreprise peut être tolérée dès lors qu’elle respecte les libertés et croyances des autres salariés et qu’elle n’entrave pas l’exécution du contrat de travail. Il en va autrement dès lors qu’elle est abusive et devient un acte de prosélytisme. La CEDH définit le prosélytisme comme la corruption et la déformation du témoignage de foi consistant en des pressions abusives sur autrui pour le déterminer à adhérer ou non à une religion (CEDH, 25 mai 1993, Vincent Berger : arrêt rendu à propos d’un témoin de Jéhovah). Est donc justifié le licenciement d’un animateur d’un centre de loisirs laïc lisant la Bible et distribuant des prospectus à caractère religieux aux enfants (C. prud’hommes Toulouse, 9 juin 1997) ou encore d’un formateur membre de l’Église de scientologie, qui, au cours des séances qu’il animait, incitait les participants à rejoindre l’organisation (CA Versailles, 23 janvier 1998, aff. Cassan). LE SALARIÉ PEUT-IL REFUSER UN TRAVAIL EN CONTRADICTION AVEC SES CONVICTIONS ? Si l’employeur doit respecter les convictions religieuses du salarié, il est en revanche en droit d’exiger de lui l’exécution de son contrat de travail indépendamment de ses convictions religieuses. Un salarié ne peut invoquer sa liberté religieuse pour ne pas effectuer ses obligations contractuelles et les revendications liées aux pratiques religieuses ne peuvent s’imposer face aux nécessités de bon fonctionnement de l’entreprise (Délib. Halde, n° 2011-67 du 28 mars 2011). Ont été ainsi jugés justifiés les licenciements de salariés prononcés pour les faits suivants : – le refus par un salarié musulman de passer la visite médicale périodique en arguant qu’un changement dans son organisation la rendait incompatible avec ses convictions religieuses (Cass. soc., 29 mai 1986, n° 83-45.409P) ; – le refus par un salarié d’une nouvelle affectation sur du matériel de guerre sous prétexte que son appartenance aux témoins de Jéhovah s’y oppose (C. des prud’hommes de Lunéville, 13 janvier 1984, Schmidt c/Sté Trailor) ; – le refus par un salarié de dire aux clients, comme le lui avaient demandé ses supérieurs hiérarchiques, que ces derniers étaient absents même s’ils ne l’étaient pas effectivement, le salarié indiquant que sa religion lui interdisait de mentir(CA Grenoble, ch. soc., 26 mai 1986) ; – le refus d’un salarié de confession musulmane, embauché comme boucher, de toucher la viande de porc(Cass. soc., 24 mars 1998, n° 95-44.738P) ; – le refus d’une animatrice sports et loisirs recrutée par une association chargée de l’intégration sociale d’enfants autistes de se baigner avec les enfants lors d’une sortie dans un parc aquatique, ce refus étant contraire à l’exigence de sécurité des enfants (Délib. Halde n° 2006-242 du 6 novembre 2006). LE SALARIÉ PEUT-IL PORTER UN VÊTEMENT OU UN SIGNE RELIGIEUX ? Selon la Halde, le port d’un vêtement ou d’un insigne manifestant l’appartenance à une religion ne relève pas en tant que tel d’un comportement prosélyte qui permettrait à l’employeur de l’interdire (Délib. Halde n° 2008-32 du 3 mars 2008 ; voir également CE 27 novembre 1996, Mme Jeouit). Toutefois, la liberté de se vêtir à sa guise au temps et au lieu de travail n’entrant pas dans la catégorie des libertés fondamentales(Cass. soc., 28 mai 2003, n° 02-40.273P), l’employeur peut empêcher le salarié de porter un vêtement ou des insignes religieux si ces restrictions sont dictées par des nécessités d’ordre professionnel, justifiées par la nature des tâches à accomplir et proportionnées au but recherché. Ainsi, si l’employeur ne peut interdire de manière générale et absolue le port d’une tenue religieuse et sanctionner la méconnaissance par le salarié de cette interdiction (Cass. soc. 19 mars 2013 n° 11-28.845, affaire Baby Loup), des considérations de sécurité au travail peuvent justifier l’interdiction du port de la barbe pour les salariés tenus de porter un masque de protection contre les produits toxiques ou d’un voile pour les salariées travaillant sur une chaîne de production mécanique. De même, des impératifs de santé ou d’hygiène sanitaire peuvent amener l’employeur à imposer le port de tenues spécifiques incompatibles avec le maintien des signes religieux. Enfin, les impératifs commerciaux liés à l’intérêt de l’entreprise peuvent justifier une restriction apportée au port d’un signe religieux pour des salariés en relation avec la clientèle (Délib. Halde n° 2008-32 du 3 mars 2008). Le salarié doit se plier à ces contraintes, faute de quoi il est susceptible d’être licencié. Ainsi ont été justifiés les licenciements : – d’une salariée travaillant dans un magasin de mode refusant d’enlever le vêtement la recouvrant intégralement (CA Saint-Denis-de-la-Réunion, 9 septembre 1997) ; – d’une vendeuse refusant de renoncer au foulard cachant une partie de son visage alors que l’employeur avait accepté le port discret d’un bonnet conforme aux exigences rituelles (CA Paris, 6 mars 2001, 18e ch. section C, n° 31302) ; – d’une salariée, agent hôtelier dans une maison de retraite, ayant refusé d’ôter son foulard dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, contrairement aux règles d’hygiène imposées par son activité, et nonobstant les propositions alternatives de l’employeur (Délib. Halde n° 2010-166 du 18 octobre 2010). Toutefois, il a été jugé que l’employeur qui recrute en toute connaissance de cause un salarié manifestant, dès l’entretien d’embauche, de façon très visible, son appartenance religieuse, ne peut par la suite le reprocher au salarié (CA Paris, 19 juin 2003, 18e ch. section C, n° 03-30212). Cette affaire portait sur le licenciement d’une télé-enquêtrice refusant de renoncer au foulard islamique ou de le porter en simple bonnet. La salariée avait en effet été engagée alors qu’elle portait le voile, comme le prouve la photo d’identité sur son badge. À NOTER La Cour de cassation a jugé non discriminatoire le licenciement de l’employée d’une caisse primaire d’assurance maladie refusant de retirer son voile islamique en méconnaissance du règlement intérieur édictant une interdiction générale pour les agents de porter le voile islamique, même sous forme de bonnet. Dès lors que la restriction était nécessaire à la mise en œuvre du principe de laïcité et de neutralité du service public, l’agent devait s’y conformer strictement, peu important qu’il soit en contact ou non avec le public (Cass. soc., 19 mars 2013, n° 12-11.690). 4 Quels aménagements tolérer ? UNE DEMANDE DE CONGÉ UN JOUR DE FÊTE RELIGIEUSE La convention collective ou l’accord d’entreprise peuvent prévoir des autorisations d’absence en cas de cérémonies ou fêtes religieuses. En l’absence de telles dispositions conventionnelles, un salarié qui souhaite prendre un jour de congé pour participer à une fête religieuse doit obtenir l’autorisation de l’employeur. Et, comme pour toute demande de congé, celui-ci est en droit de refuser. Toutefois, ce refus ne doit pas être discriminatoire et relever de l’excès de pouvoir. Il doit trouver sa raison dans la nécessité d’assurer le bon fonctionnement de l’entreprise. Selon la Halde, l’employeur doit « justifier, par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le refus d’accorder une autorisation d’absence pour fête religieuse » (Délib. Halde n° 2007-301, 13 novembre 2007 ; Délib. Halde n° 2009-117 du 6 avril 2009). Par exemple, la réception d’une livraison importante le jour de la fête de l’Aïd peut justifier le refus de l’employeur d’autoriser l’absence d’une salariée musulmane ce jour-là (Cass. soc., 16 décembre 1981, n° 79-41.300P). En cas de refus de l’employeur, le salarié est tenu de respecter cette décision. Une absence non autorisée pour des motifs légitimes constitue une faute que l’employeur peut sanctionner. Le caractère religieux de cette absence n’a aucune incidence sur la faute commise par le salarié, qui ne pourra ni s’en prévaloir pour justifier son comportement ni arguer d’une discrimination à son encontre. DES AMÉNAGEMENTS DU POSTE OU DES HORAIRES La jurisprudence considère que les convictions religieuses n’entrent pas, sauf clause expresse, dans le cadre du contrat de travail (Cass. soc., 24 mars 1998, n° 95-44.738P). Toutefois, la conclusion du contrat de travail relevant d’une négociation entre l’employeur et le futur collaborateur, le salarié qui souhaite bénéficier d’un régime particulier favorisant l’exercice de sa liberté religieuse peut toujours en faire la demande à son employeur lors de cette négociation, et celui-ci peut accepter. Le contrat mentionnera alors dans une clause ad hoc les modalités d’exercice par le salarié de sa religion. Même sans bénéficier d’un régime dérogatoire particulier, un salarié peut parvenir à concilier pratique religieuse et bonne exécution du contrat de travail. Ainsi, un salarié musulman peut parfaitement faire sa prière pendant la pause cigarette d’un autre salarié. En revanche, cela ne doit pas le conduire à interrompre une réunion ou se soustraire à son travail. En pratique, certaines entreprises commencent à prendre en compte, de manière collective, les pratiques religieuses de leurs salariés, en aménageant des salles de prière par exemple. Reste que tout aménagement pour permettre la pratique religieuse du salarié doit rester en conformité avec le Code du travail, les accords d’entreprise et la convention collective. Par exemple, une demande d’aménagement d’horaire pour le ramadan pourrait légitimement être refusée si elle conduit le salarié à travailler plus de six heures d’affilée sans pause. De même, nul ne peut déroger à la règle du repos dominical en dehors des cas de dérogation admis par le Code du travail. En conséquence, un employeur de confession juive ne peut en aucun cas imposer à ses salariés de prendre leur repos hebdomadaire le samedi(CA Paris, 10 novembre 1994). LES ENTREPRISES DITES DE TENDANCE Les entreprises de tendance sont celles dans lesquelles « une idéologie, une morale, une philosophie ou une politique est expressément prônée. Autrement dit, l’objet essentiel de l’activité de ces entreprises est la défense et la promotion d’une doctrine ou d’une éthique » (Ph. Waquet, « Loyauté du salarié dans les entreprises de tendance », Gaz. Pal., 1996, p. 1427). Dans de telles entreprises, il est admis depuis longtemps que la liberté de pensée du salarié soit moins large que dans une entreprise ordinaire. En acceptant de travailler dans une entreprise dont l’activité a une finalité religieuse (école catholique, association cultuelle, etc.), le salarié accepte de restreindre la liberté dont il jouit dans sa vie personnelle. Par exemple, le licenciement d’une enseignante d’un établissement catholique fondé sur le fait que, après avoir divorcé, elle s’était remariée a été admis (Cass. ass. plén., 19 mai 1978, n° 76-41.211P). En effet, « l’article L. 1132-1 du Code du travail, en ce qu’il dispose qu’aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de ses convictions religieuses, n’est pas applicable lorsque le salarié, qui a été engagé pour accomplir une tâche impliquant qu’il soit en communauté de pensée et de foi avec son employeur, méconnaît les obligations résultant de cet engagement » (Cass. soc., 20 novembre 1986, n° 84-43.243P). Cependant, même dans ces entreprises où l’orientation religieuse du salarié peut faire partie intégrante du champ contractuel, l’employeur devra démontrer l’existence d’un trouble objectif et caractérisé pour justifier le bien-fondé du licenciement.
Posted on: Fri, 13 Sep 2013 14:08:23 +0000

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